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jeudi 28 avril 2016

dimanche 24 avril 2016

parade amoureuse

se humer,
et pour un temps s'éloigner,

pour d'autres, se tenir aux aguets mais à l'écart,
ou poursuivre un somme indifférent



(...) Quand j'avais une jument en chaleur, dans le début de mars généralement, oui, elles portent onze mois plus ou moins cinq jours en principe, puisqu'elles ont leur poulain en avril si possible, enfin... au mois de mai il y en a encore à pouliner. Alors j'allais chez l'étalonnier, le gars Pichot du Breil, et tant qu'à faire puisque j'en menais une, je faisais essayer les deux autres, des fois qu'elles soient en chaleur et que je ne l'aie pas vu, hein, quand ça commence juste. Normalement elles sont à mener huit jours après pouliner, ou bien encore huit jours après. C'est à surveiller parce que si on rate le moment, eh bien, on n'a pas de poulain !

Là, il fallait les attacher à la queue l'une de l'autre, les accouer, comme on disait. On avait intérêt à savoir faire un nœud avec le lien en prenant une poignée de crins dedans pour que ça ne glisse pas. Aujourd'hui, on pourrait bien demander à un jeune s'il sait accouer les juments, il ne comprendrait même pas de quoi on parle, forcément puisqu'on n'a plus de juments! Pour les jeunes, il n'y a que la mécanique, pari.

Bon, mes juments accouées, je montais sur le rouleau au bout du tas de bois pour me mettre à cheval, donc sur la première, et puis en avant. Seulement pas une couverture sur le dos de la jument, pour si peu, de là au Bissac je n'avais pas loin, à l'arrivée d'un kilomètre peut-être bien.

 (...)

Les bonshommes faisaient comme moi, ils menaient toute leur cavalerie. J'en ai vu, des jeunes commis comme un Galodé, il travaillait chez Couasnon à Maineuf, c'est de Juvigné mais il venait jusque-là, lui, il montait le chemin du Pareil à toute allure avec trois ou quatre juments, pour faire le malin parce qu'on se retournait quand il arrivait dans la cour, ça n'était sûrement pas une bonne préparation pour les juments, mais enfin... Celui-là, le Galodé, son prénom je ne sais plus, il était toujours à tirer des blagues, il ne cherchait qu'à faire rigoler le monde.

Ma mère, elle, m'envoyait chez Feneux, comme mon père allait. Ce bonhomme-là n'en avait que trois, des étalons, mais surtout il était ours, pas aimable du tout, moi j'étais jeune ça me fâchait. Alors je fus voir les étalons chez Pichot, rien que des beaux percherons, d'abord tous les ans il avait des prix au concours à Laval [25 km] où il les menait à pied en marchant sur la berme. Le Feneux, je crois bien qu'il n'en a jamais eu un de primé, si ça se trouve il n'allait même pas au concours.

Avec les autres bonshommes qui étaient là, qui avaient rattaché leurs juments, il nous a fait entrer boire un coup d'ici que d'autres clients arrivent et encore il ne se pressait pas, le gars qui arrivait, eh bien, comme on a toujours fait, il attachait sa jument et il attendait, debout dans la cour, que ça sorte par la porte vitrée.

Enfin, j'ai été reçu comme si j'étais déjà client, j'ai dit à ma mère: « On aura des plus beaux poulains si je mène les juments chez Pichot. » Et jusqu'à la fin c'est chez lui que je suis allé, sauf que la dernière jument, Quadrille, celle que j'avais réussi à garder, comme elle se trouvait âgée je ne la menais plus.

Oh, bien des fois il y avait de l'attente, alors on discutait, tous les bonshommes debout sur la terre de la cour, les casquettes et les bérets, les gros avec des bretelles et les maigres comme moi avec une ceinture, j'en faisais le conte à Suzanne le soir, ça lui plaisait, ou ce qui s'était dit sur les conneries arrivées chez untel ou untel, toujours un qui n'était pas là et encore ça ne se disait que entre les dents, en regardant par terre.

Bon, la jument, avant que l'étalon s'approche, il la faut enheudée, les étalonniers ont des sangles en cuir pour ça, un nœud coulant serré sur chaque patte de derrière, juste au-dessus du sabot, et les deux sangles croisées s'attachent à des boucles sur le poitrail de la jument, en bas d'une sorte de tablier si on veut, qu'on lui passe au cou.

