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vendredi 27 décembre 2019

"une victime des intempéries en Pays Basque"



on a dit dans le poste, juste le temps de penser Il a dû faire encore plus vilain qu'ici, et on est passé à autre chose, puis son message, et quelque chose casse dans l'ordonnancement du jour, on espère avoir mal entendu, soudain la victime des intempéries a un visage, celui de P'tit Louis comme on l'appelait affectueusement entre nous, un familier de la ferme natale, on le voyait le dimanche, il allait prendre le pain au village à côté et au retour s'arrêtait parfois prendre le café, un basque magnifique, fluide, imagé pour des échanges à bâtons rompus, tout y passait, les difficultés de l'agriculture, le devenir des petites fermes, les parties de pelote à Saint-Jean-Pied-de-Port, un peu de la vie des uns et des autres... dans l'utilitaire, à la place du conducteur, fidèle et patient, l'attendait son petit caniche, pourquoi un caniche, il l'avait raconté un jour, histoire oubliée et perdue maintenant, ils ne se quittaient pas, puisse l'arbre qui s'est écrasé sur leur voiture les aient emportés ensemble, quelqu'un à l'enterrement "sur cette ligne droite, les arbres tu les cherches", cette Faucheuse qui attend son heure, une vie ça peut donc s'arrêter comme ça, sidération

jeudi 26 décembre 2019

vieillir (26) : ça promet

place Clémenceau, l'effervescence contagieuse des veilles de Noël, bras débordant de cadeaux, comment fermer son porte-monnaie, un coup de vent, un billet s'envole, son pied dessus, soulagement, lever les yeux, de grands cheveux blonds épars, la petite quarantaine élégante, un caniche au bout d'une laisse, qui des deux tire l'autre, me gourmandant presque "eh ! mais il faut se poser..." et devant mon regard interloqué "oui, je n'arrête pas de le répéter à ma mère" sa voix claque dans le brouhaha,  "SE PO-SER" un léger sourire et elle disparaît dans un sillage parfumé

vendredi 20 décembre 2019

conversation (9) : pot de fin d'année

je travaille encore, jusqu'à soixante-sept ans si je peux, à mi-temps ça ne me fait pas beaucoup mais mon mari a une bonne retraite et comme ça je peux faire des cadeaux à mes trois enfants, on leur a ouvert un compte à chacun, en cas de coup dur ce sera là mais ils ne doivent pas y toucher, ils le savent, ils nous critiquent, on est trop économes, c'est maintenant qu'ils faut vivre, nous poussent à voyager, à dépenser nos sous,  je te donne un exemple, mon aîné et sa femme, trente ans, mariés il y a peu, viennent de construire une maison, des traites pour trente ans, déjà ça nous effraie mais on s'est dit, Maintenant ils vont se calmer pour un moment, mais non, ils reprennent un crédit, des traites, je te le donne en mille, des traites pour une piscine, il leur faut tout, tout de suite, à quoi ils pensent, on ne les comprend pas

samedi 16 novembre 2019

petites choses (9) qui réjouissent le coeur



il est à quelques mètres, les jambes presque dans le vide, sur le point le plus extrême de la falaise, la caresse du soleil, le souffle de l'océan, prendre sa place, ça y est, voilà qu'il bouge, il va partir, non, il plonge sa main, un objet au bout de ses doigts, le temps de penser, pas un selfie et c'est un minuscule calepin, un crayon aussi, son regard furète, il observe, se penche, note quelques mots, se redresse encore, vous vous éloignez

dimanche 10 novembre 2019

petites choses (8) qui réjouissent le coeur

Edgar Morin par Fred Dufour



1mn46

c'est l'automne, c'est la pluie, c'est un jour qui se lève morose, il sera plus court qu'hier, tant mieux on aurait presqu'envie de dire, c'est la radio écoutée distraitement, le vent roule de lourds nuages gris, on les regarde courir, et c'est la voix d'Edgar Morin, tendre l'oreille, une parole simple et précise, son attention généreuse s'échappe et se répand, chaleur, l'émission va se terminer, quoi, déjà, et pour conclure, "A Paris dans chaque faubourg...", Lyz Gauty, son choix, une voix du temps d'avant avant, Edgar Morin chantonne, le jour s'ouvre et se colore,

