jeudi 13 décembre 2018

sur le boulevard, un homme

 
au diable la livraison,
à terre la bicyclette Deliveroo,
visage baigné par la lumière du couchant,
perché sur ses trois marches,
il jouit de l'instant présent,

                                          libre

s'effleurer d'un sourire,
une connivence légère,
ne pas déranger plus

                                                          s'éloigner


dimanche 9 décembre 2018

dimanche au parc (30)

il vous dépasse en petites foulées, souffle court, cent mètres et il s'arrête, se retourne, rubicond, hirsute, un visage luisant de transpiration, derrière lui, le château, à droite les toits gris de la ville basse et plus loin encore les Pyrénées, une pose, un cadrage, photo, sourire d'aise, il s'aime, il l'aime, de l'amour

mardi 20 novembre 2018

Maryline

10 heures, le couloir, elle est là, le chariot, le balai, la serpillère, toute petite, menue, cheveux blancs courts ébourriffés, visage parcheminé, quelques mots à la volée, entre deux portes, la retraite, tout ça, Je suis née en 65, les enfants sont casés mais on sait pas demain, on voudrait pas qu'ils nous doivent quelque chose, alors le travail tant qu'on peut, à 11 heures je finis le secteur elle montre du bras libre le long couloir, et cantine, la plonge, oui, c'est dur aussi, les mouvements, se retourner, mais moi j'aime bien, au moins on voit les enfants, c'est le seul moment, son visage s'éclaire, ses yeux s'embuent, un feu soudain aux pommettes leur dire bonjour, un sourire, se regarder, c'est pas grand chose, au début ils passaient la tête baissée, maintenant, je le sens, ils guettent ce moment, y en a même un, je parle patois, elle baisse les yeux, presqu'un aveu, eh ! bien on se parle en patois, comment qu'il a su, je sais pas, va pla ? il m'a dit un jour, alors je lui réponds, pas quand il est avec les copains, ça lui ferait honte et je veux pas le gêner, pour la chaîne ça va pareil, on fait pas moins vite

dimanche 4 novembre 2018

conversation (5) auprès des tombes, village natal

vous arrangez trois fleurs sur la tombe, déplacez un pot, ça y est, vous êtes repérée, on sait de quelle maison vous êtes, zoin etxekoa, qui vous êtes, nor ziren ; à quelques pas, kalakan emazte batzu, des femmes bavardent, coups d’œil à la dérobée, échange de sourires, vous  Ze tenoretan da omia sainduko meza ? - La messe de Toussaint ? à onze heures, réponse en français, si c'était la première fois ! sans doute plus de ce monde-ci, de cette langue, trahie par un manque d'assurance ou un accent ; à moins que ce soit refuser de se sentir assignée au basque par celui d'ailleurs qui se croit encore d'ici et protester, je ne suis pas pauvre, moi aussi, qu'est-ce que tu crois, je possède l'autre langue, la dominante

dimanche 21 octobre 2018

au marché (9)



il s'active autour de sa petite table rouge, des œufs, Elles pondent pas beaucoup, un peu le creux, quelques oignons, de ceux qui piquent, quatre ou cinq sachets de haricots blancs tarbais de maïs, des noisettes, les dernières tomates du jardin, Et un bouquet ? il montre le seau vide, Je viens de vendre le dernier mais j'en avais que deux, les fleurs, c'est la fin maintenant, calculette résolument de côté, stylo et calepin, poser l'opération, Y en a qui disent que c'est pas prudent, compter, recompter, voilà, ça vous fait 3 euro 54, payer, il se penche sur la petite caisse improvisée, rendre la monnaie, barrer l'opération,de l'application dans les gestes, il se redresse, sourit Oui, c'est vrai, on peut se tromper mais ça vous fait les entendements

mardi 25 septembre 2018

vieillir (23)