Il n'y en a pas pour longtemps à mettre les heudes* en place, c'est pour éviter qu'en giguant* elle casse une patte à l'étalon. Elle essaye de lever le cul bien sûr, elle fait claquer les sangles, peut même y en avoir une qui écourte ou enfin qui se découd parce qu'elles sont en plusieurs couches de cuir cousues, c'était le père Bonnin, le bourrelier, qui lui faisait les sangles, au Pichot, et qui les réparait.

En général, l'étalonnier fait sortir d'abord l'essayeur, un étalon qui n'a pas eu de prix ou alors Alors l'étalon se présente derrière la jument, il la renifle et elle le sent bien, le bonhomme la tient mais des fois elle commence déjà à se tourner, lui, il la bouscule un peu de la tête et puis il s'enlève pour crucher, ou il essaye, et c'est là qu'on voit: si la jument n'arrête pas de giguer et de hennir, c'est que ce n'est pas son jour. On lui enlève les heudes et on la rattache à la trique.

Si, au contraire, elle dure, comme on dit, qu'elle ne bouge pas, ou guère, alors le Pichot va chercher un étalon pour saillir, si possible celui qu'on a demandé. Jovien ou Gluck, je me souviens de ces noms-là, après il y avait eu Savoisien et Triomphe. Lui, l'étalon, quand il sort de l'écurie, il sait pourquoi, on dirait qu'il est fier, c'est vrai qu'ils étaient beaux, aussi bien les gris comme le noir, il y avait toujours un noir, l'étalonnier le retient parce qu'il sort trop vite, il saque* sur la bride, on entend la gourmette du mors qui trincaille.

A peine arrivé à la jument il est, comment je dirais bien, déjà prêt, pari. Ça n'empêche que des fois il va rester un petit moment derrière elle à se demander si elle est en chaleur peut-être bien. Semble qu'il réfléchit et nous on attend. L'étalonnier lui fait signe par des petits coups sur la bride qu'il faut monter.

Et puis tout d'un coup il se dresse en hennissant et il retombe sur la jument. On la voit plier, elle, parce qu'ils sont lourds, ces machins-là, une tonne que disait le Pichot. Et lui, beau qu'il soit prêt, comme je disais, il ne trouve pas toujours à entrer, l'étalonnier tandis que d'une main il tient la bride, partie bien haut pour lui qui n'est pas grand, il se dépêche avec l'autre de couler l'étalon là où il faut.

Durant ce temps-là, le bonhomme tient sa jument par le bridon d'une main et de l'autre main la repousse à l'épaule pour ne pas qu'elle avance. Si ça ne s'arrangeait vraiment pas j'ai vu le Pichot se verser de l'huile à salade dans la main et la passer sur la verge, mais c'était rare. Bon, une fois en place, l'étalon prend son temps, le plus souvent il mord la crinière de la jument, ou il essaye, pour s'aider à tenir sur son dos.

Nous, les bonshommes, on ne dit rien mais on est à même de constater que la jument est saillie. Quand l'étalon se retire et tombe sur les quatre pattes, il se tourne déjà vers son écurie, pas besoin de lui dire, il retourne chez lui, ça ne l'intéresse plus.

Dans la journée, dès qu'il y a des juments qui arrivent, ils les voient, ceux dont la stalle est devant la porte de l'écurie, en tout cas ils les sentent, on les entend hennir, souvent même ils donnent des coups de pied dans leur porte. Là ils ont envie de sortir!

mercredi 20 avril 2016

espérance de vie



Pépette ! Accoudée à la barrière, elle contemple son troupeau. Un nouvel appel, bêlement en écho, Pépette se fraie un chemin parmi les brebis qui se pressent vers les mangeoires. Voix reconnue. Main tendue. Au creux, des grains de maïs. Friandise privilège. J'ai essayé de la donner, je ne me sentais pas le courage de la voir mourir. Ils l'auraient gâtée pourtant mais ici elle a ses habitudes, sûr, ça l'aurait tuée. Alors je la garde. Combien ça vit ? je me souviens d'en avoir mené une jusqu'à 14 ans mais aujourd'hui avec l'insémination artificielle, les jumeaux, des fois des triplés ou même des quadruplés, le lait qu'on leur pompe, jusqu'à deux litres et pendant six mois de l'année, à sept, huit ans, elles sont plus bonnes à rien.

