samedi 31 janvier 2015

passion danse

http://youtu.be/RtZXavurBcE
 cliquer sur l'image pour entendre Hegoak interprété par Mikel Laboa


il s'échauffe dans le couloir, ses parents " il est monté à Paris, on lui a quand même fait prendre un métier, il est coiffeur" son entrée dans la salle "Hegoak... vous pouvez ? je vais improviser" et nos corps enracinés à leur tour chent l'envol ; plus tard,  elle regarde la photo, s'attarde, du doigt suit la rangée de fauteuils, les mots ont fui, un échange de regard, léger sourire désabusé, quelque chose comme un "on en est donc là


Txoria Txori (ou Hegoak), poème de Joxean Artze, mis en musique par Mikel Laboa


Hegoak ebaki banizkio
Neria izango zen
Ez zuen aldegingo.

Bainan horrela
Ez zen gehiago txoria izango.

Eta nik,
Txoria nuen maite.

Si je lui avais coupé les ailes
Il aurait été à moi
Il ne serait pas parti

Mais alors
Il n'aurait plus été un oiseau

Et moi,
C'est l'oiseau que j'aimais

jeudi 29 janvier 2015

"Ils sont tragiques et grands, j'aime les regarder"

 

Au nom de la terre Vergilio Ferreira
traduit du portugais par Geneviève Leibrich



"J'ai alors remarqué un tas de vieux vêtements sur une chaise. Antoinette l'a touché — tu te souviens au village ? Au bord des mares on voyait parfois une tache de verdure au ras de l'eau, on la touchait et un morceau de vert bondissait du reste de la verdure et c'était une grenouille. Antoinette a touché le monceau de vêtements et une face très vieille s'est élevée d'entre les plis et s'est mise aussitôt à psalmodier ave, ave. D'une voix rauque cassée par l'âge. Mais le mécanisme s'est enrayé aussitôt et la face a replongé dans les vêtements, il n'est resté qu'un monceau de vieilles étoffes sombres. Elle a cent deux ans, a dit Antoinette et elle avait un rire content de cette espèce de pouvoir surnaturel. Dans la salle environ six vieillards étaient en train de manger. Ce sont les plus vieux, m'a dit Antoinette. J'aime la futurologie, je veux voir de quoi j'aurai l'air plus tard et ressentir maintenant la peine que je ne ressentirai pas alors. Ils sont six et tous sont penchés sur leur écuelle, ils ne nous regardent pas. Celui-ci a quatre-vingt-quatorze ans, celui-là quatre-vingt-sept Antoinette fait le décompte de leur manie de vouloir être vivants, ils ne nous voient pas. L'un d'eux s'est sali de nourriture, elle lui essuie la bouche le visage le costume, il s'interrompt, recommence aussitôt à manger. Ils sont beaux et immenses, j'aime les regarder. Ils sont tragiques et grands, j'aime les regarder. Ils sont courbés au-dessus de la table et ils mangent en silence. Nous nous attardons un peu, ils n'arrêtent pas de manger. Ils ont une mission à accomplir, notre présence ne les distrait pas, ils mangent. Ils ont laissé derrière eux les mille embêtements inhérents à la condition humaine, le sexe, les projets le pouvoir et la joie et la danse et la maison et le travail et la terre et les intrigues de voisinage et peut-être même le cimetière avec lequel ils avaient établi un contrat à tempérament, maintenant ils n'ont plus rien et ils mangent. C'est leur dernière possibilité d'avoir un corps et ils en profitent. La dernière occasion de jouir de sa royauté, ai-je pensé avec un peu de hauteur philosophique. Ce sont des corps sans mystère, ils n'ont pas d'intérieur—qu'avez-vous encore là-dedans? ce sont des carcasses d'hominidés. Antoinette s est arrêtée, ses serviettes sur le bras, elle attend que je me dépêche, mais je continue à les regarder en philosophant un peu. Ce sont les dépouilles de quelque chose qui eut sa grandeur, même modeste, même à la portée d'une main prolétarienne. Car la grandeur, chère Monique, n'a pas vraiment de rapport avec ce que nous faisons mais avec ce que fait l'animal en nous, lequel a beaucoup de force et a besoin d'une force bien plus grande encore pour ne pas en avoir. Ce sont des vieillards, chérie. La vie les a manipulés, elle leur a sucé toute l'âme jusqu'à ne plus laisser d'eux qu'un tube digestif."

lundi 26 janvier 2015

dimanche (7) matin : en traversant le Béarn

parc Beaumont



avant Mourenx, Bésingrand, les usines, torches sorties des brumes,
avant Navarrenx, Ogenne Camptort, les Pyrénées

lundi 19 janvier 2015

troupeau

bêler de concert
tenter de s'extraire
quêter un regard
et risquer sa voix

samedi 17 janvier 2015

elle s'éloigne en rêvant


 l'une couve, l'autre pas
et le futur d'éclore ici et là


jeudi 15 janvier 2015

La ronde (11) : transport(s)

La ronde est un échange périodique de blog à blog sous forme de boucle, mis en ligne le 15 du mois. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième et ainsi de suite.

