Rechercher dans ce blog

lundi 30 mars 2020

Conversation (11)



- Tu sais la vache que tu avais vu le bouton et que tu croyais qu'elle allait vêler, eh ! bien, ça y est j'ai attendu à l'étable avec Bernard. On était pas tranquilles. Y a huit jours, y en a une elle a mis la matrice dehors. Oui, c'est grave, elle peut mourir. On a appelé le véto. Elle a été vite là. Elle lui a remis, elle a recousu, ça elle a pas perdu de temps ! On n'a pas reçu la facture mais, tu parles, un dimanche, avant qu'il nous rapporte celui-là. Bref ! j'ai aidé Bernard à tirer le veau, il est venu bien. Un beau mâle !
- Mais t'avais pas dit qu'elle était à terme la dernière fois ?
Mine de rien deux semaines ont filé.
- Oh ! mais c'est comme ça avec les Blondes, y en a même qui gardent jusqu'à un mois. Tu entends là ?
Bêlements.
- Je suis un peu sortie sur le dehors de la maison. Elles ont reconnu ma voix. Qu'est-ce tu crois ? Elles savent que je vais leur donner à manger. Allez j'y vais. Peut-être à ce soir.

dimanche 29 mars 2020

"ce besoin que le malade a de voir intervenir un peu de magie"

remonté du 16 juillet 2016

  2016   "Et on a de tels médecins dans notre hôpital à Fukushima",  Fukushima, ce nom, 30 000 morts, 50 000 morts, combien au juste, des villages entiers balayés avec leurs registres d'état-civil, cinq ans plus tard, sidération toujours aussi vive dans la mémoire

2020 Fukushima indélébile dans la mémoire, nouvelle sidération pour d'autres échos


  
Le vide et le plein
Carnets du Japon 1964-1970

     Je suis sensible aussi à certains aspects de la médecine traditionnelle chinoise qui a fait souche au Japon. Dans le manège des masseurs, dans l'attirail des poseurs de moxa, il y a quelque chose qui satisfait ce besoin que le malade a de voir intervenir un peu de magie (une maladie qu'on attaque sans magie aucune, sans ruses ni vitesse, reste sur ses positions). Également l'idée que si l'on parvient à duper la maladie— certains exorcismes visent à duper les démons — on guérira. (...)



En sifflottant Shusaku Endo
traduit de l'anglais par Anne Guglielmetti


     "Prends par exemple le cas d'une femme âgée qui a la tuberculose et se fait soigner dans un hôpital de préfecture.  Eh bien, le traitement qu'elle recevra sera impeccable et pourtant sa guérison sera plus lente. Et tout ça parce que ces vieilles femmes sont si bouleversées de se retrouver dans un énorme et impressionnant bâtiment hospitalier où tout est aseptisé que ça les épuise littéralement. Du coup, quand tu les renvoies dans leur campagne, leur état s'améliore considérablement!
     - Bien possible, acquiesçait Eiichi en étouffant un bâillement. (...)
     - Mais j't'assure ! répliquait l'autre, voilà pourquoi il m'a toujours semblé que la médecine n'était pas seulement une affaire de pharmacie et d'habileté technique. Le cœur y a sa part, aussi ! Dernièrement, j'ai conclu qu'un bon médecin était un type qui parvenait à aider un malade pour lequel il n'y avait plus d'espoir à mourir sans désespoir. Et on a de tels médecins dans notre hôpital à Fukushima. Bien sûr, pas un seul de ces gros bonnets des cercles scientifiques n'entend parler d'eux mais ils méritent tout mon respect pour la manière dont ils s'occupent de leurs malades ! (...)"