pas tout à fait quarante ans, des femmes le plus souvent, vraie gentillesse dans leur regard, vous faire plaisir, un élan et elles se lancent "j'espère qu'à ton âge, je serai aussi en forme que toi", un compliment donc, réaliser dans le même temps combien cet âge leur semble vertigineusement loin, pelletées de temps au-dessus d'abîmes, songer que vous-même en son temps, voire aujourd'hui le dites à des octogénaires à vélo ou à l'assaut de montagnes sac au dos, faire plus attention, ça va si vite, une accélération tandis que le pas se fait lent

mercredi 19 septembre 2018

une victoire




Téléphone, sa voix, joyeuse, claironne "La Normande a fait un petit veau, une femelle. Notre première naissance sexée. 
- Sexée... ?! 
- Oui, ça coûte plus cher, avec l'insémination artificielle on peut maintenant choisir le sexe, ça va aussi venir pour les humains, c'est sûr."




lundi 3 septembre 2018

petites choses qui (6) réchaufffent le coeur

soleil au zénith, l'été se fait accablant, aubaine d'un grand portail ouvert, une longue allée se perd dans l'immensité d'un parc, arbres vertigineusement hauts, des bancs, s'asseoir là, allonger ses jambes, tourner son visage vers le ciel, il a disparu dans les ramures, brise légère, pour un peu il ferait frais, puis c'est l'heure, à regret replonger dans la fournaise, croiser un couple, ils se hâtent, font cap vers votre banc, sur leur visage comme un soulagement,

se sourire

mardi 21 août 2018

mariage (8) à Pau, église Saint-Martin

un attroupement au bas des marches, on a investi, le plus beau jour de sa vie, longue limousine crème, demoiselles d'honneur, robe vaporeuse rose, larges ruban de satin gris, ça bourdonne, une effervescence fébrile qui devient palpable, on la guette, ça y est, elle va sortir, armée de portables, le photographe attitré, elle avance lentement vers la lumière, sa silhouette blanche gainée dans une longue robe, traîne, dentelle, escarpins, la voilà, sourire radieux, sujets d'un jour, ils se pressent à ses pieds, petits pistolets pointés sur elle, des grappes de bulles irisées s'échappent dans le soleil, un trop d'émotion, elle lance soudain ses longs bras musclés vers le ciel, V de la victoire,  sans doute une habituée des podium, des images venues du sport s'interposent, Roland Garros, championnat, un instant encore, elle va porter, c'est sûr, le trophée à ses lèvres

jeudi 9 août 2018

conversation (4)

c'était enfoui, et soudain on s'en est souvenu, leurs airs, leur assurance, une brutalité, elle passe où quand elle quitte les mots, ils parlaient, parlaient, on tentait sa voix et l'un déclarait "Parle à mon cul, ma tête est malade", c'était sans appel, on la bouclait et se barrait

mardi 24 juillet 2018

si ce n'était parfois le coeur glacé des hommes (2)


pour la vieille chapelle abandonnée, pour l'envol des clochettes, pour la brise légère qui s’engouffre et sèche vos vêtements, pour une griserie qui vous saisit,

si ce n'était parfois le cœur glacé des hommes

pour la grand-mère qui s'affole, le temps de se retourner et le petit a filé droit dans les vagues, pour la femme aux cheveux gris,  des boucles légères plaquées sur ses tempes, tôt encore, ventre lourd en avant, le nombril pointe, précautionneuse, elle marche, pour le gros homme appuyé sur une béquille, les vagues caressent ses chevilles, progression improbable au bord de la rupture mais il est là, vaillant, avance, aller retour,

 si ce n'était parfois le cœur glacé des hommes

pour l'homme qui passe à votre hauteur, ce qu'il est velu, son regard vous effleure, il se détourne, robe à pois, chapeau orange, jeune côté pile, votre âge côté face, pourquoi s'attarderait-il, pour tous ces corps offerts, vigoureux, élancés, ou vieillissants, la plage arpentée dans un sens dans l'autre, une hâte, une lutte, une nonchalance, qu'importe, vivants, tous

si ce n'était parfois le cœur glacé des hommes

mercredi 18 juillet 2018

si ce n'était parfois le coeur glacé des hommes (1)

pour un matin clair, pour un sentier entre ombre et lumière, pour l'océan en contrebas, pour le vin blanc qui pétille, le txakoli et pour plus que tout, l'oiseau qui s'obstine

si ce n'était parfois le cœur glacé des hommes

samedi 14 juillet 2018

De moment en moment René Char, poème d'ouverture à La Postérité du Soleil d'Albert Camus

