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vendredi 29 mai 2015
mercredi 27 mai 2015
Zarautz : le jardin du couvent
"là-bas, dans l'angle, les moines nous ont laissé un coin et nous venons semer, planter, surveiller, avec les enfants"
mardi 26 mai 2015
"Puis, subitement, est arrivé un léger bruit de pas comme venant de très loin."
Désormais le portail s'était complètement ouvert, mais personne ne sortait.
Il y avait toujours ce profond silence. Quelque chose grinçait quelque part, un peu plus haut, sans doute le lampadaire, à cause du vent.
La petite lumière Antonio Moresco, traduit de l'italien par Laurent Lombard
éditions Verdier
J'avançai ma tête au coin du mur, de là je pouvais voir une grande partie du portail à deux battants complètement ouvert, tout le bâtiment de l'école toujours noir, même au rez-de-chaussée, même dans le hall qu'il devait y avoir après l'entrée.
Puis, subitement, est arrivé un léger bruit de pas comme venant de très loin.
Quelques instants plus tard, les uns après les autres, en silence, des enfants ont commencé à sortir du portail avec leur petite blouse noire et leur cartable.
J'avais les jambes molles, je les regardais sans respirer, caché derrière mon coin de mur, dans le noir, tandis qu'ils sortaient par le portail et puis descendaient les quelques marches qui menaient au niveau de la rue. J'essayais de distinguer, au milieu des autres, la tête rasée de l'enfant.
Quelques autres enfants sont sortis. Je croyais qu'il n'y en avait plus, mais il en est sorti encore deux.
Puis plus rien.
« Il n'est pas là! », je me suis dit, à la fin.
Mais, quand il semblait qu'il n'y avait plus personne d'autre, il est sorti lui aussi.
Aussitôt après, le portail s'est refermé d'un coup, sans faire de bruit, derrière lui.
Chaque enfant a suivi son chemin, sans échanger un mots sans un salut.
J'ai failli sortir de derrière le mur où je m'étais caché et m'approcher de l'enfant et lui prendre son cartable, pour l'accompagner jusqu'à sa lointaine petite maison, au milieu des bois. Mais je me suis arrêté, parce qu'il m'avait déjà répondu non quand je le lui avais demandé.
« C'est quoi ce monde? », je pensais en regardant les enfants qui s'en allaient tout seuls dans le noir, avec leurs petites jambes nues sous leur petite blouse et avec leur cartable. « Ou est-ce que, quand tout le monde dort, il y a des enfants morts qui sortent en silence des écoles du soir, tout seuls, sans que personne ne le sache, sans que personne ne les voie. Ils n'ont personne qui les attend, debout devant le portail, ils ne lèvent même pas leur regard dans le noir, de toute façon ils savent pertinemment que personne ne les attend. Ils s'en vont tout seuls, qui sait où... Maintenant cet enfant va traverser le village désert, il va prendre cette petite route qui monte et arrive jusqu'au début de la crête, puis le chemin plus étroit envahi par la végétation et par les ronces qui grimpe au milieu de la forêt, en pleine nuit, dans le noir, il va arriver jusqu'à sa petite maison, il va allumer la petite lumière... Quelle peine ils font les enfants morts quand ils sortent comme ça des écoles plongées dans le noir, la nuit, tout seuls! Mais au fond..., les enfants vivants ne font-ils pas autant de peine ? »
Désormais le portail s'était complètement ouvert, mais personne ne sortait.
dimanche 24 mai 2015
samedi 23 mai 2015
jeudi 21 mai 2015
lundi 18 mai 2015
dimanche 17 mai 2015
vendredi 15 mai 2015
Ronde (13) : Mai(s)
La ronde est un échange périodique de blog à blog sous forme de boucle, mis en ligne le 15 du mois. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième et ainsi de suite.
Sur le thème de mai j'ai le plaisir aujourd'hui d'accueillir Jean-Pierre Boureux
Des Mais
Les Mais, singuliers témoignages de survivances issues des
mondes antiques et médiévaux. Ce peuvent être des cérémonies et fêtes ou bien
le nom donné au support même de ces réjouissances populaires, le plus souvent
un arbre écorcé dont on conserve éventuellement le toupet sommital ou des
branchages. Ils sont destinés à honorer des personnes, éventuellement les
moquer en groupe, après avoir célébré des dieux et déesses grecs et romains.
aspérules (photographie Jean-Pierre Boureux) |
Les « Mais » participent au cycle des mois, (après
les dates préférées que sont les solstices), tout au long du mois de mai.
