Lu
Les années d'Annie Ernaux
Vu
Quai des orfèvres d'Henri-Georges Clouzot
Zumaia, plage d'Itzurun, 19 déc, 5 h |
le vent se fait mordant, un pêcheur s'arcboute à sa canne, du sable projeté au visage par poignées, il pense prendre quoi là, cette obstination
Zumaia, plage d'Itzurun, 19 déc, 5 h. |
un léger toc toc à la porte, la voisine de palier, sourire aux lèvres, des mines de conspirateur, le mari se tient dans l’embrasure de leur appartement, le paquet enrubanné qu'elle cachait dans son dos passe dans mes mains, aller lentement, défaire les agrafes, deviner un objet, faudra-t-il se composer un visage reconnaissant, Mais, vas-y, tu peux déchirer, elle s'impatiente, un couple de colibris sculptés jaillit, ma joie éclate, je les gardais depuis mon retour du pays, fin octobre donc, quand elle a visité sa famille en Côte d'Ivoire, nous tombons dans les bras l'une de l'autre
Dans la rue à sens unique, remonter les voitures arrêtées au feu rouge. A plusieurs reprises, la voix stridente d'une jeune fille se fraie un chemin dans le brouhaha. Madame L... Madame L... se pourrait-il que votre nom résonne ? Regarder de tous côtés, une erreur sans doute. Quelques pas plus loin, côté chauffeur, une fenêtre baissée, regard rieur de la mère sur l'air de vous la connaissez comme moi, La jeune fille Ah ! je suis trop trop contente de vous voir, vous allez bien ? Toulouse c'est génial, je suis trop trop contente d'étudier là-bas. Le feu passe au vert, un grand espace se creuse devant, démarrer avant les premiers coups de klaxon.
Getaria, vignoble du txakoli |
Zarautz, Getaria, Zumaia, le vent mugit sur les hauteurs,s'engouffre sous les arbres,
Getaria, 19 déc 2022 |
personne sur le chemin, presser le pas,
Zumaia, plage de Itzurun |
à l'arrivée, le ciel se déchire, courir, elle va s’échapper, cette lumière-là,
"le temps, ce grand sculpteur" écrivait Marguerite Yourcenar
sur un présentoir banc des kilomètres d'Annie Ernaux, se pencher, prendre, feuilleter, reposer, prendre encore, derrière, au-dessus de vous la voix fraîche d'une jeune fille, D'elle j'ai juste lu La Place, prends Les années. Tu veux bien me lire la quatrième de couverture ? Il s'exécute, lit avec lenteur, concentré sur la ponctuation. "La photo en noir et blanc d'une petite fille en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues bien droites devant elle, les bras...". Se retourner. Un beau visage carré tendu vers lui, de grands cheveux bruns. D'épaisses lunettes noires aussi.
Belle, élégante, elle vous fait une place puis sur l'air de Ne vous fiez pas aux apparences "Mon père est indien" un peu plus tard "Chez nous..." et en réponse à votre sourcil interrogateur "Quand je dis chez nous, je veux parler de la Côte d'Ivoire, j'ai été élevée là-bas, chez nous donc, c'est pas comme ici, on va à la messe tous les dimanches pas seulement pour les fêtes comme Noël ou Pâques, et à la quête on se débarrasse pas de ses pièces; des un ou deux euro, tout le monde donne des billets elle enchaîne vous connaissez Lourdes ? eh ! bien à Lourdes, quand y a messe à la grotte, des personnes continuent de longer les parois, d'autres font des photos, comment voulez-vous vous concentrer, et d'un ton péremptoire et définitif, elle tient sa conclusion plus personne a la foi c'est pour ça qu'y a plus de miracle à Lourdes
Lu
A la ligne Feuillets d'usine de Joseph Ponthus
Chantiers de Marie-Hélène Lafon
Vu
Dans la mesure de l'impossible de Tiago Rodrigues
Eta orai zer de la Compagnie Kukai Dantza
