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mercredi 30 décembre 2015

"Cette école m'a beaucoup ennuyé, fait souffrir, et je voudrais avoir toute ma rancune d'enfant et toute la fraîcheur de sa souffrance pour le dire"



 Travaux Georges Navel (né en 1904)

 II
L'école

Ma jeunesse ne fut pas malheureuse, je n'eus jamais faim. Mon père, ma mère ne me battirent pas, que je me souvienne. Je n'ai vraiment souffert que de l'école, que ce soit la maternelle ou la grande. Je reçus comme tous quelques gifles, des coups de règle sur les doigts, mais sans exagération, sans que les coups aient marqué le dans le souvenir, sans qu'il y ait de quoi garder haine à la vieille demoiselle qui apprenait l'ABC aux petits garçons ni à l'instituteur qui s'occupait seul d'une classe de soixante garçons de sept à treize ans.

J'ai souffert à l'école d'être enfermé et je n'ai rien appris, ni l'orthographe, ni la grammaire, ni le calcul, ni même à m'amuser aux récréations, car j'ai souvent tourné autour de la cour, presque toujours été en punition. On m'a inutilement battu pour que je sois un bon élève, pour que j'aime l'école et que je la fréquente régulièrement, effrayé avec le bonnet d'âne des ignorants. Et bien que je sois allé à l'école régulièrement, je ne savais rien de plus, tout juste, à dix ans, que faire une addition, lire couramment, et écrire, avec quelque embarras pour tracer certaines majuscules.

J'ai plus appris avec les livres de la bibliothèque de l'école, les Jules Verne et les Erkman-Chatrian que me prêtait monsieur Joly, notre instituteur, que sur les bancs de sa classe. J'ai du moins appris, en lisant, l'orthographe et le sens des mots, —insuffisamment, mais plus encore que si j'avais été un bon élève jusqu'au certificat d'études. On m'a, pour m'apprendre peu de chose, inutilement retranché, pendant les meilleures heures de la journée, du monde où je vivais avec ma mère, les champs, les jardins, monde où je me développais physiquement, pour un autre où je me ratatinais sur un banc, l'esprit plein d'ennui.

On m'a privé du monde où mes songeries trouvaient des motifs plus intéressants que ceux que provoque l'écriture d'une page de e ou de i. Et de toutes ces leçons sur l'histoire, sur la physique, la grammaire, de tous ces mots que j'ai entendus, même en y prêtant attention, qui ne veulent rien dire s'ils ne mènent pas vers un savoir supérieur, si l'adulte ne les complète pas dans les grandes écoles ou par la culture personnelle longuement poursuivie, de toute cette pâtée indigeste, il ne me reste rien. Et il ne me resterait rien même si j'avais bien appris tout ce que disait monsieur Joly. Mais nul doute que si j'avais appris ce qu'il voulait nous apprendre, avec une bonne orthographe et une belle écriture, sortant de ses mains à treize ans avec le certificat d'études, j'aurais pu commencer —c'est la première fois que j'y songe— une carrière de bureaucrate à l'usine.

Aussi je ne veux pas douter des bonnes raisons qu avaient les instituteurs, mes parents, la société, les gendarmes, mon beau-frère Camille qui était aussi mon parrain, quand ils me donnaient une raclée pour m'encourager à mieux écrire, des bonnes raisons de tout le monde d'instruire les enfants. L'instruction facilite le métier qu'on adopte, quel qu'il soit, encore que, souvent, elle ne sert à la plupart des gens qu'à lire ce qui est écrit dans un journal, les noms de boutiques et les noms de rues, et à donner au mieux une date exacte à la découverte de l'Amérique et à l'invention de l'imprimerie.

Cette école m'a beaucoup ennuyé, fait souffrir, et je voudrais avoir toute ma rancune d'enfant et toute la fraîcheur de sa souffrance pour le dire. J'avais comme tous les enfants plus de questions à débattre, à soulever intérieurement, plus de préoccupations qu'il n'y en avait dans les leçons de grammaire, de géographie, de calcul. Je les ai oubliées, c'est le point le plus regrettable.

Il faut reconnaître que j'ai tout de même appris un peu à lire, un peu à écrire, de tout ce qu'on voulait m'apprendre. C'est peu pour un an de maternelle et trois ans de classe, c'est peu pour tant d'ennui, et j aurais pu apprendre autant et plus, différemment.

J'ai cru découvrir, mais très tard, un principe de bonheur dans la pensée, la méditation, la songerie, la réflexion, qu'on appelle comme on voudra ce travail d'esprit, de création, de miroitement de la vie que fait n'importe qui, en allant seul, en marchant tranquille. Ma mère était souvent heureuse en cherchant des pissenlits. Elle aimait les champs, les bois, elle aimait ce qu'elle était là. Ce que j'ai trouvé très tard et clairement en découvrant dans la marche qu'accompagne le déroulement des songeries un principe de bonheur, je le savais inconsciemment quand je préférais l'école buissonnière à celle de l'instituteur, celle-là qui, en voulant me donner l'instruction, s'appliquait sans le vouloir à tarir les sources qui rendent heureux.