 il se fait promesse



Paroles: René Clair, musique: Maurice Jaubert, 1933


À Paris dans chaque faubourg
Le soleil de chaque journée
Fait en quelques destinées
Eclore un rêve d'amour.
Parmi la foule un amour se pose
Sur une âme de vingt ans.
Pour elle tout se métamorphose
Tous est couleur de printemps.
À Paris quand le jour se lève
À Paris dans chaque faubourg
À vingt ans on fait des rêves
Tout en couleur d'amour



https://youtu.be/x4dIpOe8oLc

 cliquer sur l'image pour entendre Lyz Gauty

Ils habitaient le même faubourg
La même rue et la même cour
Il lui lançait des sourires...
Elle l'aimait sans lui dire.
Mais un jour qu'un baiser les unit
Dans le ciel elle crut lire
Comme un espoir infini.

jeudi 31 octobre 2019

famille (11) en bord de mer

douceur d'un jour d'octobre, midi bientôt, la croiser sur la jetée, son pas lent et lourd, une lassitude, elle se caresse pensivement le ventre, oui, elle attend un enfant, déverrouille sa voiture, ouvre côté passager, ah, elle rentre, l'oublier, poursuivre et la reconnaître quelques instants plus tard sur la plage est presque déserte, le même pas, elle se dirige vers les siens, ils sont trois, trois à l'attendre, son compagnon, un garçon d'une quinzaine d'années et une petite fille, le pique-nique est prêt, dans ses mains, pour eux, une grande bouteille d'eau minérale

lundi 21 octobre 2019

conversation (8)

Elle se lève, pressée soudain, une visite au beau-frère en soins palliatifs "Ah ? je t'avais pas dit ? quinze jours qu'il y est mais là, ces deux derniers jours, il va mieux, on l'a même assis au bord du lit, sa femme est allée se faire faire des mèches et tout chez le coiffeur en prévision de regard rapide, petite gêne, elle embraye  à n'y rien comprendre."

mardi 15 octobre 2019

écrire ensemble

commencer un conte, première phrase par imitation "Jadis vivait dans une forêt lointaine un pauvre petit ours apeuré". A leur tour. Ils s'appliquent. Quelques phrases au vol "Jadis vivait dans une une caverne mystérieuse." Un autre "Jadis vivait dans un vieux château délabré." Insister. Vous oubliez de dire qui vivait là. Quelqu'un, illumination "C'est pas Jadis ? ça veut dire  y a longtemps, jadis ?  je croyais qu'il s'appelait comme ça, moi". Et un mot, un, dans la besace à mots.

samedi 12 octobre 2019

marché (10)

le mari, la femme et le fils, un stand de fruits et légumes. Elle à son mari, une cliente attend à la caisse "Je trouve pas les endives" Lui "Mais, là, près de la caisse", elle se penche, cherche, la queue s'allonge, un soupir "Je les trouve pas", le fils, un beau garçon d'une quinzaine d'années, se glisse derrière elle, chevauche quelques cartons "ça y est , je les ai !" Elle "Mais non, c'est des brocolis, ça" lui, toujours, smartphone pointé, il désigne l'écran "c'est ça ?" elle, un bon rire "oui", "Bé alors, tu les as là " elle à nous qui attendons toujours "google, ça sert quand même"

mercredi 9 octobre 2019

au pays des mères

  

 se concentrer,

 

un œuf d'oie pour marquer le nid,
y en a qui mettent des œufs en bois,  n'importe quoi peut faire l'affaire, tu sais,
au moment de remplir son panier pas de risque de se tromper,
on ramasse les frais,

 
et un chant,
victoire,
j'ai pondu

mercredi 2 octobre 2019

sauver quelque chose du jour qui meurt (1)

des visages d'enfant, un texte, des questions, l'inquiétude est palpable, des doigts levés, réussir, avoir une bonne note, ça veut dire quoi citer, ça veut dire quoi semer, langue trouée à tisser, ravauder, fil des jours pour raccommoder, la vie devant eux

samedi 28 septembre 2019

élections de délégué de classe

du haut de ses douze ans, un non catégorique  Pas question ! L'année dernière, je me suis présentée et, elle reprend son souffle, sa voix tremble, le souvenir de l'affront est toujours làrésultat, deux voix ! j'ai cru que je voyais le bout de ma vie !"

