Lu
Chanson de la ville silencieuse d’Olivier Adam
personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert
Le bleu du lac de Jean Mattern
Lu
Chanson de la ville silencieuse d’Olivier Adam
personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert
Le bleu du lac de Jean Mattern
Donosti/Saint-Sébastien. Tomber un soir en arrêt devant cette affiche au cours d’une promenade dans le vieux quartier. Le lendemain,
la boulangère C’est le travail d’un collectif de jeunes artistes basques. Si tu veux je t’en donne une, j’avais aussi des banderoles, dommage, tu aurais pu en accrocher une chez toi au balcon.
l’Océan en contrebas, la lumière est douce, marcher dans le matin frais, surgis de nulle part un agneau, quelques brebis en liberté
un gîte d’étape, dans un angle, le remarquer lui d’abord, son air voûté et fragile, un appareil audio, elle ensuite, une alerte septuagénaire, elle prend la couchette du haut, le rejoint sur celle du bas, s’endormir bercée par leur chuchotis
Lu
Triste Tigre de Neige Sinno
"Mon idéal en réalité c'est Claude Ponti. Un type qui a été violé dans son enfance par son grand-père. Il devient un grand artiste, avec un monde à lui, qui n'a rien à voir avec ça. Enfin, pas exactement rien à voir une fois qu'on sait, son monde est un univers parallèle dans lequel on peut se plonger et affronter des monstres sans crainte, vivre des aventures dont on ressort vainqueur et ragaillardi. Ce monde est un remède contre la cruauté du dehors. On y apprend à ne plus avoir peur de sa peur. Il ne fait cependant pas de références directes à la maltraitance ou au viol. Plus tard, quand il possède une certaine notoriété, quand son nom est associé à son univers artistique, aux histoires et personnages qu'il a créés, il prend la parole et dénonce ce qu'il a vécu avec force et courage mais aussi avec un certain apaisement. Il n'y a plus rien à faire. Il ne veut pas attaquer sa mère qui n'a rien fait pour le défendre, qui l'a confié à des membres de la famille sans même venir le voir pendant plusieurs mois, qui l'a mis en pension chez le grand-père violeur, qui l'a abandonné. Il dénonce et explique ce qu'on peut ressentir quand on est une preuve permanente, vivant dans la maison d'un homme qui peut vous atteindre à n'importe quel moment, dans des interviews où on peut passer du sujet de la maltraitance à celui du choix graphique entre la couleur et le noir et blanc et affronter des monstres sans crainte, vivre des aventures dont on ressort vainqueur et ragaillardi.
Je l'ai entendu répondre à un journaliste, dans une émission de radio, qui lui demandait si les violences subies dans son enfance avaient laissé des traces dans son existence. Bien sûr, avait-il dit, de sa voix douce mais un peu étonnée qu'on puisse Poser une telle question, comme si ça n'était pas une évidence, et il avait raconté que, par exemple, pendant des années, il ne pouvait pas courir. Le bruit de sa respiration quand il courait ou faisait un effort physique lui rappelait le bruit que faisait le grand-père quand il était sur lui et il s'évanouissait carrément. Le souvenir était si insupportable que son cerveau se déconnectait. Je me souviens d'entendre les battements de mon cœur dans mes oreilles se superposer à la belle et grave voix du dessinateur en écoutant cela. Il y avait eu un silence après la réponse, le journaliste devait avoir été affecté lui aussi, puis il avait réussi à rebondir sur une autre question.
Claude Ponti n'est pas une ancienne victime qui a fait des livres. C'est un grand auteur-dessinateur qui a eu une enfance difficile. Comme Blaise Cendrars, qui n'est pas un manchot poète mais un poète manchot. Et la différence est de taille. La différence fait toute la différence. »
La nuit des pères de Gaëlle Josse
La prochaine fois le feu de James Baldwin
Vu
Cinéma
Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier
Exposition
Saul Leiter (photographe) à la Tabakalera Saint-Sébastien
jamais rassasiée, jamais pressée, savourer un petit en-cas sur le chemin, Izar (Étoile) la chevrette
au sommet de la colline, près du fronton, dans la petite église, lui dire adieu, en basque sans faillir, la langue d’ici, prêtre pataud engoncé dans un corps lourd, d’hésitation en hésitation, d’une apnée à l’autre, finira finira pas, le portrait d’un homme simple et bon « bakestua » prend forme, sa vie accomplie sans bouger de chez lui sauf pour l’armée, chauffeur, conduire il aimait, il aimait, il avait gardé ça de là-bas, tous le dimanche après-midi tour en voiture avec la femme, elle aussi elle aimait, ils s’entendaient, partie de pelote, tour à la frontière, ou rien, juste se promener, les bêtes, les terres, la famille, un bon coup de fourchette , une bonne cuisinière la femme, les tablées, enfants, petits-enfants, le fils à ses côtés, il était resté, maintenant le petit-fils, sur la fin assis à la fenêtre, regard perdu, des heures tourné vers Garralda, sa montagne, à reconnaître ou croire reconnaître sur ses flancs le tracteur, le troupeau de tel ou tel voisin, à la sortie, son fils, les yeux encore embués Ce qu’il a dit d’aita [papa] le curé, je crois qu’on pourra dire pareil de moi, l’après-midi se prolonge au café, un temps pour l’évoquer encore, le petit-fils s’éclipse, soins au troupeau, quelqu’un à son oreille C’est du boulot mais elles [les brebis] t’attendent et vont t’aider, il sourit.