lundi 18 avril 2016

vendredi 15 avril 2016

Ronde (17) : fenêtre(s)

La ronde est un échange périodique de blog à blog sous forme de boucle, mis en ligne le 15 du mois. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième et ainsi de suite.
Sur le thème de Fenêtre (s),  j'ai le plaisir aujourd'hui d'accueillir   
Guy d' Emaux et gemmes des mots 
 tandis que je me décale vers 
 Céline de Mes esquisses







 La ronde autour du mot fenêtre(s) tourne dans ce sens :

mercredi 13 avril 2016

petite soif

s'écarter pour boire un coup
et reprendre la route

mercredi 6 avril 2016

naissance

 
un peu de sel sur le dos, comme ça, je suis sûre qu'elle va l'aimer

 

L'homme des haies de Jean-Loup Trassard

 Heureusement, d'ordinaire les vaches n'ont pas de problème pour vêler, même une génisse son premier veau, il suffit de tirer à deux sur les cordes à vêler qu'on attache aux pattes de devant, si elles ne dépassent pas on va les chercher et une fois la tête sortie ça vient tout seul.
 

Le veau sur la paille, on lui met bien vite du Respiro dans le nez pour l'aider à se débarrasser et du désinfectant sur le nombril et puis une poignée de sel sur le dos —ah oui, ça le baptise!—  pour que sa mère le lèche et on le traîne jusqu'à elle parce que, si elle a vêlé debout, elle se tourne, elle veut le voir, si elle est couchée, on la fait lever Et on lui apporte une chaudronnée d'eau chaude avec un peu de farine, il y en a qui mettent plutôt un verre de goutte dans l'eau, on dit que ça les aide à se délivrer.


dimanche 3 avril 2016

"Vous allez être abattus, vous y êtes, voyez plutôt l'abattoir..." (2)

Berlin Alexanderplatz Histoire de Franz Biberkopf


Alfred Döblin

Première parution en 1933
Trad. de l'allemand par Olivier Le Lay

 CAR IL EN VA DE L'HOMME COMME DU BÉTAIL ; COMME CELUI-CI MEURT, IL MEURT LUI AUSSI (p 142 et suiv)

 
Mouvements sur le marché aux bestiaux: 1 399 bœufs, 2 700 veaux, 4 654 moutons, 18 864 cochons. Tendances: bœufs de bonne qualité satisfaisant, sinon calme. Veaux satisfaisant, moutons calme, cochons: stable au début, puis plus faible, faible demande sur les cochons gras.

Sur les routes du bétail le vent souffle, il pleut. Des bœufs meuglent, des hommes mènent un grand troupeau cornu et beuglant. Les bêtes regimbent, elles s'arrêtent, elles courent dans la mauvaise direction, les bouviers courent autour d'elles avec des  bâtons. Un taureau saillit une vache au milieu de la mêlée, la vache s'échappe à droite et à gauche, le taureau est après elle, il ne cesse de grimper sur elle de toute sa puissance.

Un grand taureau blanc est mené dans la tuerie. Ici pas vapeur, pas d'enceinte comme pour les petits cochons grouillants. C'est seule que pénètre la bête grande et forte, le taureau, entre ses bouviers par la grande porte. Ouverte devant elle la tuerie sanglante avec les moitiés, les quarts de bêtes appendus, les os débités. Le grand taureau a un large front. On le mène avec des coups et des bâtons devant le boucher. Il lui administre, pour qu'il se tienne tranquille, encore un dernier coup avec le plat de la hache contre une des pattes arrière. Maintenant l'un des bouviers par dessous lui roule un bras autour du cou. La bête ne bouge pas, cède, cède avec une facilité singulière, comme si elle était d'accord et donnait désormais son assentiment, après qu'elle a tout vu et sait : tel est son destin, et elle ne peut rien y faire. Peut-être aussi qu'elle tient  mouvement du bouvier pour une cajolerie, car il a l'air si amical. Elle suit les bras du bouvier qui tirent, courbe la tête sur le côté, la gueule vers le haut.

