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dimanche 26 octobre 2025

Lu et vu

 Lu

Eden d’Audur Ava Olafsdóttir

La montagne et les pères de Joe Wilkins

« À peine quelques mois plus tard, ma mère nous fait asseoir à la table de la cuisine et nous apprend que mon grand-père a vendu le ranch. Sans en parler à personne, ni à ses fils ni à sa fille, mon grand-père a décidé de vendre le ranch familial, de ne garder que quelques hectares pour y faire paître une poignée de bêtes. Nul ne sait quoi dire.

À travers leurs diverses absences, à travers la culpabilité qu'ont fait naître ces absences, mes oncles téléphonent et téléphonent encore. Ma mère pleure et pleure encore, puis elle loue à son tour les champs de luzerne. Tout le monde, semble-t-il, a le cœur brisé.

Sauf moi. Personne - surtout pas mon grand-père, qui me pose tous les jours des questions sur mes résultats sco-laires, sur mes lectures du moment, qui me dit d'étudier davantage encore - ne m'aurait obligé à reprendre le ranch, mais je l'aurais pourtant fait, ou mon frère l'aurait peut-être fait, mu par un sentiment déraisonné et sacré du devoir, par un chagrin mal placé. Mais voilà - voilà que mon grand-père m'a libéré. Alors je lis, et je lis encore, et je tombe amoureux de mondes que je n'ai jamais vus. Je fais des projets de voyages, je parle en toute honnêteté d'universités potentielles, comme si nous avions les moyens de m'envoyer dans un de ces établissements, n'importe lequel de ces établissements, et mon grand-père regarde une succession d'hommes signer les papiers et tenter leur chance avec notre ferme. Il vérifie s'ils entretiennent les clôtures, s'ils vont aux champs avant le lever du soleil, et quand ils finissent par s'en aller - ils finissent toujours par s'en aller - il secoue la tête.

- Ton père aurait raclé tous les fossés dès le mois d'avril et il aurait eu sa première moisson en mai, dit-il avant de s'éloigner avec un chargement de piquets métalliques flambant neufs, verts et brillants dans la lumière de l'aube, pour aller réparer les clôtures autour du peu de terres qu'il lui reste.» (p 138, 139)


Vu


Dahomey de Mati Diop

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