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jeudi 16 juillet 2020

Sauver quelque chose du jour qui meurt (3)

Ses deux petits à la traîne, elle règle Sud Ouest Dimanche, les Carambar sont à droite de la caisse, un peu plus bas, juste à hauteur des enfants, le petit frère Rien qu'un maman il pleurniche, Non elle dit, c'est sans appel, il se résigne, la grande sœur, cinq six ans, silencieuse, un coup d’œil rapide à droite à gauche, sa main plonge dans le bocal, le Carambar disparaît tout au fond de la poche du K Way, elle garde le menton haut, la petite famille s'éloigne

vendredi 10 juillet 2020

sauver quelque chose du jour qui meurt (2)

un crachin pénétrant, petite queue de cheval dansante, robe d'été à fines bretelles, six, sept ans, elle avance d'un pas décidé, se retourne parfois, il la suit, pousse devant lui une valise à roulettes, on se prend à supputer, garde alternée, séjour chez les grands-parents, ils disparaissent au coin de la rue, quelques minutes encore, le crachin se fait averse, ont-ils eu le temps d'atteindre la gare pour se mettre à l'abri

dimanche 21 juin 2020

Conversation (14)

Petite main enfouie dans celle de sa maman qui la tient fermement. Cinq, six ans maximum. L'entrée d'un magasin pas cher de la ville.  T'auras assez pour m'acheter le jouet ? Oui, maman a les dix euro de papa. Une inquiétude palpable, peut-être une longue suite de promesses non tenues. T'es sûre que c'est assez ? Avec fierté. Maman aussi a de petits sous. Les voilà entrées

mardi 9 juin 2020

Vieillir (31) à la ferme

un bon grand gaillard, le visage rubicond, le regard bleu, les années heureuses en compagnie de sa mère, puis elle n'est plus, ensuite le relais d'une voisine pour le gros des courses au supermarché "ah ! non, je ne me vois pas pousser un chariot", le reste du temps l'épicerie au village à côté, on se voit brasse les nouvelles, enfin la retraite "j'ai bien fait de garder quelques vaches, au début j'étais perdu, j'ai même cru que j'avais les nerfs"

dimanche 24 mai 2020

printemps


de dodus moutons
se bousculent au-dessus
des tours du château

mercredi 13 mai 2020

vieillir (30)

80 ans bien passés, les jambes qui enflent, la voilà rivée à son petit pavillon, la mort de sa fille au loin, puis celle de son York, le compagnon des jours sans, et puis du temps, dans l'Epahd du bout de la rue, un homme, 90 ans, au cours de sa promenade, il s'arrête au portail, lui rend visite, des visites de plus en plus régulières, la vie prend des couleurs plus riantes, le quartier veille, non, c'est un homme bien, non, il n'en veut pas à ses petits avoirs, Confinement, il l'appelle matin et soir, répète et elle répète qu'il répète La prochaine fois, on confine ensemble

samedi 9 mai 2020

ce qu'on croyait gravé dans le marbre (2)

les trente glorieuses se terminaient, on écrivait des rédactions, Comment rêvez-vous de l'an 2000, imaginer alors la richesse et l’abondance, de petites avions voitures sillonnant rues et avenues, ah ! ces airs de 5ème élément, y avoir repensé en découvrant le film avec des jeunes gens, jolis vêtements pimpants et illimités pour chaque moment du jour, possibilité de changer de couleur de regard au fil des émotions, la faim aurait disparu, nos parents vivraient près de nous longtemps et en bonne santé, difficile de projeter autre chose que son présent, le plus souvent amplifié, sur son futur

dimanche 3 mai 2020

Conversation (13)

C’est comme ça qu’on dit encore ici. Ici dans le Sud du Sud-Ouest.  Les vieux seulement. Elle veut savoir où il habite. Insiste. Et sinon, où c’est que tu restes toi ? C’est comment déjà son nom au village ?

mardi 28 avril 2020

Conversation (12) : printemps 2020

au téléphone Oui, c’est mon chien que tu entends, mon mari m’aboie dessus et lui sur les rares tracteurs qui passent devant chez nous. On habite dans les bois, une maison isolée sur les coteaux.