Tardivement, au XVIIIe siècle, la religion catholique, selon une
habitude ancestrale de sanctification des traditions païennes, a placé le mois
de mai sous la dédicace de la Vierge Marie.
Les études ethnologiques montrent que les rites de mai, des
mais, s’ils font initialement référence aux mythes liés à la fécondité ont
glissé petit à petit vers la signification de l’abondance, du renouveau et donc
de la jeunesse et même, plus rarement et dans le sud-ouest de la France, vers
la célébration d’une nouvelle notoriété acquise par une personne avec la
participation du groupe. Ainsi trouve-t-on « les mais des élus ».
érection d'un "Arbre de Mai" en Bavière à Pfaffenreuth, photographie de M. Luc Roger extraite de Google+ |
La tradition fut et est encore parfois d’ériger un mât très
haut, peint ou décoré, sur un lieu public du village qui devenait pour quelques
jours le centre festif de la communauté. L’érection burlesque du mât lors de la
fête foraine dans les élucubrations de Jacques Tati à Sainte-Sévère-sur-Indre
évoque assez l’esprit ou la trace de ces anciennes coutumes.
aspérules (photographie Jean-Pierre Boureux) |
Terminons cette balade en mai avec le vin. Pas de fête sans
lui. Une plante est utilisée pour produire le « vin de mai »,
notamment dans les contrées sous influence de culture germanique. Il s’agit de
l’aspérule odorante (Galium odoratum L.) qui dégage un
parfum subtil de coumarine lorsqu’elle sèche. A boire avec modération et à
votre santé ! Prost !
La ronde tourne, cette fois-ci, dans le sens suivant :
quotiriens chez Noël Bernard, chez Gilbert Pinna chez Cécile R. chez Wana chez Dominique Boudou chez Hélène Verdier chez Jean-Pierre Boureux chez Élise chez dom-a etc...
quotiriens chez Noël Bernard, chez Gilbert Pinna chez Cécile R. chez Wana chez Dominique Boudou chez Hélène Verdier chez Jean-Pierre Boureux chez Élise chez dom-a etc...
jeudi 14 mai 2015
lundi 11 mai 2015
vendredi 8 mai 2015
enterrement
"il a fait vite", une communauté resserre les rangs et se presse pour recevoir l'hostie, un des prêtres, il n'est pas du village, à chacun, tour à tour, "Kristoren gorputza"... "Kristoren gorputza" ... "Kristoren gorputza" puis suspension d'un instant, fer d'un regard et légère hésitation "le corps du Christ" il reprend, murmure, la mélopée se poursuit "Kristoren gorputza"... "Kristoren gorputza"... ne plus être de là, ça se lit à quoi
cliquer sur l'image pour entendre le chant qui suit
Gurekin egon, populaire (XXè s.), orch. A. Sagaseta
Gurekin egon gurekin Jauna
Oraino dugun hitz egin
Heldu da gaua ilun iluna
Gurekin egon gurekin.
1 - Zertaz mintzo zinezten bihotz ilun
Ibiliz hola bihotz ilun ?
Hara Jerusalemen heren egun
Jesus hil dela heren egun.
2 - Gutarteko jendeak bizi dela
Omen dabiltza: bizi dela.
Gizon zentzugabeak, zoin epela
Zuen bihotza zoin epela !
3 - Kristok behar zituen jasan behar
Horiek oro jasan behar.
Piztu eta zadien ospean sar
Betiereko ospean sar.
4 - Emauzeko bidean bihotza su
Ez ote ginen bihotza su ?
Jesus mintzo zenean, hain dohatsu
Hari ginauden hain dohatsu.
jeudi 7 mai 2015
"(...) le mal d'un pays Qu'ils chercheraient en silence Derrière l'apparence "
cliquer sur l'image pour entendre Julos Beaucarne Les Naufragés de l'Alzheimer
(...)