mercredi 25 septembre 2019

un monde ouvert on disait

C'est un bus, c'est un bus de vieux, c'est un bus de vieux qui passe la frontière, c'est un bus de vieux qui fait Bayonne Saint-Sébastien, c'est un bus de vieux qui fait Saint-Sébastien Bayonne, c'est un bus de vieux dans lequel ça papote, Ça revient moins cher que de prendre sa voiture et en plus  y a pas à se garer, c'est un bus de vieux dans lequel on est content On a tout ici, la mer, la montagne, l'Espagne à deux pas, c'est un bus de vieux qui s'arrête à Hendaye, ce jour-là à peine un peu plus loin, à Biriatou, arrêt sur le bas-côté Contrôle d'identité, on vérifie les soutes, préparez vos papiers d'identité, un léger frémissement, on s'agite, un micro événement ça se fête, quelqu'un, bonhomme et conciliant "Ça va, on devine le sourire satisfait, on a l'habitude maintenant"

vendredi 13 septembre 2019

des airs d'Italie

il fait doux encore
une caresse au château
le soleil s'éclipse

samedi 7 septembre 2019

vieillir (25)

c'est l'hiver, c'est la maison de retraite, c'est six heures, c'est une large façade rectangulaire, c'est une constellation d’alvéoles, c'est un œil aveugle sur le côté, sa chambre, c'est le fauteuil roulant près du store, et c'est elle, hiératique, immobile, suit-elle vraiment les allers et venues sur le parking, aphasie, elle n'a plus jamais reparlé, hémiplégie, la vie s'est repliée sur son côté gauche, personne pour songer à allumer chez elle, c'est l'écran télé et ses reflets bleutés, des ombres, guerres, catastrophes, variétés, élections, législatives, présidentielles, d'autres saisons, d'autres années, et le temps passe comme ça, la directrice se présente aux suffrages, tour à tour, l'aide-soignante, la jeune femme de l'accueil  "Votre mère pourrait voter. Vous avez pensé à faire une procuration ?"

mardi 20 août 2019

dans la rue

sentir un sourire, lever les yeux, une cinquième, 12, 13 ans, un homme l'accompagne, visage avenant, pantalon clair de toile, il porte beau,  échanger quelques mots, le père, le grand-père ? une hésitation, pas de gaffe, elle vient les rejoindre, belle aussi, bijoux imposants, cheveux poivre et sel raide, une irréprochable coupe au carré, de l'assurance, un bras de propriétaire sur celui de son mari, la grand-mère donc et maintenant, pas de doute, oui, le grand-père

mardi 13 août 2019

petites choses (7) qui réjouissent le coeur

dans le bus, deux tout jeunes gens, elle, frêle, tourner, se retourner, comment dormir, la voilà finalement lovée contre son compagnon, un gars solide, tête posée sur ses genoux, lui, une grande main apaisante et distraite sur ses longs cheveux lisses, l'autre tient un livre, il est plongé Dans le café de la jeunesse perdue

jeudi 1 août 2019

se coopter

on se flaire,
se devine des affinités,
chante ensemble dans la chorale du lieu,
organise des sorties,
bâtit des projets,
plaisir de travailler en équipes,
de se construire des emplois du temps sur mesure,

