ça ne tient qu'à un fil, un fil ténu dans la brise d'un matin, et inlassablement, une toile, des mots, tisser, punition, consolation, vivante
Ovide, Métamorphoses, livre VI, traduit et adapté par Stanislaw Eon du Val.
Arachné, une femme de condition modeste, excelle dans l'art de tisser la laine.
Souvent, les nymphes elles-mêmes venaient contempler ses ouvrages
admirables. C'était un vrai plaisir non seulement de voir ses étoffes
terminées mais encore de les lui voir faire, tant il y avait d'habileté
dans son travail. C'était à croire qu'elle avait reçu les leçons de
Pallas. Mais Arachné le niait et se vexait qu'on puisse la prendre pour
une élève, même d'une maîtresse si célèbre. « Qu'elle lutte avec moi,
disait-elle, et si je suis vaincue, je me soumettrai à tout. »
Pallas prit alors l'apparence d'une vieille femme ; elle recouvrit sa
tête de faux cheveux blancs et appuya sur un baton ses membres
affaiblis. Ainsi déguisée, elle se rendit chez Arachné et s'adressa à
elle en ces termes :
« Les années amènent la sagesse et l'expérience. Écoute le conseil que
j'ai à te donner. Sois entre toutes les mortelles la plus habile à
façonner la laine ; mais ne prétends pas égaler une déesse, imprudente !
Implore le pardon de Pallas pour tes paroles. Si tu la supplies, elle
te pardonnera.
- Tu n’as plus ta raison et ta longue vieillesse t’accable, lui répondit
Arachné avec colère. Garde tes discours pour ta fille ou ta
belle-fille. Je suis assez sage pour me conseiller moi-même et ma
résolution n'a pas changé. Pourquoi Pallas ne vient-elle pas elle-même ?
Pourquoi se dérobe-t-elle à la lutte ?
- Elle est venue », répondit alors Pallas en quittant son apparence de
vieille femme. Arachné rougit un instant, mais elle n'éprouva aucune
peur.
Aussitôt, la déesse et la jeune femme installent leurs métiers à tisser
et se mettent au travail. Pallas représente les dieux de l'Olympe dans
toute leur majesté. Arachné, au contraire, montre les métamorphoses
utilisées par les dieux pour abuser des femmes.
Pallas ne peut trouver aucun défaut dans l'ouvrage de sa rivale. Irritée
d'un tel succès, elle déchire l'étoffe colorée qui reproduit les fautes
des dieux. Ayant encore sa navette à la main, elle en frappe trois ou
quatre fois le front d'Arachné. La malheureuse ne peut supporter cette
offense et, poussée par la honte, elle se noue un lacet autour de la
gorge. En la voyant pendue, Pallas prend pitié d'elle : « Vis, lui
dit-elle, mais reste suspendue, misérable, toi ainsi que tous tes
descendants ! » ; puis elle répand sur elle un poison. Aussitôt, les
cheveux d'Arachné tombent ainsi que son nez et ses oreilles ; sa tête se
rapetisse ; tout son corps se réduit ; de maigres doigts s'y attachent,
pour lui servir de jambes ; tout le reste n'est plus qu'un ventre. Mais
elle en tire encore du fil. Devenue araignée, elle s'applique, comme
autrefois, à bien tisser ses toiles.
Les Fileuses Diego Velasquez vers 1657 |
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