J'aime ces gens étranges
Qui me montrent du doigt
Les immenses trous noirs
Que j'ai au fond de moi
Ils sont le grand miroir
De mes désirs enfouis
De ma débridence tue
Et de ma fantaisie
J'aime ces gens étranges
Qui ont le mal d'enfance
Comme le mal d'un pays
Qu'ils chercheraient en silence
Derrière l'apparence
De leur mémoire perdue
Leur peau parle une langue
Que nous n'entendons plus
Qui me montrent du doigt
Les immenses trous noirs
Que j'ai au fond de moi
Ils sont le grand miroir
De mes désirs enfouis
De ma débridence tue
Et de ma fantaisie
J'aime ces gens étranges
Qui ont le mal d'enfance
Comme le mal d'un pays
Qu'ils chercheraient en silence
Derrière l'apparence
De leur mémoire perdue
Leur peau parle une langue
Que nous n'entendons plus
(...)
lundi 4 mai 2015
Pierre Michon : "La terre, on en porte le deuil, mais elle survit, égale à elle-même, comme les dieux"
Paris Match (en ligne) : Société
La paysannerie a été pour moi dès le début une mythologie. Mes grands-parents ont exploité une petite propriété dans un hameau, jusqu’en 1947. Ils ont dû l’abandonner et venir vivre chez ma mère, quand j’avais 2 ans.
Leur grand sujet de palabre était là-bas, avant. C’était un pur récit mythologique, comme le sont toujours les recherches du temps perdu et des empires tombés. Tout y était : les noms mythiques des terres, le Grand Pré, le Chêne Tort, les Chaumes de Beaumont. Les armes de cette guerre : la charrue Brabant, appelée de façon absolue «le brabant» ; le tombereau ; les rangs héroïques de faux, dix faucheurs de front dans les blés, avant l’arrivée de la moissonneuse mécanique ; la bataille rangée des jours de batteuse. Les héros aussi, voisins et valets, Joffre le Rouge, le Petit Nanet, le Grand Nanet, Papa-Jean. Ces noms de chansons de geste ont été ma paysannerie personnelle.
Et bien sûr j’avais tous les jours sous les yeux de vrais paysans au travail, mais je ne voyais pas leur peine : je voyais des hommes de «l’Iliade» travaillant à leur légende. Vers 12 ans, mon jeu favori fut de les accompagner aux champs. J’ai encore leur odeur (sueur, fumier, foin) dans les narines, et sous les yeux le regard bien particulier, et qui n’est pas le même, qu’ils jetaient le matin sur un pré à faucher, et l’autre, le soir, sur un pré fauché. Et dans ces mêmes années, comme je découvrais la tradition poétique, si souvent rurale, je me récitais des alexandrins bien sonnants, dont celui-ci de Hugo, qui me revient dès que je vois aujourd’hui encore une remorque surchargée derrière un tracteur : «Les grands chars gémissants qui reviennent le soir.»
L'envers du décor
Il est vrai qu’à la même époque je commençais à voir l’envers du décor. J’ai vu leur désarroi ; je les ai vus désarmés, ivres, furieux ; tant de corps cassés en deux par ces travaux de chien ; et la fuite vers les villes, la reddition sans condition au marché, qu’on a appelée «exode rural». Mais le pli était pris, ma paysannerie était dans l’épopée, pas dans la sociologie. Cette vision ne m’est pas si personnelle. Elle est même très répandue. Seulement j’étais mieux placé pour la vivre, je l’ai tétée de naissance. Comme mes grands-parents l’ont fait, on a toujours déploré la fin de la paysannerie. Lisez les textes qui l’évoquent depuis trois siècles : on la présente comme déjà une chose du passé, toujours. On en porte le deuil, mais elle survit égale à elle-même. C’est ce qui meurt toujours et est toujours là, comme les dieux.Je retrouve tout cela dans les photos de Kasia Wandycz. Elles m’inspirent aussi quelques réflexions. D’abord la photogénie des paysans, leur «beauté». C’est que leur état, comme très peu d’autres (marins, clercs, bouchers), leur donne un faciès spécifique, encombrant comme un masque. Quelque chose (le grand air, les effluves animales, les sels minéraux qui sourdent de la terre ?) les marque au visage de son sceau. On voit le même sceau au petit porcher ébloui menant son troupeau à la glandée, dans une miniature ancienne. Et ce masque, entre les deux options de la trogne et de l’émaciation extrême, ne trouve pas de moyen terme : le paysan fleurit largement ou se rétracte, comme tous les hommes, mais en plus exemplaire.
Je regarde les ciels cadrés ici avec les paysans, et je me dis que leur condition est la plus belle pour faire image. Car on n’y voit que l’homme, des bêtes, et le ciel par-dessus. L’homme, la bête, le ciel : inépuisable casting pour les généralisations, les beaux lieux communs sur la condition humaine. Quelques bricoles pour finir : le paysan porte un béret. Il use d’une bouteille de Pernod à dosette verseuse. Son geste est absolu. Son regard embrasse quelque chose d’énigmatique : l’intériorité ? Le vide ? La fatigue ?