Au nom de la terre Vergilio Ferreira
XIV
Et maintenant ma chérie, je crois avoir le droit de me plaindre un peu. Pas du corps, je laisse cela pour plus tard. Théo est pressé de me dire des choses avant qu'on ne m'enlève ma jambe. Me plaindre de la vie, me plaindre de. On arrive à la fin, c'est-à-dire au moment où l'emballage devient déficient et où il n'y a plus guère d'avenirs alors on s'assoit. Je suis assis. Je regarde autour de moi, d'avant en arrière, car il n'y a plus d'avant vers lequel regarder. Je trouve cela parfaitement stupide, qu'en penses-tu ? Pas le souvenir, car pour ce qui est de me souvenir, je me souviens. C'est une façon assez pratique de recommencer à vivre. Des choses se sont produites, on les fait se produire de nouveau. Surtout ce qui a valu la peine et nous a mis un peu de contentement dans l'âme. Purifier les choses des désagréments qui les accompagnent. Ou se souvenir d'eux aussi mais les envelopper d'une absolution vaguement tendre. Un jour j'ai pensé : quand Dieu s'est mis en tête de créer tout ça pour s'amuser, il a su employer le mot juste. Alors je me dis qu'il doit y avoir un mot sacré pour tout, il s'agit simplement de savoir où le trouver. Même ce qui est ennuyeux ou laid ou pourri, si on connaissait le mot juste deviendrait beau également. Il fait nuit le foyer est complètement silencieux c'est un choc pour moi. On a toujours en soi des tas de choses qui voudraient parler et avec le bruit c'est impossible.
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