dimanche 15 septembre 2024

Lu et vu (113)

 Lu 

Triste Tigre de Neige Sinno

"Mon idéal en réalité c'est Claude Ponti. Un type qui a été violé dans son enfance par son grand-père. Il devient un grand artiste, avec un monde à lui, qui n'a rien à voir avec ça. Enfin, pas exactement rien à voir une fois qu'on sait, son monde est un univers parallèle dans lequel on peut se plonger et affronter des monstres sans crainte, vivre des aventures dont on ressort vainqueur et ragaillardi. Ce monde est un remède contre la cruauté du dehors. On y apprend à ne plus avoir peur de sa peur. Il ne fait cependant pas de références directes à la maltraitance ou au viol. Plus tard, quand il possède une certaine notoriété, quand son nom est associé à son univers artistique, aux histoires et personnages qu'il a créés, il prend la parole et dénonce ce qu'il a vécu avec force et courage mais aussi avec un certain apaisement. Il n'y a plus rien à faire. Il ne veut pas attaquer sa mère qui n'a rien fait pour le défendre, qui l'a confié à des membres de la famille sans même venir le voir pendant plusieurs mois, qui l'a mis en pension chez le grand-père violeur, qui l'a abandonné. Il dénonce et explique ce qu'on peut ressentir quand on est une preuve permanente, vivant dans la maison d'un homme qui peut vous atteindre à n'importe quel moment, dans des interviews où on peut passer du sujet de la maltraitance à celui du choix graphique entre la couleur et le noir et blanc et affronter des monstres sans crainte, vivre des aventures dont on ressort vainqueur et ragaillardi.

Je l'ai entendu répondre à un journaliste, dans une émission de radio, qui lui demandait si les violences subies dans son enfance avaient laissé des traces dans son existence. Bien sûr, avait-il dit, de sa voix douce mais un peu étonnée qu'on puisse Poser une telle question, comme si ça n'était pas une évidence, et il avait raconté que, par exemple, pendant des années, il ne pouvait pas courir. Le bruit de sa respiration quand il courait ou faisait un effort physique lui rappelait le bruit que faisait le grand-père quand il était sur lui et il s'évanouissait carrément. Le souvenir était si insupportable que son cerveau se déconnectait. Je me souviens d'entendre les battements de mon cœur dans mes oreilles se superposer à la belle et grave voix du dessinateur en écoutant cela. Il y avait eu un silence après la réponse, le journaliste devait avoir été affecté lui aussi, puis il avait réussi à rebondir sur une autre question.

Claude Ponti n'est pas une ancienne victime qui a fait des livres. C'est un grand auteur-dessinateur qui a eu une enfance difficile. Comme Blaise Cendrars, qui n'est pas un manchot poète mais un poète manchot. Et la différence est de taille. La différence fait toute la différence. »

La nuit des pères de Gaëlle Josse

La prochaine fois le feu de James Baldwin 

Vu 

Cinéma 

Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier

Exposition 

Saul Leiter (photographe) à la Tabakalera Saint-Sébastien

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