A peine vingt ans. Jolie. Pimpante. Elle enfourchait sa mobylette dans le train à Pau, descendait à Peyrehorade et en route pour la petite école à classe unique du pays perdu. Ses jolies mains, ses ongles peints, ses jupes courtes serrées, serrées au-dessus du genou, ses petites bottes blanches à mi-mollets. La maîtresse. Et avec elle, l'idée de ce qu'on était ailleurs. A la ville. Une admiration inconditionnelle. Un amour aveugle. L'enfance.
La voilà face à vous au café. Sortie de son grand sac, une copie double qu'elle défroisse avec soin. Un trésor, c'est sûr "Attends, je vais te la tenir." Photo. "Toi aussi, tu trouves ça sans intérêt ?" elle désigne un passage du doigt. Lire "C'est un petit sapin qui était très heureux dans la forêt et que papa a dû couper pour faire la joie de mes frères et sœurs qui le soir du réveillon sont émerveillés de le voir si illuminés". Lever les yeux. Elle bravement "Moi je trouve ça plutôt joli" quelque chose vacille pourtant dans sa voix. Une blessure et soixante-cinq ans plus tard, temps de la contre expertise. Sourire largement "Mais oui, moi aussi je trouve ça joli, et j'imagine bien la petite fille que vous avez été" et songer, vous-même combien de ces traces rouges dans les marges ? Ne pas s'attarder. Mots d'un instant. Grandir avec, autour, malgré. Grandir.
Beau souvenir dont le froissement s'entend...
RépondreSupprimer"Du pays perdu" ! Ça te hante cette expression. Perdu un peu par rapport à la ville, à la côte. Protégé des affres du progrès. Et puis l'épopée de la maîtresse. L'admiration sans borne. Le respect. La joie quotidienne de la retrouver. Et ses mains aujourdh'ui qui tiennent ces feuilles de cahier émargées de rouge !
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