dimanche 1 septembre 2024

Lu et vu (113)

 Lu

Un tesson d’éternité de Valérie Tong Cuon

Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour

Le ministère des contes publics de Sandra Lucbert

Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon

« Sans doute suis-je une enfant des années 1980, ces années qui ont promu la « réinvention de soi », et en ont fait un rêve à portée de clip vidéo. L'aérobic promettait un nouveau corps et les ouvrages de développement personnel, une nouvelle personnalité. Il suffisait de le vouloir : on serait celle qu'on rêvait d'être. Just do it.

L'identité était un costume, un déguisement.

Madonna était toutes les femmes, une Marilyn, une Vierge, une féministe, une businesswoman, un sex-symbol, une égérie de mode, une danseuse, une mère, Eva Perón, une blonde aux aisselles sombres, fière de s'être créée et recréée.

La musique vendait de l'optimisme mondialisé : We Are the World, un monde nouveau dans lequel on n'aurait plus le droit ni d'avoir faim ni d'avoir froid, il suffisait d'y croire. Par la grâce d'une petite main jaune accrochée au revers de son blouson, les racismes reculeraient, on ne toucherait pas à mon pote.

Je l'ai embrassée, cette croyance, dans l'espoir de m'éloigner d'un paysage dévasté, de m'éloigner de ces morts-là.

Toutes les injustices, toutes les causes, j'y adhérais, surtout celles qui ne me concernaient pas directement : les zapatistes du Chiapas, les prisonniers basques ou les sans-logis. Toutes les injustices, toutes les tragédies, sauf une. » (p 51, 52)


(..)


« (…) Dans le train, une femme assise derrière moi s'agace au téléphone. C'est trop flou, tu es tellement flou, dit-elle à son interlocuteur.

Je l'imagine, à l'autre bout de la ligne, tentant désespérément d'éclaircir ses mots, d'en parfaire la mise au point.

J'aimerais m'emparer du téléphone et réconforter ce flou conspué. Le flou est une espèce en voie de disparition dans un monde où règne l'exigence de transparence. On y vante la limpidité, la clarté d'une intervention médiatique.

Savoir résumer son propos en quelques mots est un savoir contemporain, un idéal d'agence immobilière.

Les discours « clairs» sont souvent ceux de communicants, qu'ils soient hommes politiques ou publicitaires. On voit au travers : ils nous vendent quelque chose. Le flou interroge. Il faut y regarder de plus près. C'est une brume de mer qui dissimule le profil d'une falaise. C'est ce trouble d'un amour naissant, qui ne s'appelle pas encore « relation ». C'est une tristesse sans objet, qui surgit quand on s'y attendait le moins, au bord du bonheur. Les créatures floues ont pour elles l'espace de la fiction, qui n'aime rien tant que les personnages dont on ne saura jamais tout. Un roman ne peut être transparent, il est tissé de doutes et de solitude, celle de l'écrivain qui lui a consacré son temps. Un roman ne vend pas, il propose. (…) » p 55. 56


Cinéma


Emilia Perez de Jacques Audiard

3 commentaires:

  1. As tu apprécié le ministère des contes publics ?

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  2. Oui, elle fait feu de tout bois, un montage efficace, érudit, aux saisissants petits portraits, comme autant de coups portés à une langue sans aspérités, le fond sonore auquel, grâce à elle, nous prenons enfin garde.

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    1. J'adore son écriture incisive, et son humour. Son érudition aussi. La partie sur le chapitre de madame Bovary avec le pied bot en lien avec la dette grecque est puissant, ainsi que le rêve avec Moscovici. J'ai lu aussi "personne ne sort les fusils" sur le procès france telecom et c'est aussi vraiment très bon.

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