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vendredi 25 mai 2012

"Je vis avec ces riens somptueux..."

Papiers collés II Georges Perros
 On n'écrit toujours qu'à deux doigts de se taire.
  J'ai une excellente mémoire. Je ne retiens presque rien.
 
 Tout ce que j'écris est à sauver. Et si l'on tient parfois à me connaître, ce n'est que pour voir si j'ai la gueule, et la vie, de mes chansons. Sinon, encore un menteur. Ça peut rendre la vie difficile, car je ne suis pas un saint. (Je n'en connais pas; mais il y en eut, paraît-il.) Je peux très bien faire le contraire de ce que j'écris. Le contraire, non. Pas le contraire, autre chose, qui remettra en question. Qui effacera tout. Car il faut changer pour rester le même (celui qui a dit cela ne s'en est pas privé, heureusement). Ainsi puis-je écrire dans l'après-midi que j'ai horreur du coït, et rentrer chez moi le soir en état coïtal. Vais-je déchirer ces pages? Vais-je tuer ma femme? Non.

 Nous sommes plusieurs à vivre ensemble, dans un corps dont nous ignorons toujours le pourquoi. Alors, qui n'est pas contradictoire n'est rien. Ou trop soucieux d'une socialité dont je n'ai que faire. On pourra encore me faire des misères. Mais la misère, je me la garde. J'ai compris quelque chose d'idiot. Je suis content d'être là. Encore là. Parce que souvent je trouve que c'est un sursis, qu'il y a longtemps que j'aurais dû fausser compagnie, pour de bon, à mon corps et à celui des autres. S'il m'arrive encore de souffrir, c'est "bêtement", comme en souvenir, cicatrices mal fermées. Mais en bonne voie, merci.
 Alors je me sens très à l'aise avec tout. (Pas avec tous, mais je vois peu de monde). Je vis avec ces riens somptueux, la mer, le ciel, les oiseaux, les arbres. Sous leur totale dépendance. Tous les jours je m'en félicite.
 
 Il m'arrive de n'avoir rien à dire, mais jamais de ne pas avoir à écrire. C'est qu'écrire est gestuel, participe d'une possibilité assez rarement euphorique, mais, comme la marche, indispensable à qui s'y est une fois rendu sensible. C'est un sport, un exercice, au sens valérien. Quand je n'écris pas je grossis, comme l'athlète s'empâte dès qu'il relâche son effort quotidien.(...)
 

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