samedi 28 mars 2020

petites choses qui (12) réjouissent le coeur

19 mars, boulevard des Pyrénées








ce n'est pas notre premier printemps, nous avons été des chanceux, mais s'est-on déjà autant émerveillé, un regard aux glycines, s'arrêter et s'étonner, des cris fusent dans la ville silencieuse, un pétage de plombs ? non, pas déjà, coup d’œil furtif par la grille, ils sont trois dans le petit jardin fermé de l'immeuble, trois jeunes gens, treize, quatorze ans à tout casser, une fille au moins, ils sont bien à plus d'un mètre les uns des autres, c'est elle qui donne les ordres, "Bras tendus, flexion... non sur les talons, j'ai dit" on la sent dure, exigeante, nous n'oserions pas, ils ne mouftent pas, s'appliquent, se concentrent, s'éloigner, une expérience, une autre vie commence, leur faire confiance

vendredi 27 mars 2020

Petites choses qui (11) réjouissent le coeur



Pas encore trente ans, ils s'aiment, la vie leur sourit, . Vous les avez croisés parfois chez leurs grands-parents. N'oublier personne ! et vous recevez une invitation à leur mariage. Décliner gentiment. Une belle enveloppe, à l'intérieur une carte postale du lac du Montagnon d'Iseye, il a une étonnante forme de cœur, quelques mots pour les engager à venir là à l'automne, mais, au moment de l'adresse, du flou, la maison de Molière, le 1, vous croyez vous souvenir, mais tant pis  vous risquez un 1 rue de l'Ancienne Comédie et ça part. Ce jour, par acquis de conscience, coup d’œil à votre boîte aux lettres, elle est plus vide que jamais, incroyable ! elle est là qui vous attend. Combien de mains attentives pour qu'elle vous revienne ? Deux, trois mois à tourner, apposée une belle parenthèse manuscrite, l'écriture est élégante, presque surannée Ne concerne pas à la Comédie Française SVP, la Poste, que sont nos armées de facteurs devenues, fonctionne encore

jeudi 26 mars 2020

à la dérobée,




comme par effraction, 
un printemps tellement désirable,



une ombre dans l'entrée,
comme un air de petite galette bretonne pour le thé, 
la prendre en photo ? la voix intérieure, ça fait peut-être "zozo"(prononcer sosso -bête)  ?
 le faire quand même, plaisirs minuscules, dont on se dit que peut-être des "quelqu'un" inconnus les partageront,



 

les frêles... tilleuls ? on vérifiera en juin à l'heure où ils embaument, à l'heure aussi où on reprendra en chœur Le temps des cerises,  juin, "la folie en tête" et des ventrées à s'en faire éclater la panse,  c'est le lycée Barthou, ses grilles, le chemin familier vers le travail au bout



du boulevard Barbanègre, le vieux marronnier campé sur le pavé, on n'a pas eu sa peau, défroisse lui aussi ses petites feuilles,





et là un soir, le parc Beaumont, pas de courses, les magasins ferment à 18 heures, chou blanc donc, joie de simplement marcher dans la ville déserte, Toutes directions dit le panneau, rentrer chez soi, un toit,  une bise vivifiante, songer, des images affluent, il y a quatre semaines, trois jours à Paris, traverser l'expo Boltanski, vous aviez hésité, cette épidémie tout ça, au fond vous saviez déjà, au rez-de-chaussée, le festival Effractions au centre Georges Pompidou, Antoinette Rychner "Nous ne croyons pas ce que nous savons", des mots qui résonnent étrangement, elle cite Davide Longo, pour L'homme Vertical, Virginie Despentes, vous passerez chez Tonnet, on dit comme ça à Pau, le nom de la vieille librairie de la ville, écouter aussi Marie Cosnay, Laurent Binet, leurs mots, leur présence... une semaine plus tard, vous récidivez, Bilbao,  au Beaux-Arts pas  [De] satire jouant de la flûte, tant pis, au Gugghenheim se perdre dans l'immense Bakarrik haizearekin, denborarekin eta soinuarekin/Seulement avec le temps, le vent et le son  d'Anselm Kiefer, une nuit en auberge de jeunesse, seule dans un dortoir de six, du jamais vu, sentiment qu'un étau se resserre, mais il faut croire que décidément, non "Nous ne croyons pas ce que nous savons" à la table du petit déjeuner, une femme, la petite soixantaine, tout son visage chantait victoire, car oui, elle l'avait fait ! "Un A/R La Coruna pour 28 euro, incroyable, pas vrai ? j'ai posé un jour, il faut passer trois jours pour bénéficier du tarif, et hop ! je l'ai dit à personne, enfin si à mes enfants mais j' ai dit que j'étais avec une amie, je ne veux pas qu'ils s'inquiètent", retenir ce visage ébloui, il pleuvait des cordes dehors, l'avoir suivie en pensée, au fond, ici ou là, ce qui marque et reste, y a que ça mais tout ça, rarement ce qu'on croyait chercher mais des mots, des visages, des voix, du fugace, du volatile, la fragrance qui imprègnerait notre mémoire

lundi 23 mars 2020

marché (11), premier confinement (17 mars 2020- ...)




