vendredi 13 mai 2022

Lu et vu (13)

 Lu

Requiem de Gyrðir Elíasson

Marionnettes Ana Maria Matute

jeudi 12 mai 2022

à la boulangerie (5)

elle vient de payer et sort, une vieille dame austère presque sévère, bien droite, cheveux gris, lunettes à monture noire, à la caisse, elle, immenses faux cils piercing et jolie bouille ronde à la Betty Boop,  -Non, mais trop, j'y crois pas, la joie éclate sur son visage trop, trop sympa elle agite une enveloppe, je la vois souvent mais là quand même, quelqu'un dans la queue, -Vous aussi, vous êtes sympa, on a envie de vous faire plaisir ! -Oui, mais un bon d'achat de trente euro chez Sephora, trente euro vous vous rendez compte, elle a dit, son rire fuse approbateur, j'ai pensé que ça irait avec votre style

mercredi 11 mai 2022

" ne cherchez pas trop à photographier : pour juger, pour aimer, il faut venir et rester"

 

 

l'ombre déjà généreuse d'un tilleul, les toits en cascade du quartier Saint-Esprit, l'Adour scintillant dans le grand soleil, au loin les flèches de la cathédrale, Bayonne par un radieux jour de mai.


      Roland Barthes La lumière du Sud-Ouest 

      (paru dans L'Humanité du 10 septembre 1977)

" (...) Commence alors la grande lumière du Sud-Ouest, noble et subtile tout à la fois ; jamais grise, jamais basse (même lorsque le soleil ne luit pas), c'est une lumière-espace, définie moins par les couleurs dont elle affecte les choses (comme dans l'autre Midi) que par la qualité éminemment habitable qu'elle donne à la terre. Je ne trouve pas d'autre moyen que de dire : c'est une lumière lumineuse. Il faut la voir, cette lumière (je dirais presque : l'entendre, tant elle est musicale), à l'automne, qui est la saison souveraine de ce pays ; liquide, rayonnante, déchirante puisque c'est la dernière belle lumière de l'année, illuminant chaque chose dans sa différence (le Sud-Ouest est le pays des micro -climats), elle préserve ce pays de toute vulgarité, de toute grégarité, le rend impropre au tourisme facile et révèle son aristocratie profonde (ce n'est pas une question de classe mais de caractère). A dire cela d'une façon aussi élogieuse, sans doute un scrupule me prend : n'y a-t-il jamais de moments ingrats, dans ce temps du Sud-Ouest ? Certes, mais pour moi, ce ne sont pas les moments de pluie ou d'orage (pourtant fréquents) ; ce ne sont même pas les moments où le ciel est gris ; les accidents de la lumière, ici, me semble-t-il, n'engendrent aucun spleen ; ils n'affectent pas l'« âme », mais seulement le corps, parfois empoissé d'humidité, saoulé de chlorophylle, ou alangui, exténué par le vent d'Espagne qui fait les Pyrénées toutes proches et violettes : sentiment ambigu, dont la fatigue a finalement quelque chose de délicieux, comme il arrive chaque fois que c'est mon corps (et non mon regard) qui est troublé.

Mon troisième Sud-Ouest est encore plus réduit : c'est la ville où j'ai passé mon enfance, puis mes vacances d'adolescent (Bayonne), c'est le village où je reviens chaque année, c'est le trajet qui unit l'une et l'autre et que j'ai parcouru tant de fois, pour aller acheter à la ville des cigares ou de la papeterie, ou à la gare chercher un ami. J'ai le choix entre plusieurs routes ; l'une, plus longue, passe par l'intérieur des terres, traverse un paysage métissé de Béarn et de Pays basque ; une autre, délicieuse route de campagne, suit la crête des coteaux qui dominent l'Adour ; de l'autre côté du fleuve, je vois un banc continu d'arbres, sombres dans le lointain : ce sont les pins des Landes ; une troisième route, toute récente (elle date de cette année), file le long de l'Adour, sur sa rive gauche : aucun intérêt, sinon la rapidité du trajet, et parfois, dans une échappée, le fleuve, très large, très doux, piqué des petites voiles blanches d'un club nautique. Mais la route que je préfère et dont je me donne souvent volontairement le plaisir, c'est celle qui suit la rive droite de l'Adour ; c'est un ancien chemin de halage, jalonné de fermes et de belles maisons. Je l'aime sans doute pour son naturel, ce dosage de noblesse et de familiarité qui est propre au Sud-Ouest ; on pourrait dire que, contrairement à sa rivale de l'autre rive, c'est encore une vraie route, non une voie fonctionnelle de communication, mais quelque chose comme une expérience complexe, où prennent place en même temps un spectacle continu (l'Adour est un très beau fleuve, méconnu), et le souvenir d'une pratique ancestrale, celle de la marche, de la pénétration lente et comme rythmée du paysage, qui prend dès lors d'autres proportions ; on rejoint ici ce qui a été dit au début, et qui est au fond le pouvoir qu'a ce pays de déjouer l'immobilité figée des cartes postales : ne cherchez pas trop à photographier : pour juger, pour aimer, il faut venir et rester, de façon à pouvoir parcourir toute la moire des lieux, des saisons, des temps, des lumières."

mardi 10 mai 2022

Elle disait

Les petits-enfants et l'argent C'est comme l'essence avec une vieille voiture, tu peux mettre autant que tu veux, y a jamais assez dans le réservoir.

vendredi 6 mai 2022

Lu et vu (12)

Lu

L'inconnu de la Poste de Florence Aubenas 

Bel abîme Yamen Manai

Spectacle

Cyrano d'Edmond Rostand mis en scène par Lazare Herson-Macarel

jeudi 5 mai 2022

au marché (15) du samedi, place Albert 1er

deux amies, la cinquantaine, elles sont à la caisse, l'une à l'autre désignant l'homme à la caisse, un homme probablement d'origine marocaine comme la plupart sur ce marché, elle parle fort, tout le monde en profite Tu vois, il s'en souvient et c'est moi qui lui ai appris, sa voix vire dans les aigus, avec une joie enfantine,  maintenant d'une fois sur l'autre, il me demande, les carottes avec les fanes ? Il sourit poliment, patiemment aussi, songer que vous ne connaissez pas ce mot depuis si longtemps, vous rappeler aussi votre surprise au détour d'une copie devant le nom "panais", le verbe "pâtisser" ou encore l'expression "prendre l'amble", vaste planète que celle des mots