samedi 25 avril 2020

Vieillir (29) en collège

réunion parents/profs, une classe de trente, début d’année, vous les connaissez à peine, il s’assied pesamment, sourire puis évoquer des résultats moyens pour l’instant de sa fille, il vous interrompt très vite, On voulait vous dire Vous faites des fautes d’orthographe et vos consignes sur Pronote sont pas claires, à l'appui, dégainées sur ces mots deux captures d’écran, l’épouse vient le rejoindre, bref échange du regard, un autre incisif et clair vers vous Tu lui as dit, Vous gardez le sourire, rude

mercredi 1 avril 2020

clandestin






c'est un texte de la nuit, c'est un texte dans la nuit, c'est un texte retrouvé, c'est un texte de Thomas, vous vous souvenez d'Axelle, Quitterie,  Guillaume, Mathieu, Sarah,  prénoms en ribambelles, une classe, vous revoyez l'année mais vous ne vous souvenez plus de Thomas, vous vous souvenez du sac Eastpak, du barreau, des Converse, du stylo quatre couleurs, mais  Le Coffre, rien, on dira que c'est un texte venu d'hier pour ce moment



c'était un sommeil, tout doux, tout reposant et ce cauchemar, le même, vous toussez, de la glu dans la bouche et vous mourez, et parfois c'est long, le cauchemar de toujours, vous vous réveillez et même pas peur, vous le savez instantanément,


vous êtes vivante, encore vivante, toujours vivante,

 il fait chaud sous les couvertures, souriante, si souvent chouiné, ouin, ouin, la vie, ouin, ouin, c'est que ça, ouin, ouin, oui mais quand même, c'est bon d'être vivant, c'est con les vieux, ça chauffe très fort les immeubles, c'est pas écolo, tout ça, tout ça mais ce que c'est bon, tout à l'heure à une heure décente et raisonnable vous allez ouvrir les fenêtres, il fait froid dehors, très froid,  vos mais sur le clavier, l'hiver prochain, vous aurez des mitaines, c'est juste une idée qui traverse et s'éloigne, vous commencez à sentir le froid, une petite morsure,




c'est bon d'être vivant,

vous vous êtes perdue en chemin, un détour, vous vouliez dire quoi déjà, c'est bon d'être vivant, vous êtes née dans un XX ème siècle lointain, pas d'eau dans la maison, pas d'électricité, pas de voiture, c'est bon d'être vivant, des ratures sur vos pages d'alors, des détours, devant vous un écran, effacer, déplacer, recommencer, c'est bon d'être vivant, durer autant qu'on peu, jusqu'au bout du bout,

c'est bon d'être vivant,



pas trop, écouter une sorte de flux, ça parle, c'est calme, c'est bon d'être vivant, des charges collectives des immeubles de vieux, vous aviez commencé plus tôt, vous alliez presque être spirituelle, poseuse, c'est bon d'être vivant, allez jusqu'au bout de la phrase, les charges collectives dans les immeubles de vieux, c'est la peau des fesses, on s'en fout, c'est bon d'être vivant,

 


il fait chaud dans l'immeuble, mais c'est encore la nuit, le froid au bout des doigts, vous tapez trop fort sur le clavier, une musique, vous claquez trop fort les portes,  vous embrassez trop fort, serrez les mains trop fort, vous débordez,

de la retenue,

c'est bon d'être vivant,

vous martelez, les touches du clavier,


c'est bon d'être vivant,


ceci n'est pas un poisson d'avril, vous n'aimez pas les poissons d'avril, vous vous faites prendre à tous les coups, on s'en fout,


c'est bon d'être vivant,

se recoucher, se blottir et dormir, c'est sûr, des lumières amies quelque part, celle de ... en son appartement, ses insomnies de toujours, là la meilleure des causes, celui qui vient de naître, celle qui est née y a pas longtemps, une lumière douce, une veilleuse, vous ne savez pas, vous rêvez, c'est bon d'être vivant, les immeubles de vieux on s'en fout, le monde chez vous, vous êtes vieux, et c'est vrai, et même pas mal, pas encore, pas déjà, juste le froid au bout des mains,


c'est bon d'être vivant,


se recoucher, s'apaiser, sourire,


c'est bon d'être vivant

lundi 30 mars 2020

Conversation (11)