samedi, plus d'une semaine déjà, c'était dans le temps d'avant, des renoncules éclatantes au marché, les emporter sous le bras presque comme une voleuse, les déposer sur le rebord de la fenêtre, on croyait savoir, on le pressentait, des jours difficiles se profilaient, elles seraient là, premier regard du matin au moment du thé tartines, des signaux au rouge mais la peur diffuse, c'était maintenant,




puis hier, ou était-ce avant-hier, ou encore avant, les jours se fondent déjà, une renoncule a ployé son cou, penser merci, un présent, la cueillir et la joindre au mimosa et jonquilles glanés dans le temps d'avant, celui des balades au parc Beaumont, le long du gave, au parc du château, juste un micro îlot de beauté, cadré serré serré, autour faudra voir à faire le ménage, ranger, faire disparaître, étendre le champ du serein, respirer, durer

dimanche 22 mars 2020

conversation (10)

février 20020

voix joyeuse, l'adversité elle sait l'affronter et en avant pour son côté vaillant petit capitaine. Debout sur le pont, la voilà qui se démultiplie, à l'instant au téléphone :

- Tiens, y a le dernier agneau qui est né tout à l'heure !
- T'es sûre ? si ça se trouve t'as un bélier qu'a fraudé et t'auras un kuku bildotxa*
- Bah, mais non ! elle rit, reprend sa respiration et sa réponse fuse, qu'est-ce tu crois, qu'on est au pays de la Vierge Marie ou quoi !


mercredi 18 mars 2020

hâtons-nous lentement,



la ville est déserte
le vieux marronnier promet
ce n’est pas l’été 

                                                                                     pas déjà
                                                                                mais ça viendra

jeudi 12 mars 2020

petites choses qui réjouissent le coeur (10) : un samedi à Bilbao

il pleut, un de ces crachins, un rien poisseux, qui s'accrochent et vous pénètrent jusqu'à l'âme, les pavés sont  luisants, la ville grise, vous resserrez le col de votre manteau,  léger et aérien, il marche devant vous, non, il ne marche pas, il danse plutôt, son parapluie de berger, tour à tour, moulinet, cane, un accessoire, à droite, à gauche, et c'est un écart, de petits pas chassés,  puis sans préavis, il se plie à angle droit et balaie le sol de ce front, ceux qui le croise l'effleurent d'un regard distrait puis passent leur chemin,  arriver à sa hauteur au clouté, contre sa poitrine, lovée dans un grand foulard, un bébé, une adorable frimousse brune bouclée, elle rit aux éclats, tout ça, ce spectacle, c'est pour elle

lundi 2 mars 2020

shopping

 reprise de septembre 2011

des années au linge, à s'occuper des enfants, des bêtes, à se courber sur le jardin, pourtant une élégance altière et à 60 ans avec l'avènement de la retraite, les premiers sous à soi, goûter à une indépendance neuve, plaisir du coiffeur, adieu aux coupes hasardeuses du mari, plaisir de s'habiller un peu, sorties à Bayonne avec les filles, elle se redressait, poussait la porte de la boutique et avançait d'un pas sûr, regarder sa main usée parmi les portants, main amoureuse qui se glissait, caressait, palpait les étoffes, la convoitise dans son regard, puis avec l'étiquette, une sorte de glas, cher, trop cher, toujours trop cher et même invariablement le plus cher du lieu, soupir, petit sourire en coin, elle concluait  "On aurait pourtant eu du goût nous aussi..." et ressortait tête haute, les mains vides