Les radis bleus
Pierre Autin-Grenier
Pierre Autin-Grenier
Samedi 31 décembre
Saint Sylvestre
Minuit, je jette un truc complètement cassé dans un lit en cage de fer et finalement le truc y trouve un sommeil qu`il voudrait sans réveil.
C’est moi.
C’est moi.
Dimanche 1er janvier
Jour de l'An
Jour de l'An
Est-ce bien la brise légère qui fait trembler l”eau du lac, ou n'est-ce pas plutôt la vieille coque du voilier bleu, engravée du côté des ajoncs? Cette soudaine éclaircie dans le sombre du jour, la doit-on au soleil qui perce le silence ou à l”arbre nu dont les branches mortes un instant s'écartent, pour discrètement faire place à un pays plus lumineux? Et les cailloux blancs, sur le bord du chemin, qu'attendent-ils si patiemment qui ne soit fervente promesse de lointains voyages?
C'est à force de mépris pour toutes ces choses insignifiantes d'apparences que nous sombrons dans la folie de l'immédiatement efficace. Vivre requiert alors des tempêtes évidentes, des canicules féroces et des routes sans cailloux, vite tracées à travers plaines et montagnes. Au reste nous n'accordons un seul regard, pressés de l'inscrire au calendrier du temps perdu.
Au cœur de quelques-uns seulement, l'impérieuse nécessité des choses inutiles d`elle-même s`impose. Ils veillent ; soupèsent l'impondérable et protègent l'éphémère. Ils savent trop, du fond de leur désespoir tranquille, comment s`écroulerait soudainement le monde une fois supprimé tout ce qui ne sert à rien.
Pratiquant le land art depuis presque 20 ans, j'ai fait ce choisi de vivre dans l"éphémère. J'ai accepté aussi de passer aux yeux de beaucoup, comme une personne inutile. Je vis au cœur du peu, et ce que je réalise s'inscrit dans la philosophie de 'Arte Povera. Mon genre de vie m'a permis tant de belles rencontres, tant d’échanges, tant d'occasion d'ouvrir les yeux à bien des personnes sur la beauté du monde, d'une lumière, d'un paysage. Je prends beaucoup de photos avec des appareils modernes et je n'ai jamais parlé de technique photo avec des inconnus arrivant dans un pierrier, découvrant une spirale que je photographie. Non, nous parlons de ce qu'ils découvrent, d'une spirale, puis regardent autour d'eux et nous finissons par parler du monde, eux les importants et moi, l'inutile artiste qui joue avec des cailloux. Voyez, tout n'est pas perdu. Belle année, amie.
RépondreSupprimerRoger
et belle année à vous
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