Sur le thème de la (des) transport(s) j'ai le plaisir aujourd'hui d'accueillir Dominique  la distance au personnage tandis que je me décale vers Hélène  Simultanées


Tel un tapis persan
Comme un conte des Mille (et surtout Une) Nuits


À la mémoire des dessinateurs de Charlie, quand ils étaient petits, et aussi plus tard, et toujours…

 
C'est arrivé au mois de septembre de l'année dernière. Je ne me souviens plus précisément quand, mais s'il fallait retrouver la date un bon indice serait que ce matin-là Marc Voinchet recevait l'écrivain américain Richard Ford, dont je venais de lire le magnifique Canada. Ainsi étais-je concentré sur l'écoute de cette grande voix (occupée dans l'instant à préciser différents modes de pêche à la mouche, le traducteur avait certainement dû in extremis convoquer ses connaissances en entomologie), concentré étais-je donc, en ayant, comme on dit, fait un peu le vide autour de moi, remettant à plus tard ce que la radio permet habituellement de faire dans le même temps : la toilette, le tri entre prospectus et mots doux ou sérieux, l'épluchage des pommes de terre, etc. Bientôt, il y eut une pause musicale avec un certain Ibrahim Maalouf et son titre Diagnostic (un titre à la Sollers, pensai-je, mais le Sollers des années soixante, ou alors un Sollers d'aujourd'hui qui serait resté tel quel, enfin bref) et je me laissais emporter par les arabesques de cuivres épicées, puissantes et fragiles à la fois, quand sous mes yeux est tombé ceci :







(ensuite, une série de petits pas qui montent en courant l'escalier et, j'en aurais mis ma main au feu, en riant sous cape)



J'ai pris la feuille machinalement, la reposant sur une pile de livres en instance (et en équilibre) sur un tabouret lui-même estropié. À la radio, la conversation roulait maintenant sur le terrain de la chasse. Ce tropisme de prédateur n'était pas spécifiquement pour me déplaire, j'en avais connu d'autres et des pires, mais la feuille, à la faveur d'un courant d'air (sinon, quelle invisible main ?) avait repris sa place à côté de mon pied droit. Il était difficile désormais de n'y pas jeter un coup d'œil. Et ce que j'y vis me stupéfia.
Ce n'était pas faute d'avoir jamais regardé attentivement de ces dessins d'enfants, parfois drôles, souvent étonnants, toujours émouvants. En l'occurrence et s'agissant de ma petite-fille, raison de plus pour m'y attarder, mais cette fois-ci force était de constater qu'il s'agissait de bien autre chose qu'un simple « dessin d'enfant ». D'ailleurs, à y regarder de plus près ce n'était pas un dessin, plutôt un ensemble de longs coups de crayon horizontaux, légèrement courbes et de taille similaire, dont les couleurs mélangées avaient généré une tonalité rose, un peu comme on dit d'un bruit qu'il est rose quand il rassemble des notes d'intensité constante (en ce sens, j'aime à penser qu'il ressemble au bruit fossile de l'univers primitif, bruit aimable et neuf, s'il en fut). Oui, c'était ça, le génie de ce papier coloré tenait à l’absence totale d'intellectualisme, de préméditation. J'avais sous les yeux la force brute d'une grappe de photons cueillie en plein vol, avec toute l'agilité dont est capable une enfant de huit ans. Mais cela encore, ce n'était rien.


