Lu
Faudrait quand même que j'apprenne à parler correctement parce que, si je dis ça à la mosquée, avec mon arabe mal appris de fils de Syrien et mon français de manouche, ils vont rien comprendre et je vais passer pour un kouffar. Qu'ils aillent niquer leur mère eux aussi.
Ils ont fait de l'islam une marque et ça me fout la migraine, mais j'arrive pas à l'expliquer. La vie, c'est terrible quand on a pas assez de mots, il faut que les autres vous écoutent deux fois plus pour vous comprendre. Du coup, la vie coûte plus cher. Rien que le psy ou l'avocat vous facturent deux fois plus parce que vous vous expliquez avec vos pieds. Eux aussi, ce sont des maquereaux. IIs sont là pour aider et soigner, mais si vous payez pas, ils vous disent avec politesse et élégance d'aller compter les nuages. (p 63)
J'ai garé ma voiture au parking de mon immeuble, et j'ai descendu l'arrondissement à pied pour rejoindre le commissariat. Il était 19 heures. Comme d'habitude, on m'a dirigé vers le premier étage.
Je suis entré dans une pièce. Le Gwen était assis en face de moi. Petit sourire de sale Français, de vieux Breton, briscard, fier de lui, menton pointu, cheveux courts sur les côtés, sourcils broussailleux, chemise ouverte, bleue, soyeuse, mais moche. Une vie à fliquer et mettre en cabane. Mais, ma parole, lui aussi on finirait par l'enfermer. Entre quatre planches de bois, dans un trou, et on l'enterrerait sans sourires, sans collègues, sans indic. Et personne pour lui porter des fleurs. Quoi qu'il arrive, la vie on la commence, on la vit et on la finit dans une boîte. D'abord le ventre de votre mère, puis un couffin, puis votre chambre, puis l'école, la discothèque, la voiture, l'entreprise, la maison, et à la fin ? Un cercueil. Toujours une boîte.
«Tout va bien, Callahan ?»
Harry Callahan, pour ceux qui connaissent, c'est un inspecteur de police retors incarné par Clint Eastwood. Une bouche comme une mitraillette de mots, l'un des héros de mon père.
«Bon, ta convocation c'est de la merde. T'as juste plus de points sur le permis, mon pote. Fini le VTC.»
J'ai pas compris immédiatement. Toute ma nouvelle vie, c'était grâce à Le Gwen. Le vieux keuf m'avait aidé à trouver un taf. (…) (p 93)
Sur mon balcon, je fais crépiter le joint pour oublier. Voici ma cage, ma bulle, mon mètre sur deux, mon monde. Il a plu, j'ai froid et le dessous des pieds mouillé. Je suis sorti torse nu, le vent frais rebondit sur ma peau. Moite et suspecte, la nuit a une odeur de pute en préretraite. Personne ne se promène à cette heure, les lampadaires n'éclairent que le goudron. Au loin, on entend des voitures qui cir-culent, y a plus que des taxis, des VTC ou des cramés de la tête par l'alcool ou la drogue. Quand je kille un pilon, j'aime bien garder la fumée dans mes poumons quelques secondes. Ça crépite devant mon ne, puis c'est chaud en bouche, dans la gorge et dans la poitrine. Les yeux fermés, là-haut c'est vaporeux, ça plane et je me sens bien, comme si j'avais posé mon sac à dos plein du poids du monde. (p 99)
Bleu de travail de Thomas Vinau
Vu
Cinéma
Adieu Philippine de Jacques Rozier
Exposition
Un certain Robert Doisneau, Musée des Beaux-arts de la ville de Pau
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