                                                      à l'autre bout,

nous,
les usagers,
enfants, élèves, vieux, patients, clients,

parfois avec ceux qui se sont choisis,
                                                                 bonne pioche,
parfois avec les autres,
les ensemble par défaut,
                                                                                 mauvaise pioche

samedi 13 juillet 2019

un soir d'été à Pau

c'est un soir,
un soir en centre ville,
un centre ville chauffé à blanc,
un centre ville minéral à force de rues dallées pavées,
un soir où jeter les livres par le balcon
un soir où repousser les murs à force de stores baissés et de chaleur

sortir
longer le boulevard des Pyrénées,
passer le château,
bientôt six heures,
presser le pas,
le gardien referme la grille et s'éloigne,
l'ombre des grands arbres,
une légère brise,


longer le golf, 
la rive droite du gave,
de l'autre côté la fumée d'un barbecue,
des cris joyeux d'enfants,
"-Vous faites attention, hein ? -Mais oui maman !"
des lancers de cailloux,
des ricochets,


plus loin un homme à sa guitare,
le regard attentif de son chien,
vos pensées dérivent,
vous avez bien fait de sortir

mardi 9 juillet 2019

vieillir (24) à la ferme

 
1mn25

on leur avait dit, les fermes sont trop petites, il faut agrandir, remembrement, déchirements de voisinage, ils avaient obéi,
on leur avait dit, il faut défricher, arracher les petites vignes, on vous donnera des subventions, ils avaient obéi,
on leur avait dit, il faut arrêter la brebis pour faire du lait, puis les quotas laitiers, une amertume, ils avaient obéi,
on leur avait dit, on va créer une grande coopérative, vos revenus seront assurés, tous les petits marchés de bestiaux étaient morts, fini les discussions autour du prix, le boire un coup au bistrot avant de rentrer, mardi à Hasparren, mercredi à Peyrehorade, vendredi à Saint-Palais,  ils avaient obéi,
on leur avait dit, il faut améliorer les races, alors en avant insémination, éponges, veaux et agneaux étaient devenus plus gros, bienvenue aux césariennes, le vétérinaire un familier, "et quand tu l'appelles un dimanche, avec le prix que ça coûte, tu rattrapes jamais" les bêtes pressurées ne faisaient plus de vieux os, ils avaient obéi,
le Crédit Agricole avait prospéré, les tracteurs grossi, arrachées les vignes au côté de la maison,  disparues haies et fougeraies à grands coups de bulldozer, les oiseaux allaient nicher on ne sait où,
une deux générations avaient passé,
ils avaient été les jeunes dans la longue chaîne des générations,
et ils étaient au seuil de la vieillesse, le corps déformé, porter des seaux, soulever des bottes de foin, forcément des traces, l'élevage, celui qui ne vous laisse pas un dimanche, ils avaient aimé mais en 40 ans une incitation et son contraire, les quotas, plus de quotas, le cochon, le kiwi, le lait de brebis, ne pas mettre tous les oeufs dans la même panier, la sagesse mais c'était quand même à perdre la tête,
ils étaient devenus experts en constitution de dossier, mendier une aide à un organisme ou un autre, on va quand même pas laisser perdre, ils savaient, avaient un comptable, tenir la paperasserie en ordre, les vaccins des bêtes, leur carnet et tout ça, valait mieux mais c'est pas ça qui vous fait un orgueil,
qui pour leur jeter la pierre, ils étaient restés, la terre empoisonnée, la viande aux hormones, manquerait plus qu'on leur fasse porter le chapeau, le paysage entretenu, des retraites de misère, se contenter, ils savaient, une propension à courber l'échine, mais l'amertume,
"il y a deux ou trois ans, je n'imaginais pas que je pourrais vivre sans brebis, si j'en gardais deux ou trois, je m'attacherais trop"
alors bientôt la ferme dirait juste qu'elle avait été
puis elle disparaîtrait

samedi 6 juillet 2019

Manuela

Matin de printemps, un jour neuf comme lavé de frais, vous la revoyez, grande jupe dansante et comme à son habitude, tellement souriante. Un regard aussi. Transparent. De ceux dans lesquels on croirait pouvoir plonger. Dans ses bras de petits bidons. De la peinture ? vous lui aviez demandé. Elle avait ri. Non, du lait en promo pour le petit et vous aviez ri avec elle. Quelques mots vite fait, elle était pressée Oui, il pleure un peu la nuit, son père se fâche, vous aviez insisté, votre fable de maman heureuse et comblée, vous y teniez Il ne crie quand même pas trop fort ? mi affirmative, mi interrogative elle avait hasardé un Mais il nous aime quand même, hein ? et s'en était allée, pas léger, une salle de profs ailleurs, vous n'y pensiez plus, premiers jours de l'été, la rubrique faits divers, des détails, on aimerait ne pas lire, des coups, des cris, du sang et leur mort à tous trois. Un an à peine. Sur le jardin de l'université pousse un magnolia blanc

vendredi 21 juin 2019

à la boulangerie (4)

