

... et balais de toutes les couleurs, une fête pour les yeux, un avant-goût d'intérieurs briqués avec soin.






Avec Pola, ce furent d'abord les mains, comme toujours. Il y a le soir, il y a la fatigue d'avoir perdu son temps dans les cafés en lisant des journaux qui sont toujours le même journal, il y a comme une barre de bière qui serre doucement la peau à la hauteur de l'estomac. On est disponible pour n'importe quoi, on pourrait tomber dans les pires pièges de l'inertie et de l'abandon et soudain une femme ouvre son sac pour payer son café-crème, ses doigts jouent un instant avec le fermoir toujours rétif du sac. On a l'impression que le fermoir défend l'entrée d'une maison zodiacale, que lorsque les doigts de la femme trouveront la façon de faire glisser la fine barrette dorée, une irruption va éblouir les habitués du café imbibés de Pernod et de Tour de France, ou plutôt elle les avalera, un entonnoir de velours violet arrachera le monde de
ses gonds, tout le Luxembourg, la rue Soufflot, rue Gay-Lussac, le café Capoulade, la fontaine Médicis, la rue Monsieur-le-Prince, elle emportera tout dans un gargouillement final qui ne laissera qu'une table vide, le sac ouvert, les doigts de la femme qui sortent une pièce de cent francs et la tendent au père Ragon, tandis que, naturellement, Horacio Oliveira, émérite survivant de la catastrophe, se prépare à dire ce qu'on dit en pareille occasion.
mais Oliveira en était encore aux mains, comme toujours les mains des femmes l'attiraient, il éprouvait le besoin de les toucher, de promener ses doigts sur chaque phalange, d'explorer comme un masseur japonais la route imperceptible des veines, de s'informer de l'état des ongles, de pressentir chiromantiquement les lignes néfastes et les monts propices, d'entendre le grondement des marées en appuyant son oreille contre la paume d'une petite main que l'amour ou une tasse de thé ont rendue un peu humide.
Joie des récents diplômés et grande fête dans la salle ployvalente de Otto Hahn Gymnasium.