Mais il est déjà derrière elle, l'assommeur, avec son merlin levé. Ne te retourne pas. Le merlin, soulevé des deux poings par l'homme puissant, est derrière elle, au-dessus d'elle et puis: boum ça tombe. Toute la force musculaire d'un homme puissant comme  un coin de fer dans la nuque. Et à cet instant, le merlin n'est pas relevé, les quatre pattes de la bête se soulèvent brusquement, le corps lourd tout entier paraît s'envoler. Et alors, comme si elle était sans pattes, la bête, le corps lourd, s'effondre lourdement : s'affaisse sur ses pattes rigides et crispées, reste un moment ainsi puis bascule sur le côté. De droite et de gauche le bourreau l'entoure, sa miséricorde lui assène de nouvelles charges anesthésiques contre la tête, contre les tempes, dors, tu ne te réveilleras plus. Puis l'autre à côté de lui ôte le cigare de sa bouche, se mouche, affile son couteau, il est long comme la moitié d'une épée, et s'agenouille derrière la tête de la bête dont les pattes déjà ne se contractent plus. Elle donne des petits coups convulsifs, agite l'arrière-train. Le boucher cherche sur le sol, il ne pose pas le couteau, il demande la cuvette pour le sang. Le sang circule encore en dedans tranquillement, peu ébranlé par les secousses d'un cœur puissant. La moelle épinière est certes écrasée mais le sang coule encore tranquille dans les veines, les poumons respirent, les tripes remuent. Maintenant on va poser le couteau et le sang va se précipiter au-dehors, je me ne représente déjà la chose, gros jet épais comme le bras, sang noir, beau, allègre. Puis allégresse et jubilation quitteront la maison, les invités de la fête s'en vont en dansant, un tumulte, et fini les joyeux pâturages, l'étable chaude, le fourrage parfumé, tout fini, en trou vide, ténèbres, maintenant une autre image du monde arrive. Oh là, soudain un monsieur est apparu qui a acheté la maison, il perce une rue, meilleure conjoncture, il fera démolir. On apporte la grande cuvette, la pousse tout au bord, la bête puissant jette les pattes arrière en l'air. Le couteau lui rentre dans le cou près de la gorge, visiter les veines avec circonspection, ces veines-là ont des téguments forts, elles sont bien protégées. Et en voici une d'ouverte, une autre, le flot, noirceur très chaude, fumante, le sang jaillit rouge-noir sur le couteau, sur le bras du boucher, le sang en liesse, le sang très chaud, les invités arrivent, voici la transsubstantiation, ton sang est venu du soleil, le soleil s'est dissimulé dans ton corps et maintenant il en ressort. La bête respire énormément, c'est comme une suffocation, une irritation énorme, elle râle, agonise. Oui, la charpente s'effondre. Comme les flancs se soulèvent si atrocement, un homme vient en aide à la bête. Quand une pierre veut tomber, donne-lui un coup. Un homme bondit sur la bête, sur le corps, des deux jambes, debout dessus, fait ressort, appuie sur les entrailles, monte et descend, le sang doit sortir plus vite, sortir tout à fait. Et le râle s'amplifie, c'est un halètement très prolongé, la bête anhèle, légers coups défensifs des pattes arrière. Les pattes s'agitent doucement. La vie sort désormais dans un râle, le souffle faiblit. L'arrière-train pivote lourdement, bascule. C'est la terre, la pesanteur. L'homme en haut remonte. L'autre en bas écorche déjà la peau du cou.

Pâturages joyeux, étable chaude, feutrée.

La boucherie bien éclairée. L'éclairage du magasin et celui de la vitrine doivent être harmonisés. Il ne saurait être question ici que de lumière principalement directe ou à demi indirecte. De façon générale les luminaires sont préférables pour une lumière principalement directe, car ce sont avant tout le comptoir et le billot qui doivent être bien éclairés. La lumière du jour artificielle produite par l'utilisation de filtres bleus, ne saurait être prise en compte dans le cas précis des boucheries, puisque aussi bien les marchandises de boucherie réclament continûment un éclairage qui ne dénature en rien la couleur de la viande.

Pieds farcis. Après que les pieds ont été soigneusement nettoyés, on les fend dans le sens de la longueur, de sorte que la couenne tienne encore ensemble, puis on les referme et on ficèle le tout.