– Poème d'ouverture de René Char  à La Postérité du soleil (1965) d’Albert Camus 
voir ici



 De moment en moment

Pourquoi ce chemin plutôt que cet autre ? Où mène-t-il pour nous solliciter si fort ? Quels arbres et quels amis sont vivants derrière l’horizon de ses pierres, dans le lointain miracle de la chaleur ? Nous sommes venus jusqu’ici car là où nous étions ce n’était plus possible. On nous tourmentait et on allait nous asservir. Le monde, de nos jours, est hostile aux Transparents. Une fois de plus il a fallu partir… Et ce chemin, qui ressemblait à un long squelette, nous a conduits à un pays qui n’avait que son souffle pour escalader l’avenir. Comment montrer, sans les trahir, les choses simples dessinées entre le crépuscule et le ciel ? Par la vertu de la vie obstinée, dans la boucle du Temps artiste, entre la mort et la beauté.




mercredi 27 juin 2018

Carte postale (2) de Pau

Pau, la ville près de, Pau, la ville en quête de petits ailleurs, la frontière, la montagne, l'océan, et pourtant ici le gave, le chant des oiseaux, la nature toute belle, toute fraîche

jeudi 21 juin 2018

Carte postale (1) du Pays Basque

 Goiz ? il se retourne, un chemin creux, du chèvrefeuille, humer, odeurs d'enfance, vieux piquet, un bout de forêt, chuuut ! le chant des oiseaux, un instant prêter l'oreille, l'herbe haute, des manech, Pays Basque

mardi 29 mai 2018

des simples au fond c'était joli

on regarde son travail, l'air désolé

- C'est un peu difficile pour elle, les consignes tout ça, ça lui échappe un peu.
- Oui, on l'a bercée un peu trop près du mur. Ah ! bon, vous le dites pas ici ?

songer au temps où l'on disait d'enfants qu'ils n'étaient pas finis ; retards cognitifs, dys, QI en berne, d'autres mots pour classer, étiqueter chaque difficulté, aider, on dit

mardi 15 mai 2018

Ronde (28) de mai : souvenir (s)

La ronde est un échange périodique de blog à blog sous forme de boucle, mis en ligne le 15 du mois. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième et ainsi de suite. Sur le thème du souvenir, j'ai le plaisir aujourd'hui d'accueillir Marie-Noëlle Bertrand tandis que je me décale vers Giovanni Merloni.


Construire…

Sable entre mes doigts,
Oblitération des possibles,
Unicité des stigmates,
Vaine mélancolie,
Nuées, sombre.
Impressions fanées, sépia.
 Reliques, passé.
Sous les souvenirs, construire...




Socle sous mes pieds,
Opportunité d'une brèche,
Universalité des aspirations,
Volonté farouche,
Essor sensible.
Nuances, clarté.
Images projetées, technicolor.
Reddition, l'à venir.
 Sur les souvenirs, construire…

Texte et photographie : Marie-Noëlle Bertrand


                 La ronde tourne dans ce sens :

Marie-Noëlle Bertrand, ​Éclectique et Dilettante 
chez Elise, Même si
chez Giovanni Merloni, le portrait inconscient
chez Serge Marcel Roche, chemin tournant
chez Dominique Autrou, la distance au personnage
chez Franck, à l'envi
chez Jean-Pierre Boureux, Voir et le dire, mais comment ?
chez Hélène Verdier, simultanées
chez Noël Bernard, talipo
chez Marie-Christine Grimard, Promenades en ailleurs
chez Marie-Noëlle Bertrand, etc.