Je ne conteste pas l'utilité du peu que j'ai appris à l'école, mais avec plus de bonheur, en m'amusant, j'ai appris au jardin à me familiariser avec le travail de la terre. A neuf ans, je savais utilement bêcher, et ce que j'ai appris là m'a permis de faire pousser mes pommes de terre quand on n'en trouvait plus dans les boutiques. Et d'autres choses encore, qui ne se voient ni ne se mesurent.

Monsieur Joly était un très brave homme, serviable dans ses fonctions de secrétaire de mairie, sérieux dans ses fonctions d'instituteur, corpulent et souple, respectable comme un ministre, de bonnes manières et de bon langage. Sa classe, avec une soixantaine d'élèves de tous les âges, était une rude classe. Sa barbe, sa corpulence, disposaient, avec quelques coups de règle, les élèves à la discipline. Si on le laissait seul avec tant d'élèves, c'est que sans doute on ne prenait pas trop, en haut lieu, I'instruction au sérieux. J'ai détesté cette école avec la même intensité que tous les lieux où il m'a fallu vivre enfermé, école, usine, caserne.

J'ai mangé à ma faim. J'ai reçu assez fréquemment des raclées d'un de mes frères, d'une de mes sœurs. Rien qui marque une jeunesse. On m'aima. La souffrance la plus grande me vint de l'école, à certains moments, du sentiment de notre pauvreté, quand ma mère était soucieuse de ses dettes, de ces pressentiments sombres et souvent justes de ce que peut être la vie qu'on ne connaît pas encore, de ces accès de lucidité qu'ont les enfants comme les grandes personnes et de ce grand obscurcissement que me causait le père quand il rentrait ivre. Je ne fus pas malheureux.

lundi 28 décembre 2015

je ne pensais pas à lui,


un chant insistant, lever les yeux, il veillait, 


pas de rencontre avec le milan, un battement d'aile, il était déjà loin

samedi 26 décembre 2015

de sortie


par un drôle d'hiver au frêle air de printemps




 

 





samedi 19 décembre 2015

pays d'enfance


tapi dans l'ombre, dès l'entrée, blanc, livide, le sang s'écoulant de ses plaies, sa presque nudité, ses membres démesurés, son énigmatique couronne d'épines,


coups d’œil à la dérobée, un homme c'était donc ça ?
années 80, grand décapage,
mode au bois brut et pierres apparentes,
dans les plis de la tunique un reste de vermillon,


et on le déplace,  
le voilà désormais au pied de l'autel,
qui pour s'avancer jusque là
et continuer à
effleurer, caresser son genou,
appui, consolation, supplique, gratitude, 
genou poli au fil des ans,
lisse,
sombre,
l'empreinte de ces gestes répétés,
ce qui survit


 

vendredi 18 décembre 2015

préparer la soupe,

 les carottes ont fripé,
 
plonger la main, 
sourire, 
 
que voilà une patate charnue

mardi 15 décembre 2015

Ronde (15) : couleur (s)

La ronde est un échange périodique de blog à blog sous forme de boucle, mis en ligne le 15 du mois. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième et ainsi de suite.

Sur le thème de Couleur (s),  j'ai le plaisir aujourd'hui d'accueillir 
Dominique
 tandis que je me décale vers Noël Bernard




De vous rencontrer, il ne fut jamais question d'ignorer le risque mais plutôt de le minimiser, en le ramenant par exemple à égalité avec celui de la chute d'une météorite sur le coin de la tête ou d'un gain à la loterie nationale. Ainsi pensai-je, ainsi l'exprimai-je et le rapportai-je aussitôt à son endroit même lorsque je tombai sur Z. au détour d'un chemin pourtant choisi, à l'époque, pour son excentricité alors qu'il était surtout, je ne m'en aperçus qu'au second tour, révolutionnaire. Cette entrée en matière orbitale fut pour nous le début d'une série cumulative de décalages dans notre estime respective, puisque le coup d'État spontané et permanent du second degré est sans doute une tragédie, un peu comme l'affaire de la fondamentale absente. Enfin bref, quelles que fussent ses occurrences, l'effort, on le croit, a payé.