Ogi pesta, Saint-Palais, s'arrêter en passant un dimanche, la queue jusque dehors, comme ça tous les dimanches, brouhaha des conversations, la porte reste ouverte, signes de reconnaissance, petits saluts, sourires, juste devant une femme à celui qui vient d'entrer "Il vaut mieux se voir ici que chez le docteur", lui "bah ! là-bas aussi on s'y trouve assez" béret repoussé sur le front, soupir, le regard s'égare, dans l'air une inquiétude mais déjà votre tour "Et pour vous ce sera ?"

mardi 4 juin 2019

attendre

                                                                    
c'est le soir
c'est en ville
c'est le soir d'un été en ville
un chien aboie
il aboie sans relâche
sa plainte
sa plainte dans le soir
sa plainte dans le soir d'un été
sa plainte dans le soir d'un été en ville
c'est en face
c'est dans un appartement
c'est dans l'appartement d'en face
sa silhouette
sa silhouette qui va et vient
sa silhouette qui va et vient derrière le store
sa silhouette qui va et vient derrière le store dans la pénombre
il couine
il gémit
il pleure
sa plainte
c'est l'abandon
c'est la solitude
c'est un désespoir
et ça monte dans le soir
et ça monte dans la ville
et ça monte dans le soir d'un été
et ça monte dans le soir d'un été en ville
et ça dure
et ça glace les sangs
ça s'incruste dans l'oreille
et puis plus rien
ça n'est plus
le silence
ça s'est arrêté quand
c'est toujours le soir
c'est toujours en ville
c'est toujours le soir d'un été en ville
de la lumière
de la lumière dans un appartement
de la lumière dans l'appartement d'en face

                               quelqu'un

quelqu'un est rentré
quelqu'un est enfin rentré
une tendresse partagé
on se fait fête
une fête silencieuse

                                                        quelqu'un

lundi 3 juin 2019

de l'extension du discours "médico psy" aux cours de récréation

"eh ! la bipo, j't'attends... tu viens ? Lever un sourcil "bipo... ?!" "ben oui, on se traite de bipo mais ç'est pour rigoler, ça veut dire bipolaire". Se rappeler les pas si vieux "T'es mytho ou quoi" et sa variante "arrête de mythonner"

