Lu
Les heures silencieuses de Gaëlle Josse
Ouragan de Laurent Gaudé
Le chasseur d’histoires d’Eduardo Galeano
La connaissance et l’extase d’Eric Pessan, éd. l’Attente
« (…) Mais un type accoudé au comptoir d'un bar, un type qui attend le versement de sa retraite en éructant sa haine, on fait quoi avec un type comme ça?
Un type qui souhaite la mort des musulmans, l'expulsion de tous les Français issus de l'immigration.
On l'aide comment?
Un type qui veut voir mourir les juifs, les hommes et femmes de gauche et de droite, comme les artistes, les musiciens, les comédiens, les écrivains, les danseurs et les peintres.
Quelle marge de manœuvre on a avec lui?
Un type qui aime l'idée de la mort de David Bowie.
On lui explique qu'il se trompe?
On lui dit qu'il a tort?
On lui fait lire l'Ancien Testament?
On lui fait lire le Coran?
On lui fait lire le Nouveau Testament?
On commence par l'asseoir pour lui parler?
On crie plus fort que lui?
On le frappe d'abord et on lui dit que l'on ne cessera de cogner qu'à condition qu'il change sincèrement d'avis?
Elle est où, la marge de manœuvre?
On monte un spectacle qu'il n'ira pas voir pour que des acteurs qu'il exècre incarnent les mots qu'il ne lira pas?
C'est quoi la solution?
L'art?
La littérature?
L'électricité?
La pince coupante?
Le croc?
Les couilles dans un étau?
L'incarcérer au secret, un sac sur les yeux, une cave de deux mètres par deux en terre battue, sans chaise ni lit ni seau où se soulager; on diffuse Boulez à plein pot et on le force à regarder des documentaires sur les bienfaits de l'action culturelle? (p 16-17)
Ça étonnerait plus d'un être humain d'apprendre que l'une des caractéristiques de l'être humain est de nier la condition d'être humain à d'autres êtres humains.
La bêtise est une tragédie.
La simplification est une tragédie.
La fermeture est une tragédie.
Le refus des mots, des partages, du langage commun et du langage possible est une tragédie.
Un homme qui réclame dans un café que l'on tue d'autres hommes c'est une tragédie.
Que des hommes approuvent cet homme est une tragédie.
Que je ne me sois pas levé pour lui demander de se taire est une tragédie.
Ce matin-là, tout le monde dans ce café, tous les visages apparus à la télévision, tous les visages imprimés sur les pages de titre des journaux appartenaient à la communauté humaine. Des êtres différents, énigmatiques à autrui comme - parfois - à eux-mêmes, divers, dissemblables, étrangers, autres mais humains. (p 80-81)
Oh oui, que faire avec des types comme ça ? On peut les éviter mais ça sert à rien, ils trouvent vite d'autres types comme ça....
RépondreSupprimerJ'aime énormément Galeano, j'espère que toi aussi.
Des humains et de leur opacité. De la difficulté de s’entendre. D’aller vers l’autre.
RépondreSupprimerDans cette tranche de vie, il est dans un café, coupé du monde il croit, la télé le comptoir, on imagine et ÇA . Des pensées souvenirs le traversent, l’agitent . Quelques instants à peine et fin du récit « J’entre, je demande où se trouve la salle des professeurs, on me montre, la journée sera de celles où je m’adresserai à une trentaine d’êtres humains pour partager des mots, des livres… (…). J’accroche ma veste à une patère. Ça ne fait que commencer. » (p 92)
Et point final.
Oui, à sa place se retrousser les manches, ça ne fait que commencer.
Ánimo
Très beau texte comme écrit d’une traite, dans un souffle. Un moment que je voulais lire cet auteur. Je poursuivrai.
Eduardo Galeano : des années que m’attend Les veines ouvertes de l’Amérique Latine dans la belle collection Terres Humaines. Bien souvent les yeux plus gros que le ventre ! Des pépites dans Le livre des Étreintes, merci à Pierre Carrive qui m’a mise sur la piste, ce livre est désormais près de moi, d’autres dans Le Chasseur d’Histoires, je chemine.
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