une jolie devanture, quelqu'un furète déjà parmi les rayons, pousser la porte, un tintement, le libraire tapi derrière un minuscule comptoir tend la tête vers vous, des questions du client, il quitte son refuge, encaisse, un bonnet, des gants, des mitaines, une doudoune, à vous "On n'a pas les moyens de chauffer, alors et désignant du geste ses vêtements j'ai beau être habillé deux couches, je continue à avoir froid"
bonheur de se laisser porter, pas besoin de réfléchir au sens de circulation, aux travaux dans la ville, regarder autour de soi, des jeunes gens, tiens ! les sourcils se font très dessinés, des mamans, des vieilles personnes, des sac à dos, des caddies, des poussettes, des cannes, des déambulateurs, se faire une place, céder une place, se sourire, un brouhaha de voix de langues, quelqu'un lit, regarder par les fenêtres, avenue de la Résistance Jean Mermoz, façades des maisons anglaises, jardins d'hiver, cèdres, surplomber grilles des parcs et jardins, grand bleu, ces derniers jours un coup de vent, une pluie drue, arbres partout dénudés, Parc Lawrance, le ménage n'a pas encore été fait, bonheur encore, en rond tapis de feuilles luisantes et colorées, ailleurs des hommes munis de gros aspirateurs, c'est un voyage, il prend fin, descendre
La vendeuse Tout augmente, affolant , avec mon petit SMIC et mes 460 euro de loyer, heureusement que je peux manger un peu ici, en novembre, on a reçu une prime de l'état et comme je suis célibataire sans enfants pour moi c'était 28 euro, vous vous rendez compte, 28 euro ! c'est se moquer du monde, je me suis sentie humiliée, et si j'avais pu la rendre, cette prime, sûr, je l'aurais fait, à vous dégoûter de travailler, au client suivant, sourire, et pour vous ce sera ?
Lu
Des jours sauvages de Xabi Molia
Hélian et autres poèmes de Georg Trakl
Les cours en visio me donnent envie de mourir de Marion Honnoré
il déverse un tombereau de colis, elle virevolte parmi les colis en maugréant, Non mais c'est pas croyable, y a des gens mais c'est deux fois par semaine qu'ils viennent, et les questions au téléphone C'est volumineux, c'est lourd parce que vous comprenez je veux savoir si je prends la voiture, tout ça alors qu'ils habitent à deux rues, des croquettes pour chien ou chat, du maquillage bio, des produits diététiques, qu'est-ce que j'en sais, se tournant vers lui, Combien t'as dit qu'y en avait, dix-sept ? elle consulte sa feuille, oui, c'est ça, bip, bip, scanner le code barre, zut et le dix-septième ? tu le vois ? il est où le dix-septième ? ah ! là, il est tombé derrière la chaise, bip, c'est fini, griffonner une signature, le bon de livraison est prêt, le livreur s'attarde, sort son portable Ben oui, il a cinq minutes d'avance, pour que je sois payée, il faut qu'il parte pile à l'heure.
être invitée aux quarante ans d'un élève, strate école primaire, il ne manque de rien, va pour un cadeau gourmand, pourquoi pas une tomme de brebis Ossau Iraty du petit petit cousin, J -3 apprendre qu'il ne mange JAMAIS de fromage. Vite, un plan B !
9 novembre 2022, brebis manech |
une jolie toison neigeuse et tendre, un agneau né du jour encore frêle sur ses pattes, 2012/2022 à dix ans d'écart, la question boomerang.
Des années ont passé. Revoir une amie malade. Toquer à sa porte. Elle ouvre, pliée sur des béquilles, maigreur d'un visage devenu osseux, flottement, suspens, votre visage dit l'incertitude, se reprendre Ce ne peut être qu'elle, bredouiller piteusement Ben, on a changé, pas vrai ? et retrouver instantanément la grâce de son sourire, la chaleur de sa voix, goûter aussi à la précision de sa parole. Un chat se glisse paresseusement dans nos jambes. Une fin d'après-midi avant le passage de l'infirmière.
