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vendredi 30 novembre 2012
mercredi 28 novembre 2012
dimanche 25 novembre 2012
samedi 24 novembre 2012
(...) je ne sais pas si je l'aime ou si je m'y suis habituée.
Dormir accompagné (livre de chroniques II) A. Lobo Antunes
(traduit du portugais par Carlos Batista)
L'amour conjugal
Je suis mariée depuis vingt-quatre ans et je ne sais pas si je l'aime ou si je m'y suis habituée. Je ne déborde pas d'enthousiasme à l'idée que mon mari rentre tous les soirs à six heures et demie sept heures mais ça ne m'est pas non plus désagréable. La perspective de passer un mois de vacances avec lui et les enfants ne m'exalte ni ne m'ennuie. Faire l'amour n'est pas la chose qui m'excite le plus au monde mais je ne peux pas non plus dire que c'est une corvée. Zé To a le sens de l'humour, il n'est pas laid, il n'est pas idiot, il n'a pas tant de ventre que ça, il n'est pas mal pour son âge, il m'offre des fleurs de temps en temps, il me rapporte du parfum duty free au retour de ses réunions à Londres, j'ai commencé à flirter avec lui à dix-sept ans, je n'ai jamais couché avec quelqu'un d'autre, sincèrement je ne me vois pas coucher avec quelqu'un d'autre et cependant vous comprenez, je ne sais pas si je l'aime ou si je m'y suis habituée. J'en arrive à penser que je l'aime quand je le compare aux autres hommes, aux maris de mes amies par exemple, à mes beaux-frères, et j'en arrive à penser que je m'y suis habituée quand je vois un film avec Robert de Niro. Ce n'est pas que Robert de Niro soit beau, mais c'est son sourire, c'est sa manière de regarder, c'est le vide qui flotte en moi quand je rallume la lumière et qu'au lieu de Robert de Niro, c'est Zé To près de moi sur le canapé, c'est Zé To près de moi dans la voiture, c'est Zé To qui me demande en portugais si la femme de ménage a repassé son pantalon gris, qui me fait remarquer que le robinet de la salle de bain goutte, et quand je suis allongée c'est Zé To en pyjama qui s'étend à mes côtés avec ses revues de 4x4 qui le passionnent, c'est Zé To qui me donne un baiser, éteint la lumière, c'est le talon de Zé To qui frôle ma jambe, c'est Zé To qui s'endort si vite et me laisse seule dans le noir à regarder le plafond en attendant un sommeil qui tarde, qui se fait attendre, qui met des siècles à venir. Bien entendu si Robert de Niro était ici je n'en voudrais pour rien au monde. Il a certainement des tas de manies insupportables, il est certainement égocentrique, peut-être aime-t-il assembler des miniatures d'avions ou autres bêtises de ce genre, si ça se trouve il me tromperait à droite et à gauche avec des actrices de Hollywood
(j'ai déjà quarante-six ans et sans être laide je n'ai rien à proprement parler d'une Jessica Lange)
et ma vie deviendrait un enfer de jalousie et de scènes de ménage puériles. Parfois, voyez-vous, je me demande ce qui me pousse à chercher si j'aime Zé To ou si je m'y suis habituée, parfois je me demande si c'est important de l'aimer, si c'est important l'amour, si l'amitié et la camaraderie
(c'est un mot horrible qui rappelle les scouts n'est-ce pas, je trouve que c'est un mot horrible mais je n'en vois pas d'autre)
ne sont pas plus importantes, nos enfants sont de vraies perles, ils ne nous causent aucun souci, ils ne se droguent pas, sont tous deux à l'université, n'ont jamais cabossé nos voitures, s'inquiètent beaucoup de nous, surtout Diogo, Bernardo a toujours été plus détaché ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas un ange, parfois je me demande si la complicité
(ce mot ne me plaît pas davantage, il sent le vol à main armée vous ne trouvez pas ?)
l'absence de disputes, le caractère doux de Zé To ne sont pas plus importants, sa patience face à mes caprices, face à ce petit tempérament que j'ai hérité de mon père, face à mon désir d'être opérée des seins, de faire un lifting, de retrouver celle que j'ai été même si au moment de sourire j'ai la sensation que les coins de ma bouche vont se déchirer dans un crissement de tissu. Fort heureusement vous êtes d'accord avec moi, vous n'imaginez pas de quel poids vous me soulagez, fort heureusement vous aussi vous considérez l'amitié comme plus importante que l'amour, la camaraderie,
(revoilà ce mot quelle plaie)
les enfants, la complicité
(et celui-là encore)
l'absence de disputes, la douceur de Zé To, fort heureusement vous pensez que je ne dois pas me demander si je l'aime ou si je m'y suis habituée, fort heureusement vous m'avez invitée à dîner en tête à tête, seulement pour dîner avec vous, docteur, quelle excuse irais-je donner à Zé To, mais si vous voulez, nous pouvons à la place déjeuner vendredi dans un restaurant loin de votre cabinet et de chez moi, de préférence un endroit où l'on ne croisera aucune connaissance, car je crois bien que vous avez quelque chose de Robert de Niro, son sourire, son regard, dès que je suis entrée dans votre cabinet j'ai pensé
—Ce psychologue a quelque chose de Robert de Niro, je suis persuadée que nous allons bien nous entendre
et maintenant je suis prête à jurer que nous allons bien nous entendre, je suis prête à jurer qu'après ce déjeuner nous nous entendrons à merveille.
vendredi 23 novembre 2012
Séville
Monasterio de la Cartuja-Centro de arte Contemporáneo |
Agnès Varda est à l'honneur.
dès l'entrée, comme un clin d’œil, un peu de sa présence
jeudi 22 novembre 2012
mercredi 21 novembre 2012
plume d'ange
PLUME D'ANGE
Paroles: Claude Nougaro, musique: J.C. Vannier, 1977
(...) "C'est une plume d'ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu'un seul humain te croie et ce monde malheureux s'ouvrira au monde de la joie.