Et pourtant, que de difficultés pour en arriver là. D'abord se faire un passage à travers l'éclat des dahlias et la vigueur des ipomées sans aplatir les bourraches, désormais voûtées sur de timides salades d'hiver. Tes bottines s'enfoncent dans une terre grasse séchée en surface par le redoux. Plus loin contre le mur, les arbustes rencognés ont l'air d'avoir peur, leur feuillage surabondant doit voiler quelque chose. Il te faut les envisager de biais, et bientôt ce sera la surprise des doigts encrés jusque dans leurs plus fines ridules lorsque les framboises et les mûres, enfin débusquées — elles se cachaient, les garces, derrière le sombre de leurs feuilles tournées vers le nord —  ont piégé forme et apparence et s'écrasent au moindre toucher alors qu'elles semblaient charnues. Les grappes fournies ne s'appréhendent qu'au jugé, lorsque la main a effectué un contournement avec le poignet. Ton corps entier penché en équilibre participe, dans son dévissage, au dévoilement. Le bras opposé à celui qui tâtonne, tendu pour faire contrepoids, est suivi par la ligne de ton regard qui finit par se perdre on ne sait où. Et c'est alors qu'apparaît cette épeire gigantesque à cinq centimètres du sourcil. Souveraine et invincible elle te dévisage sans un geste avec ses quatre paires d'yeux d'un noir brillant, plus qu'il n'en faut pour te rapetisser soudainement, incontestable dans son empire élastique en deux  dimensions qui en sont trois ou quatre si l'on y ajoute le vent et la nuit. Il ne reste plus qu'à ratisser les inoffensives feuilles mortes, moins dangereuses en tout cas que tes asphodèles, mon amour, car souvent je bute dessus comme sur un mot maladroit dans un texte imparfait, et à chaque fois il faut tout recommencer depuis le début.






Quand l'action touche à sa fin, avant de reprendre le contrôle de tes sens il faut encore nettoyer, rincer, sécher et ranger les outils. Sous l'appentis a été placé un bac en zinc qui a dû autrefois servir d'abreuvoir pour les chèvres, dans une autre campagne. Et cette fois-ci, précisément cette fois-ci et jamais auparavant, à la faveur d'un je-ne-sais-quoi de gris et de fauve sous le jet d'eau, se retrouve dans la chair du métal le ciel de l'enfance, pêle-mêle avec ses monts, ses rivières, son lin, ses bars, ses routes. Ses arbres, ses vaches, ses matins ; ses ports, ses grèves, ses vents, ses nuits, ses pluies. Ses vieux, ses dieux, ses landes, ses légendes, ses partants, ses arrivants, ses morts, ses revenants. Ses anses, ses toits, ses mâts, ses calvaires, ses ossuaires, ses schistes ; ses tombes, ses granites, ses jetées, ses phares, ses feux. Sa langue, son sel, ses vies. En un mot, ses couleurs.




La ronde autour du mot couleur(s) tourne dans ce sens :











dimanche 13 décembre 2015

parole de (1) mère

tu te rends compte ? trois mois, et elle veut lui offrir des chocolats pour Noël ! alors, je lui ai dit Elle est top petite et puis, quand bien même, j'espère que vous nous laisserez le plaisir de lui faire découvrir cette saveur

mardi 8 décembre 2015

une bicyclette, un livre, les Pyrénées,

un jour de décembre à Pau





 le bonheur parfois

vendredi 4 décembre 2015

"Le couteau court vite sur les pommes de terre et n'en enlève que la peau..."




 31. L'éplucheuse de pommes de terre

1. La vieille Thérèse est près de la fenêtre de la salle à manger. Elle tient un grand couteau. D'un coté, il y a un panier de pommes de terre, de l'autre un saladier.



2. Elle prend les pommes de terre dans le panier, en enlève la peau avec le grand couteau et puis les jette dans le saladier en laissant tomber les épluchures sur son tablier.

3. Elle est très adroite, Thérèse. Le couteau court vite sur les pommes de terre et n'en enlève que la peau...


4. La vieille Thérèse se lève péniblement. Elle rassemble les épluchures dans son tablier, ramasse le panier vide et le saladier plein, et s'en va en traînant les pieds.

                                               A. LICHTENBERGER (Mon petit Trott, Plon, éditeur).

| Exercices.
1. Langage : Narrer le récit, jouer la scène : le panier, le saladier, les mouvements, surtout le n° 2 et le no 4.

2. Copie (ou dictée préparée) le no 2.

3. Conjugaisons orale, puis écrite: le ne 2: Je prends..., j'en enlève... et

puis je les jette...; tu... (mimer à mesure).

4. La phrase simple : L'éplucheuse de pommes de terre.

1. Thérèse prend (quoi ? où ?)       3. Elle jette (quoi ? où ?)

2. Elle en enlève (quoi ? avec quoi ?)   4. Elle laisse tomber (quoi ? où ?)

5. La phrase simple : Les outils de la ménagère.

Avec son grand couteau, Thérèse épluche les pommes de terre.

     Quatre phrases sur ce modèle: 1. Avec son aiguille, que fait-elle ? ; 2. Avec son balai... ; 3. Avec son battoir...; 4. Avec son torchon... ?

mercredi 2 décembre 2015

mardi 1 décembre 2015

lundi 30 novembre 2015

samedi 28 novembre 2015

début des années 60 orthographe

 j'étais nulle mais alors vraiment nulle, t'as pas idée, 0 tout le temps, j'étais dans une école d'application, les instits partaient souvent en stage, je me souviens d'une remplaçante en CE1 ou CE2,  elle m'avait dit "Tu vois cet arbre-là-bas ?" il était très gros "tu tournes trois fois autour en courant et tu ne feras plus de fautes", je l'avais crue, me revois courant, ils s'étaient tous moqués, et quand j'y repense, comment avait-elle pu me dire un truc pareil ? n'empêche le temps qu'elle a été là je n'ai presque plus fait de fautes