AUTOPORTRAIT – DU RÉEL A LA FICTION
«
Comment composer une fiction à partir de sa propre histoire ? À partir
de quand l’utilisation de soi pour créer cesse d’être exclusivement
narcissique ? Tout peut-il faire fiction ? À travers une série
d’exercices d’écriture et d’improvisation autour de l’autoportrait,
nous travaillerons à créer une série de très courtes formes théâtrales
sur une journée. » David GeselsonDavid Geselson, en 2009, crée la compagnie Lieux-Dits, qui a pour vocation de travailler sur l’écriture contemporaine et les processus de création théâtrale.
un samedi d'octobre au THEATRE SARAGOSSE -PAU
Journée fluide.
Lui, David Geselson, totalement présent, attentif à chacun, rassurant aussi.
Richesse d'une langue précise, complexe, souple, capable dans l'instant de ricocher.
En travail, pensée à ciel ouvert.
Prof
soleil, de ceux qui éclairent, réchauffent et déminent les zones d'ombre.
Prof chercheur d'or, un mot, il creuse une galerie, et soudain, c'est
là, ça brille, pépite dont on ne se savait pas porteur.
dire,
passer à côté,
ne rien entendre de soi-même,
dans ses mains, une baguette vibre,
prof sourcier,
passer à côté,
ne rien entendre de soi-même,
dans ses mains, une baguette vibre,
prof sourcier,
une eau,
la Parole.
la Parole.
Prof tel qu'on se rêverait.
Premier exercice : trois face au groupe, le premier dit un moment marquant de sa vie à la première personne, le second le reprend dans les mêmes termes, le troisième utilise le matériau et tente une mise en forme/mise en scène, user d'un décalage
être la troisième du dernier groupe, ne pas se défiler, blancs, ellipses dans le récit entendu, accrocher aux premiers mots, une histoire d'abandon, s'en saisir mais tourner court, sentiment de voix perdue, s'en retourner piteusement à sa place, oui, on sait c'était mauvais, y repenser, alors "Essayer. Rater. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux."
Peut-être.
Tu m'aimais pourtant. Enfin, je crois. Un jour, ça t'a pris et tu t'es barrée. Comme ça. Sans rien me dire. Sans me prévenir. Comment t'as pu ? Soudain, t'étais plus là. Je me revois. Au portail. Au virage au bout du chemin. A la fenêtre. Des heures, des jours à guetter ton retour. Cette pitié dans les regards sur moi. Et ce silence, un silence opaque. Peut-être que t'étais au ciel ?Au-dessus de ma tête, des signes entre les grands. Puis très vite le masque du visage habituel. Ils savaient, bien sûr. Tous. Je le sentais, enrageais. Puis un autre jour, comme si de rien n'était, tu étais là à nouveau. Joyeuse, virevoltante. Et si jeune. Tu m'as prise dans tes bras, le monde s'ordonnait, tu m'as soulevée, portée presqu'au ciel et dans un éclat de rire, Ma chérie, maman vient te chercher, on déménage Et la piscine ? j'ai dit. Quoi la piscine ? Elle s'en foutait. La piscine, elle s'en foutait. Les copines, l'école, tout ça, aussi. Les cartons à toute vitesse, le camion déjà là, une grosse voiture au portail, un inconnu au volant C'est tonton, je l'ai trouvé vieux, tonton, et puis un peu gros, un enfant à l'arrière Ton demi-frère, et la route, C'est quand qu'on arrive, la nuit, le sommeil, l'oubli, une douceur, au réveil, la route encore et l'Allemagne. Des mois hébétée, sans comprendre, sans apprendre. Dans une langue, dans l'autre, mots coincés dans la gorge. Ça ne voulait plus sortir. A l'école, seule. Toujours. Reléguée dans un coin. Muette. Du temps encore. Ce que ça m'a semblé long. Quelqu'un d'autre dans ta vie. Retour vers chez nous. En moi depuis, une sorte de terre brûlée. Ou de gouffre. Irréductible. Alors oui, ça tangue dur. Ça plombe aussi mais je m'accroche. Ne pas céder au vertige, jeter des mots, esquisser une danse, se redresser. Et avec ça, autour de ça, contre ça, grandir.