Pau, 25 novembre 2022 |
une éclaircie, prendre son petit seau, ciel et végétation lavés de frais, les couleurs s'exaltent, l'automne quand même, le composteur est derrière le buisson, se signaler par un piétinement, donner le temps de fuir au rat croisé parfois, soulever le couvercle, plus compliqué de le rabattre, ce sera comment dans quelques années et s'en revenir
Lu
Parias de Beyrouk
C'est vous l'écrivain Jean-Philippe Toussaint
Lettres d'amour sans le dire d'Amanda Sthers
Vu
cinéma
Le Chien de François Chalais, séance animée par Laurent Galinon, auteur de Delon en clair obscur
théâtre
Vous avez peut-être déjà croisé le travail du chorégraphe et metteur
en scène Michel Schweizer, invité aucours des saisons passées par la
scène Espaces Pluriels au Théâtre Saragosse ou au Parvis pour ses pièces Cheptel, Cartel, Primitifs, BôPEUPL et les projets participatifs Keep Calm et Faire Monde.
Il
sera présent en compagnie du danseur et chorégraphe Mathieu
Desseigne-Ravel et d'un jeune interprète sur le plateau du Théâtre
Saragosse le jeudi 1er décembre pour vous présenter une étape de travail
de leur création en cours Nice Trip. Nous serions très heureux de vous retrouver à cette occasion !
En juillet 2017, était présentée la pièce Bâtards dans le cadre des Sujets à Vif du Festival d'Avignon. Avec Nice Trip, nous souhaitons, Mathieu Desseigne-Ravel et moi-même, prolonger cette collaboration en développant cette proposition pour en faire un format d'une heure environ. Aujourd'hui, plus de 40000 kilomètres de murs frontières contrarient les mobilités humaines d'enfants, de femmes et d'hommes désireux de sauver leur vie, et il apparaît plus facile d'agir sur la circulation des personnes que sur celle des capitaux… Au regard d'une actualité toujours vive et soutenue sur ce sujet éminemment politique, nous imaginons cette suite en intégrant la présence d'un adolescent.
Michel Schweizer, juin 2021.
Mathieu Desseigne-Ravel découvre l'acrobatie et la danse hip-hop avant de se former au Centre National des Arts du Cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne puis d'intégrer les Ballets C de la B d'Alain Platel. En 2006, il rejoint Nabil Hemaïzia et Sylvain Bouillet et participe à la vie du Collectif 2 Temps 3 Mouvements. Quand celle-ci prend fin, en 2014, Mathieu Desseigne-Ravel et Sylvain Bouillet poursuivent l'aventure avec Lucien Reynes à travers Naïf Production, structure hors standard, sans hiérarchie, qui appréhende la création comme un processus entièrement collectif. Ils ont récemment créé Gravithropie et La Grande cordée (2021).
Depuis une vingtaine d'années, Michel Schweizer convoque et organise des communautés provisoires sur scène en vue de composer une partition au plus près du réel. Dans ses créations, il se joue des limites et des enjeux relationnels qu'entretiennent l'art, le politique et l'économie et porte un regard caustique sur la marchandisation de l'individu et du langage. Plus généralement, il nous invite à partager une expérience dont le bénéfice dépend de notre capacité à accueillir l'autre, à lui accorder une place. Michel Schweizer entretient une connivence de long terme avec la scène Espaces Pluriels, qui a programmé plusieurs de ses pièces (Cheptel, Primitifs, bôpeupl) et lui a confié deux créations avec des amateurs (Keep Calm et Faire Monde).
un matin face au poste fixe, le ciel s'est dégagé, grand soleil, laisser la baie sur le balcon ouverte, un commentaire, chouette ! tâcher de répondre, pas votre fort, se concentrer, prendre peu à peu conscience d'un bruit sourd dans votre dos, à force ça agace, des chocs sourds et espacés, finir par vous lever, et là, l'émerveillement, un rouge-gorge est entré et cherche la sortie, il bute sur les baies vitrées, pourvu qu'il ne s'assomme pas, envie de le prendre en photo, il est tout près de vous, mais un élan encore et il disparaît dans l'azur. Au revoir !