dimanche 5 mai 2019

retour de l'école

reprise d'une "Ronde" chez Céline Gouel

cinq heures, au revoir maîtresse, tu refermais le portail, il grinçait, sur ta gauche la chapelle, face à toi la maison d’Huguette, parfois son visage derrière les rideaux tirés, elle te guettait, sortait, tu essayais de l'éviter, elle te proposait un café au lait ou des bonbons, tirer les vers du nez sa spécialité on disait, couper court, dire non merci, bien poliment comme on t’avait appris, marcher sur la petite route, serait-elle là, non, pas à la rivière, jupes relevées, avec maîtresse tu oubliais, un coup d’œil de l’autre côté à la grande maison à volets verts, des durs au travail, jardin, fruitiers, marchés à Bayonne, les départs du samedi alors que le jour pointe à peine, et puis des vieux, grands-parents, oncles célibataires et avec ces vieux des retraites, de l'argent qui rentre facilement, ils étaient à l’aise on disait, et tous on les enviait, Huguette et eux comme chien et chat, pourquoi au juste on savait pas, des histoires de conseil municipal, des rivalités, des jalousies du temps d'avant avant, au quartier on en riait, et puis plus de maisons pendant un moment, une plaine, ces prairies, tout du plat, de l’or on disait, où serait-elle ? non, pas au grenier, le cou marbré de rouge, l'inquiétude revenait, ton pas se faisait lourd, sur la butte une maison vide, elle montre on disait, mais quand même ils pourraient réparer le toiture on ajoutait, tu avançais, ta maison aurait les volets clos, ça tu savais, c’était comme ça, un de la lumière vers l’ombre tu te disais, la route se rapprochait de la forêt, de la rivière, jeu des saisons, tu ne savais pas que tu voyais, ton goût des arbres, des ruminations  et des longues marches, c’était né alors et là, un regard vers le château, messes basses, pour du malheur elle en avait eu la Bésarine, les oreilles n’ont pas de paupières, tu as lu ça des années-lumière plus tard, un malheur honteux, son homme un jour elle l’avait trouvé pendu, ses fils près d’elle, puis la maison de Silveri, souvent dehors Silveri, le corps presque plié à angle droit, un mot gentil que tu comprenais à demi, sa femme dans les parages à le rudoyer, lui « elle irait chercher la lune pour ses enfants », il buvait, oubliait douleur, misères, tu passais vite, le petit pont, comme un goulot dans la forêt, là, au printemps les jonquilles poisseuses de sève pour maîtresse, comme un jardin secret dans le sous-bois, marcher encore, à nouveau la plaine, des champs, des prairies, une maison, Thérèse, la grand-mère souvent plantée sur ton passage, les jeunes toujours au travail, la solitude des vieux « agur matela gorria bonjour joues rouges », les jeunes au travail, elle était seule, des cerisiers, le grand virage, tu y étais presque, descendre le petit chemin, la maison en contrebas, encore des cerisiers, la haie tout du long, des nids, un oiseau s’envolait, tu poussais la porte, ton cœur bondissait, l’odeur du chocolat mijoté sur le fourneau, un bon jour, dans un instant fendre sa peau épaisse et craquelée « tela », elle était là

dimanche 28 avril 2019

Bon appétit ! (5)

une escalope géante, elle couvre l'assiette, de l'ail frais du jardin, du persil frais du jardin, des petits pois frais du jardin, c'est fête ! "et tu manges tout, du veau qui vient d'être tué c'est pas souvent !" un peu plus tard C'était le petit de la Frisonne, un veau goxoa, doux, facile, Bernard l'aimait beaucoup, il m'a raconté, faut pas croire que ça nous fait rien, que quand il l'a accompagné à l'abattoir il l'a suivi des yeux et là, le veau l'a regardé, il aurait préféré ne pas se retourner

dimanche 21 avril 2019

famille (10) : sur la digue le long de la plage de Zurriola

matin de Semaine Sainte paisible (férié dès le jeudi), onze heures à peu près, du monde et chacun de déambuler, dans un sens puis l'autre, douceur de la brise marine, vert tendre de la montagne Ullié au fond, les vagues s'écrasent mollement sur le sable, respirer, comme un sentiment de plénitude, quelques pas devant devant un couple d'une soixantaine d'années, lui tient la poussette, les encadrent une jeune femme, sans doute leur fille et un grand gars en bras de chemise, tout pectoraux dehors, soudain, des cris, il vocifère "papa va a darte en el culo" on le suit des yeux, sur le côté un tout jeune enfant, presqu'un bébé, pas bien ferme sur ses jambes, c'est un géant qui se agrippe son épaule, fessée, il frappe fort, l'enfant hurle, "Tienes que quedarte al lado de papa, Tu dois rester à côté de papa"il l'arrache du sol, poussette, les dépasser, un vide s'est creusé autour d'eux, faire demi-tour en bout de promenade et ils sont à nouveau devant, la jeune femme se hisse vers lui pour un geste tendre, effleurer sa nuque, ébouriffer ses cheveux, il se dégage de sa main, soulève des épaules ombrageuses, elle baisse la tête, s'écarte, les dépasser encore, silencieux tous les quatre, dans la poussette, sucette au bec, visage pâlot, l'enfant ne sourit pas

dimanche 31 mars 2019

retour du soir



le vieux figuier, les vieux cerisiers, les vieilles brebis, elles traînent la patte, bientôt la fin

samedi 30 mars 2019

le magnolia


ombre noire à ses trousses
elle va le happer,
grandiose il se déploie,
son sceau sur le jour bleu
un arbre en majesté


lundi 11 mars 2019

conversation (7)

