samedi 10 avril 2010

casser la croûte au marché

Il y avait encore des marchés, les paysans étaient des travailleurs de force, ils concluaient leurs marchandages (en basque tratuak) au bistrot de la place, cassaient la croûte les coudes sur la table, buvaient du rouge dans des verres à fond plat, les ballons c'était pour les grands jours et encore, les femmes attendaient, râlaient, c'est qu'ils tardaient et forçaient parfois sur le rouge, ces quelques heures leur échappée, pensez, là tout le canton  et les maquignons de la contrée, tant de nouvelles brassées là, Alors quoi de neuf ? Zer berri ? elles leur disaient au retour, l'alcootest n'avait pas encore été inventé, on n'avait pas encore peur de son taux de cholestérol et à dix heures du matin oui, c'était bon de manger à la fourchette...

"Chez Mantette" vendue aux enchères (7 avril 2010)


Bien qu'elle réside depuis quelques années à Départ, Dominique Lamarque n'a jamais oublié Castétarbe. Route de Bayonne, durant trois décennies, elle a veillé au destin de la fameuse auberge du quartier, que sous nos cieux tout le monde appelle encore « Chez Mantette. » Alors quand elle a appris, ce début de semaine, que l'établissement, suite à une liquidation judiciaire, serait prochainement mis aux enchères, on comprend que quelque émotion l'ait secouée.
                                 365 jours par an
Il est vrai que de ces murs Dominique recèle autant de souvenirs que si elle avait 1 000 ans. « J'y suis rentrée en 1973 et suis partie en 2003. Après avoir passé 30 ans. Et ce fut 30 années de bonheur. » De bonheur mais aussi de travail. Car celle qui est entrée dans l'établissement par son mariage, y était « 365 jours par an. Sans jamais être malade. En faisant toujours le maximum pour rendre mes clients heureux. » Avec un lever quotidien à 4 heures du matin et des heures de fermetures souvent imprévisibles.
Il est vrai que l'Orthez des années 70 et 80 avait un autre visage. C'était celui des usines de meubles (Bois Béarnais ou Circoncision), du textile florissant, des ouvriers et employés qui avaient pour habitude de boire un verre de rosé avant de rentrer chez eux. Beaucoup se retrouvaient à Castétarbe. « J'avais aussi tous ceux de Baigts ou Puyoô qui en rentrant de Lacq s'arrêtaient à l'auberge. Les jeunes aussi, qu'ils soient de Castétarbe ou de l'équipe de foot de Baigts. » Dominique se souvient de ces épouses qui téléphonaient pour savoir si leur moitié refaisait toujours le monde au comptoir. « Elles me demandaient si leurs maris n'allaient pas rentrer un peu pompettes. Il n'y avait pas la peur du gendarme à l'époque. » Et puis, même si elle les a vues évoluer, les relations sociales étaient autres. « Les gens prenaient le temps de se parler, de s'arrêter... Aujourd'hui, on a vraiment l'impression que tout le monde est pressé. »
                            Les fameux petits-déjeuners à la fourchette
 « Chez Mantette », c'était aussi l'antre des petits-déjeuners à la fourchette, tradition que plusieurs générations ont souhaité entretenir. « Cela a commencé comme cela. Un jour, quatre agriculteurs sont venus au marché. Et, ils m'ont demandé une omelette, presqu'en s'excusant. Et en Béarnais. Je leur ai préparé et en partant, ils m'ont questionné pour savoir si je leur cuisinerais une entrecote pour la semaine suivante. J'ai dit oui, et cela a commencé comme cela. Parfois, je faisais plus de 100 couverts. En proposant toujours deux plats. » Petit à petit, les convives se sont agrégés chaque semaine.
Mais réduire l'auberge à se ce souvenir des mardis gourmands serait injuste. « L'auberge, c'était aussi un lieu où j'ai vu grandir des jeunes. J'ai eu leurs enfants après comme clients. Et qu'est ce qu'on a pu travailler ! »

... et la suite

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