Qu'un seul humain te croie avec ta plume d'ange.
Adieu et souviens-toi: la foi est plus belle que Dieu."
(...) Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste:
"Tu m'entends bien, André, qu'on me prenne au sérieux et l'humanité tout entière s'arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste.
A dégager! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent!"
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m'entraîna dans la cuisine et devant un café, m'expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos... L'air de la campagne... Avec les oiseaux précisément, les vrais!
(...) Un jour où il me parle d'ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l'écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l'ange t'a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c'est lui, il est là, devant toi!
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
"Quel magnifique spécimen de plume d'ange, vous avez là, mon ami.
- Alors vous me croyez? vous le savez!
- Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s'y méprendre.
Je puis même ajouter qu'il s'agit d'une penne d'Angélus Maliciosus.
- Mais alors! Puisqu'il est dit qu'un homme me croyant, le monde est sauvé...
- Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
- Vous n'êtes pas un homme?
- Nullement, je suis un noyer.
- Vous êtes noyé?
- Non. Je suis un noyer. L'arbre. Je suis un arbre."
Il y eut un frisson de l'air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l'épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l'ange malicieux qui m'avait visité.
Tous les trois, l'oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps...
Le fou rire, quoi!
mardi 20 novembre 2012
lundi 19 novembre 2012
dimanche 18 novembre 2012
samedi 17 novembre 2012
cimetière
à une autre devant le miroir d'une plaque de marbre "oui, on a refait la tombe au plus simple, tu comprends quand on ne sera plus, qui va nous nettoyer ?"
vendredi 16 novembre 2012
jeudi 15 novembre 2012
mercredi 14 novembre 2012
lundi 12 novembre 2012
"Comme si les écoles, c'était capable de se mettre debout et d'ensuite se barrer !"
Tokyo Montana express, Richard Brautigan
traduit de l'américain par Robert Pépin
traduit de l'américain par Robert Pépin
Encore une école montanaise
qui disparaît dans la Voie lactéeTout était bien là hormis l'école. Au bord de la route il y avait des panneaux de signalisation jaunes où l'on recommandait aux automobilistes entrant dans zone de rouler doucement : il y avait une école le coin.
Sur ces panneaux l'on avait peint les silhouettes petit garçon et d'une petite fille avec des livres le bras. Comme quoi c'était donc des panneaux indiquant qu'il fallait y aller doucement afin que tous les enfants fréquentant ladite école puissent devenir des citoyens responsables. Comme quoi aussi, c'était vraiment dommage qu'il n'y ait pas le plus petit bout d'école dans les parages.
Et moi je songe à tous ces gens qui là ont ralenti, là ont roulé doucement sans jamais la voir, cette école ; à tous ceux qui alors se sont demandés où elle était, ont alors probablement cru qu'ils l'avaient loupée —et se sont dit que c'était de leur faute, du genre : « Comment est-ce que j'ai pu faire mon compte pour me la rater, cette école ? »
Sauf que rien n'était plus facile étant donné que justement, d'école, eh bien non, il n'y en avait pas. Et moi qui pour aller à la pêche un peu plus haut dans allée là, jour après jour, étais passé en voiture et chaque fois l'avais aperçue, cette école ! Même qu'il y avait des fois où c'était la récré et où tout le monde était à jouer dans la cour et qu'il y en avait d'autres où tout un chacun était au contraire à s'apprendre à compter et qui c'était déjà, le dixième président des Etats-Unis d'Amérique ?
Et puis, il y a deux ans de cela, je cessai de passer par là pendant plusieurs semaines, un mois peut-être même : lorsqu'un jour enfin je repris cet itinéraire, je me trouvai si pressé d'arriver sur mes lieux de pêche que je ne prêtai guère attention à ma petite école Et tout simplement me pensai qu'elle était toujours là : comme si elle n'y était pas déjà depuis des années et des années ! Comme si les écoles, c'était capable de se mettre debout et d'ensuite se barrer !
Lorsque le soir même je repassai devant en voiture —déjà le crépuscule tirait à sa fin—, je remarquai que quelque chose avait changé mais, hypnotisé par la force de mes souvenirs et fermement décidé à m'accrocher au réel, presque je me convainquis de l'avoir vue ; l'école avait pourtant quelque chose de bizarre que malgré tous mes efforts je n'arrivai pas à comprendre.
Il y avait là quelque chose qui clochait: je ne cessai d'y songer pendant les quelques semaines qui suivirent mais toujours l'affaire me restait obscure. Étant donné que je n'avais aucune raison d'emprunter cette route, dans ma vie la chose bien vite se transforma en petit mystère.
Jusqu'au jour où, me rendant une fois de plus sur mes lieux de pêche et cette fois en ouvrant tout grand les yeux pour ne pas la manquer, je m'aperçus qu'elle avait bien évidemment disparu. L'école ? Transportée ailleurs. Où ? Je n'en ai toujours pas la moindre idée. Pourquoi ? Ça aussi, je l'ignore.
Ce qui fait qu'aujourd'hui encore par panneaux interposés l'on recommande aux automobilistes de conduire doucement parce qu'il y a une école dans le coin. Et que moi, je me demande pourquoi on ne les a pas enlevés, ces panneaux : après tout, on l'a bien enlevée, cette école, non ?
Mais peut-être aussi est-ce qu'on les a oubliés ou alors qu'on n'en avait plus besoin : serions-nous donc en présence d'un cas de « disparition d'école » ? J'espère quand même qu'elle n'a pas quitté la planète ; qu'au moins on n'en a pas disposé entièrement.
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