La ronde est un échange périodique de blog à blog sous forme de boucle, mis en ligne le 15 du mois. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième et ainsi de suite. Sur le thème de dialogue (s), j'ai le plaisir aujourd'hui d'accueillir Jacques tandis que je me décale vers Dominique Autrou de La Distance au personnage
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- (…) je crois que dans ce prétendu hasard il y a un ordre, une grammaire que nous ne saurons jamais déchiffrer : un ordre dans le frémissement de l’herbe et les feuilles de chêne balayées par le vent, un autre dans la mouvante architecture des nuages (cette manière dont les lambeaux de vapeur tournent et s'agrègent, se conjuguent, puis s’échappent) et aussi un ordre dans la circulation des ombres à travers le jardin, ...
- un ordre ! mais qui ordonne ?
- je
ne sais pas : Dieu ou le hasard mais intuitivement je ne crois pas au
hasard ; alors est-ce que nier le hasard serait reconnaître l’existence
d’un dieu, je ne sais pas… Prends ça comme tu veux !
-
revenons à la peinture : est-ce qu’elle a un langage, quelle
signification lui donnes-tu , quelle est justement la part de hasard ?
– pas de hasard, mais une lente élaboration : j’aurais beaucoup aimé dessiner des visages mais voila j’ai jamais appris, alors mes portraits ressemblent à des monstres difformes, angoissants, immobiles donc je dessine plutôt des cartes-villes, et des arbres. Les arbres j'essaie maintenant comme Alexandre Hollan de les dessiner sans les quitter des yeux, la main obéit plus ou moins, elle trace - main–tenant - elle raconte l’arbre elle ne le photographie pas, elle l’interprète ; la main trace mais c’est l’œil qui anime, qui aime malgré l'imperfection de l’œil, de l’éclairage, de mes lunettes ! L’arbre parle ; c’est qu'il y a un langage des branches , elles se développent en fonction de l’espèce (saule,chêne, noisetier, … ) , de la lumière , du climat local, des accidents du vent … leur syntaxe est beaucoup plus compliquée que celle des mots mais l’image de l'arbre peut parler à d’autres regards à d’autres cultures, immédiatement. Le dessin parle, écrit toutes les langues. Alors que si on traduit un fragment de Pierre Michon ou Une Vie de Flaubert en allemand, en italien c’est une entreprise surhumaine. Le langage de la peinture, lui , n’a pas de frontières
– et tes villes ?
– ce sont des cartes que je dessine. Depuis le centre bien ordonné vers la périphérie, la banlieue, vers une zone de transition avec le rien, avec le désert blanc du papier. Je ne sais certes pas dessiner les visages, mais j’imagine très bien la vie des gens (et je vois leurs visages) dans mes cartes, au milieu de cette ville. Il y a toujours un fleuve une rive (fleuve ou mer) et un fouillis d'habitations et d’autres bâtiments ; une gare ou une usine désaffectée, gymnase ou parking, mais tout cela menacé d’ensablement. Tu regardes ces cartes et tu te dis qu’il s’est passé quelque chose : changement de climat, catastrophe (Pompéi, Fukushima, ...) en tout cas la vie c’est retirée peu à peu, ce sont des villes en voie de dissolution. Il y a bien quelques familles, au moins dans certains quartiers, mais personne ne saurait les situer. Peu à peu les oiseaux et la végétation reprennent possession des lieux. Le souvenir même de la ville s'efface et moi je suis avec le prétendu hasard du dessin, avec les accidents de l’encre noire ou de couleur, j’oublie le présent et je m’attelle à rendre présent ce qui est oublié comme si je devais reconstruire Manhattan ou un village de Corrèze, à partir d’une molaire de singe (…)
la ronde du 15 mars, dans l'esprit du ou des dialogues, voit ses participants tourner dans le sens suivant :
Les petits dessins de Pierre Michon pour Les Grands Dieux (1977) ont l'air d'avoir été faits à main levée, et le coude aussi.
RépondreSupprimerPortraits d'arbre-ville aux branches-artères ...
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