mardi 26 mai 2015

"Puis, subitement, est arrivé un léger bruit de pas comme venant de très loin."



Désormais le portail s'était complètement ouvert, mais personne ne sortait.

Il y avait toujours ce profond silence. Quelque chose grinçait quelque part, un peu plus haut, sans doute le lampadaire, à cause du vent.




 la_petite_lumiere

 La petite lumière Antonio Moresco, traduit de l'italien par Laurent Lombard
éditions Verdier


J'avançai ma tête au coin du mur, de là je pouvais voir une grande partie du portail à deux battants complètement ouvert, tout le bâtiment de l'école toujours noir, même au rez-de-chaussée, même dans le hall qu'il devait y avoir après l'entrée.

Puis, subitement, est arrivé un léger bruit de pas comme venant de très loin.

Quelques instants plus tard, les uns après les autres, en silence, des enfants ont commencé à sortir du portail avec leur petite blouse noire et leur cartable.

J'avais les jambes molles, je les regardais sans respirer, caché derrière mon coin de mur, dans le noir, tandis qu'ils sortaient par le portail et puis descendaient les quelques marches qui menaient au niveau de la rue. J'essayais de distinguer, au milieu des autres, la tête rasée de l'enfant.

Quelques autres enfants sont sortis. Je croyais qu'il n'y en avait plus, mais il en est sorti encore deux.

Puis plus rien.

« Il n'est pas là! », je me suis dit, à la fin.

Mais, quand il semblait qu'il n'y avait plus personne d'autre, il est sorti lui aussi.

Aussitôt après, le portail s'est refermé d'un coup, sans faire de bruit, derrière lui.

Chaque enfant a suivi son chemin, sans échanger un mots sans un salut.

J'ai failli sortir de derrière le mur où je m'étais caché et m'approcher de l'enfant et lui prendre son cartable, pour l'accompagner jusqu'à sa lointaine petite maison, au milieu des bois. Mais je me suis arrêté, parce qu'il m'avait déjà répondu non quand je le lui avais demandé.

« C'est quoi ce monde? », je pensais en regardant les enfants qui s'en allaient tout seuls dans le noir, avec leurs petites jambes nues sous leur petite blouse et avec leur cartable. « Ou est-ce que, quand tout le monde dort, il y a des enfants morts qui sortent en silence des écoles du soir, tout seuls, sans que personne ne le sache, sans que personne ne les voie. Ils n'ont personne qui les attend, debout devant le portail, ils ne lèvent même pas leur regard dans le noir, de toute façon ils savent pertinemment que personne ne les attend. Ils s'en vont tout seuls, qui sait où... Maintenant cet enfant va traverser le village désert, il va prendre cette petite route qui monte et arrive jusqu'au début de la crête, puis le chemin plus étroit envahi par la végétation et par les ronces qui grimpe au milieu de la forêt, en pleine nuit, dans le noir, il va arriver jusqu'à sa petite maison, il va allumer la petite lumière... Quelle peine ils font les enfants morts quand ils sortent comme ça des écoles plongées dans le noir, la nuit, tout seuls! Mais au fond..., les enfants vivants ne font-ils pas autant de peine ? »
Désormais le portail s'était complètement ouvert, mais personne ne sortait.



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