A la boulangerie. Elle vous tend le pain. Soudain, cela vous saute aux yeux. Un sosie de Claire Chazal, elle rit "Ah ! sûr, on me l'a dit et plus d'une fois mais si j'avais son QI je serais pas ici !"

lundi 4 mars 2019

Carte postale (3) de Gipuzkoa


https://youtu.be/-q5cU1chdno
cliquer sur l'image pour d'autres images et chant des oiseaux


février,
jours bleus,
épures d'arbres et prémisses du printemps,

marcher

le petit vignoble du txakoli,
des à pics vertigineux,
la mer en contrebas,
des animaux en liberté,

marcher

le chant des oiseaux,
un rouge-gorge,

marcher

un chemin qui se perd
le suivre

marcher

mercredi 20 février 2019

conversation (6)

Termibus de Bilbao, deux femmes assises, leurs courses sur les genoux, la première "Ils sont bien tes petits piments" puis se penchant, voir ça de plus près, une moue, c'est le rejet "ah ! mais ils viennent du Maroc !" l'autre vertement « et nous, tu crois qu’on vient d’où ? »

mercredi 6 février 2019

un dimanche (31) à la ferme


"cette nuit, je me suis réveillée à quatre heures avec arrengura (inquiétude), j'avais vu qu'elle était sur le point de faire, je suis descendue à l'étable et ça n'a pas loupé, j'ai réveillé Bernard, on l'a un peu aidée, ça a été vite mais ça m'a coupé le sommeil..."

https://youtu.be/iDSKxy80Wkk

cliquer sur l'image, 22 secondes à l'étable

vendredi 1 février 2019

famille (9)


la crête en alerte,
elle veille sur les siens,
une mère poule

vendredi 18 janvier 2019

lumière d'hiver


il a gelé dur
elles vibrent et rayonnent
quatre plumes blanches

lundi 7 janvier 2019

7 janvier 1953 : Composition française "Pour distraire une de vos petites amies malade et recluse..."

A peine vingt ans. Jolie. Pimpante. Elle enfourchait sa mobylette dans le train à Pau, descendait à Peyrehorade et en route pour la petite école à classe unique du pays perdu. Ses jolies mains, ses ongles peints, ses jupes courtes serrées, serrées au-dessus du genou, ses petites bottes blanches à mi-mollets. La maîtresse. Et avec elle, l'idée de ce qu'on était ailleurs. A la ville. Une admiration inconditionnelle. Un amour aveugle. L'enfance. 
La voilà face à vous au café. Sortie de son grand sac, une copie double qu'elle défroisse avec soin. Un trésor, c'est sûr "Attends, je vais te la tenir." Photo. "Toi aussi, tu trouves ça sans intérêt ?" elle désigne un passage du doigt. Lire "C'est un petit sapin qui était très heureux dans la forêt et que papa a dû couper pour faire la joie de mes frères et sœurs qui le soir du réveillon sont émerveillés de le voir si illuminés". Lever les yeux. Elle bravement "Moi je trouve ça plutôt joli" quelque chose vacille pourtant dans sa voix. Une blessure et soixante-cinq ans plus tard, temps de la contre expertise. Sourire largement "Mais oui, moi aussi je trouve ça joli, et j'imagine bien la petite fille que vous avez été" et songer, vous-même combien de ces traces rouges dans les marges ? Ne pas s'attarder. Mots d'un instant. Grandir avec, autour, malgré. Grandir.


mardi 1 janvier 2019

1er janvier 2019 promenade de la Barre - Anglet : lectrice


elle a encore sa jupe du réveillon,
une jupe comme en aiment les petites filles,
une jupe légère qui brille et qui tourne,
elle s'est rencognée dans sa grosse parka,
a résolument sorti ses mains du creux douillet des poches,
oublié le grondement de l'océan
oubliée la bise mordante venue du large,
oubliés les cris des mouettes,
oubliés les appels pressants de son frère à quelques pas,
oubliée la balançoire,
dans ses mains nues un sésame,
ouvert un monde autre,
elle tient un livre