Car le plus déroutant de l'histoire, le plus fantastique - et il faut bien entendre ici ce mot dans son sens littéraire, est qu'en regardant de près cette composition (on sera tenu de me croire sur parole, car la photo prise avec mon téléphone portable ne permet qu'une vue par trop sommaire, j'en ai bien conscience) en la regardant de très près donc, à la loupe, apparaissaient à sa surface de très fines et mystérieuses phrases insérées en filigrane, comme cousues dans les couches plus grasses de couleur, jouant à saute-mouton sur le relief granuleux du papier Canson. Si je ne comprenais pas la langue du texte, elle me paraissait néanmoins latine et comportait de nombreuses occurrences, des répétitions, probablement des mots-clés. L'ensemble faisait penser (mais une enfant de huit ans !) à une toile de Simon Hantaï qui se serait trouvée non pas découpée, mais réduite, pour ainsi dire résumée, à la façon des tsantzas des Indiens Jivaros. J'eus alors un grand vertige, et ce fut comme un prétexte pour ne pas demander à la fillette de venir sur-le-champ, illico presto, et ainsi lui poser les quelques questions qui auraient peut-être pu mettre un terme à mon agitation. On aurait presque dit que j'en avais peur. Il y avait certainement une explication rationnelle, mais laquelle, et à qui en parler ? Au bout d'un moment il a bien fallu passer à table, je me tins coi et prudent, plaisantant à peine de temps à autre, ainsi à propos de la chaudière qui, le soir, émettait une musique merveilleuse, comme si un lutin se fût amusé à jouer de ses tubulures intimes à la manière d'un vibraphoniste amoureux.


Le lendemain matin, alors que la maman était revenue chercher sa progéniture, ce fut le dernier acte de cette révélation et, il fallait s'y attendre, son point d'orgue.
J'avais passé la nuit en longues plages pour la plupart stériles, aboutissant au fait que cette œuvre géniale n'était peut-être en définitive que le fruit du hasard, si surprenante soit la forme que celui-ci s'était évertué à prendre. Une poussée de génie comme il en existe de fièvre, la grande compagne des enfants. Aussi ma surprise fut-elle à son comble lorsque je vis la feuille nouvellement recouverte par l'inscription : « Cahier de dessins » (suivi de ce qui ressemblait à la représentation d'un cœur  - noir, au liseré rouge - le tout souligné d'une belle vague, rouge de même). Alors, quoi, cette merveille n'était qu'une... couverture, pour... d'autres dessins à venir ? Une jaquette, un raccourci ? Pas possible... Et pourtant, bien sûr que si, tout concordait, jusque dans l'écriture, la forme des lettres délibérément enfantine, maladroite, comme faite exprès pour gruger son monde, tromper l'ennemi ! Et aussi, et alors, bon sang mais j'en perdais mon latin, si ce que j'avais vu n'était qu'une esquisse, une page de garde au caractère seulement informatif, qu'allait-il en être des œuvres futures ? De quelles spéculations stylistiques, métaphysiques, mystiques, allaient-elles éclore ? Et, surtout, comment contenir l'immense flot d'émotion, d'évidence nue et d'espoir infini qui ne manquerait pas de nous suffoquer ?


J'embrassai alors très respectueusement - et du bout des lèvres, pour ne pas l'abîmer, ce nouvel Hantaï (dans un genre différent, certes !) d'un mètre douze de haut, et signifiai à mon gendre qu'il était inutile de m'attendre pour me ramener à la maison de repos. Afin de raconter cette bonne nouvelle, et aussi pour me rassurer un peu, il me semblait heureux de prendre les transports en commun.





Les participants de cette ronde évoluent aujourd'hui dans le sens suivant :


chez Dominique B (Jacques Louvaindominique-boudou.blogspot.fr
chez Céline  (MESESQUISSES)  mesesquisses.over-blog.com

Jean-Pierre  (Voir et le dire, mais comment ?)  voirdit.blog.lemonde.fr

Jacques (un promeneur) 2yeux.blog.lemonde.fr

Guy  (Émaux et gemmes des mots que j'aime) wanagramme.blog.lemonde.fr

Gilbert  (le blog graphique)  gilbertpinnalebloggraphique.over-blog.com

Franck  (quotiriens) quotiriens.blog.lemonde.fr

Dominique A (la distance au personnage) dom-a.blogspot.fr

Elise  (Même si)  mmesi.blogspot.fr/
chez Hélène...
 

vendredi 9 janvier 2015

leur nid déserté,


et le ciel avait viré à l'encre,
mais le printemps se préparait,
les chants reviendraient

lundi 5 janvier 2015

C'est le silex en feu sous mon pas dans la nuit...


http://youtu.be/FnA96VDq-rM

 cliquer sur l'image pour d'autres images



Le paysage de Robert Desnos
 
J'avais rêvé d'aimer. J'aime encor mais l'amour
Ce n'est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l'issue de sentiers sans détour.

J'avais rêvé d'aimer. J'aime encor mais l'amour
Ce n'est plus cet orage où l'éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l'adieu au carrefour.

C'est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu'aucun lexique au monde n'a traduit
L'écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.

À vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.