Lu
Sukkwan Island de David Vann
Un gars et son chien à la fin du monde de C. À. Fletcher
Journal des jours tremblants Après Fukushima précédé de Trois leçons de poétique de Yoko Tawada
Trust de Hernán Diaz
Film
Irati de Paul Urkijo
lac d’Estaens, mardi 27 août, midi 1/2 |
de l’autre côté de la colline aux bruyères, concert joyeux de sonnailles, vaches par troupeaux autour du lac, trop tôt pour la vallée et ses étables, l’automne peut attendre
Chez le médecin, une salle d’attente à l’ancienne, des rendez-vous mais il prend son temps, toujours du retard, alors on se parle. Soigné, plutôt bel homme, de l’assurance. J’ai soixante-dix-huit ans et je suis content, je suis cardiaque, c’est parfait, je sais comment je vais mourir. Éclater de rire. Rien de garanti, et puis un peu rude pour ceux qui vous aiment, non ? Il lève un sourcil surpris, ne perd rien de sa superbe Non, il faut savoir lâcher.
Lu
Un tesson d’éternité de Valérie Tong Cuon
Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour
Le ministère des contes publics de Sandra Lucbert
Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon
« Sans doute suis-je une enfant des années 1980, ces années qui ont promu la « réinvention de soi », et en ont fait un rêve à portée de clip vidéo. L'aérobic promettait un nouveau corps et les ouvrages de développement personnel, une nouvelle personnalité. Il suffisait de le vouloir : on serait celle qu'on rêvait d'être. Just do it.
L'identité était un costume, un déguisement.
Madonna était toutes les femmes, une Marilyn, une Vierge, une féministe, une businesswoman, un sex-symbol, une égérie de mode, une danseuse, une mère, Eva Perón, une blonde aux aisselles sombres, fière de s'être créée et recréée.
La musique vendait de l'optimisme mondialisé : We Are the World, un monde nouveau dans lequel on n'aurait plus le droit ni d'avoir faim ni d'avoir froid, il suffisait d'y croire. Par la grâce d'une petite main jaune accrochée au revers de son blouson, les racismes reculeraient, on ne toucherait pas à mon pote.
Je l'ai embrassée, cette croyance, dans l'espoir de m'éloigner d'un paysage dévasté, de m'éloigner de ces morts-là.
Toutes les injustices, toutes les causes, j'y adhérais, surtout celles qui ne me concernaient pas directement : les zapatistes du Chiapas, les prisonniers basques ou les sans-logis. Toutes les injustices, toutes les tragédies, sauf une. » (p 51, 52)
(..)
« (…) Dans le train, une femme assise derrière moi s'agace au téléphone. C'est trop flou, tu es tellement flou, dit-elle à son interlocuteur.
Je l'imagine, à l'autre bout de la ligne, tentant désespérément d'éclaircir ses mots, d'en parfaire la mise au point.
J'aimerais m'emparer du téléphone et réconforter ce flou conspué. Le flou est une espèce en voie de disparition dans un monde où règne l'exigence de transparence. On y vante la limpidité, la clarté d'une intervention médiatique.
Savoir résumer son propos en quelques mots est un savoir contemporain, un idéal d'agence immobilière.
Les discours « clairs» sont souvent ceux de communicants, qu'ils soient hommes politiques ou publicitaires. On voit au travers : ils nous vendent quelque chose. Le flou interroge. Il faut y regarder de plus près. C'est une brume de mer qui dissimule le profil d'une falaise. C'est ce trouble d'un amour naissant, qui ne s'appelle pas encore « relation ». C'est une tristesse sans objet, qui surgit quand on s'y attendait le moins, au bord du bonheur. Les créatures floues ont pour elles l'espace de la fiction, qui n'aime rien tant que les personnages dont on ne saura jamais tout. Un roman ne peut être transparent, il est tissé de doutes et de solitude, celle de l'écrivain qui lui a consacré son temps. Un roman ne vend pas, il propose. (…) » p 55. 56
Cinéma
Emilia Perez de Jacques Audiard