- Tu sais la vache que tu avais vu le bouton et que tu croyais qu'elle allait vêler, eh ! bien, ça y est j'ai attendu à l'étable avec Bernard. On était pas tranquilles. Y a huit jours, y en a une elle a mis la matrice dehors. Oui, c'est grave, elle peut mourir. On a appelé le véto. Elle a été vite là. Elle lui a remis, elle a recousu, ça elle a pas perdu de temps ! On n'a pas reçu la facture mais, tu parles, un dimanche, avant qu'il nous rapporte celui-là. Bref ! j'ai aidé Bernard à tirer le veau, il est venu bien. Un beau mâle !
- Mais t'avais pas dit qu'elle était à terme la dernière fois ?
Mine de rien deux semaines ont filé.
- Oh ! mais c'est comme ça avec les Blondes, y en a même qui gardent jusqu'à un mois. Tu entends là ?
Bêlements.
- Je suis un peu sortie sur le dehors de la maison. Elles ont reconnu ma voix. Qu'est-ce tu crois ? Elles savent que je vais leur donner à manger. Allez j'y vais. Peut-être à ce soir.

dimanche 29 mars 2020

"ce besoin que le malade a de voir intervenir un peu de magie"

remonté du 16 juillet 2016

  2016   "Et on a de tels médecins dans notre hôpital à Fukushima",  Fukushima, ce nom, 30 000 morts, 50 000 morts, combien au juste, des villages entiers balayés avec leurs registres d'état-civil, cinq ans plus tard, sidération toujours aussi vive dans la mémoire

2020 Fukushima indélébile dans la mémoire, nouvelle sidération pour d'autres échos


  
Le vide et le plein
Carnets du Japon 1964-1970

     Je suis sensible aussi à certains aspects de la médecine traditionnelle chinoise qui a fait souche au Japon. Dans le manège des masseurs, dans l'attirail des poseurs de moxa, il y a quelque chose qui satisfait ce besoin que le malade a de voir intervenir un peu de magie (une maladie qu'on attaque sans magie aucune, sans ruses ni vitesse, reste sur ses positions). Également l'idée que si l'on parvient à duper la maladie— certains exorcismes visent à duper les démons — on guérira. (...)



En sifflottant Shusaku Endo
traduit de l'anglais par Anne Guglielmetti


     "Prends par exemple le cas d'une femme âgée qui a la tuberculose et se fait soigner dans un hôpital de préfecture.  Eh bien, le traitement qu'elle recevra sera impeccable et pourtant sa guérison sera plus lente. Et tout ça parce que ces vieilles femmes sont si bouleversées de se retrouver dans un énorme et impressionnant bâtiment hospitalier où tout est aseptisé que ça les épuise littéralement. Du coup, quand tu les renvoies dans leur campagne, leur état s'améliore considérablement!
     - Bien possible, acquiesçait Eiichi en étouffant un bâillement. (...)
     - Mais j't'assure ! répliquait l'autre, voilà pourquoi il m'a toujours semblé que la médecine n'était pas seulement une affaire de pharmacie et d'habileté technique. Le cœur y a sa part, aussi ! Dernièrement, j'ai conclu qu'un bon médecin était un type qui parvenait à aider un malade pour lequel il n'y avait plus d'espoir à mourir sans désespoir. Et on a de tels médecins dans notre hôpital à Fukushima. Bien sûr, pas un seul de ces gros bonnets des cercles scientifiques n'entend parler d'eux mais ils méritent tout mon respect pour la manière dont ils s'occupent de leurs malades ! (...)"

samedi 28 mars 2020

petites choses qui (12) réjouissent le coeur

19 mars, boulevard des Pyrénées








ce n'est pas notre premier printemps, nous avons été des chanceux, mais s'est-on déjà autant émerveillé, un regard aux glycines, s'arrêter et s'étonner, des cris fusent dans la ville silencieuse, un pétage de plombs ? non, pas déjà, coup d’œil furtif par la grille, ils sont trois dans le petit jardin fermé de l'immeuble, trois jeunes gens, treize, quatorze ans à tout casser, une fille au moins, ils sont bien à plus d'un mètre les uns des autres, c'est elle qui donne les ordres, "Bras tendus, flexion... non sur les talons, j'ai dit" on la sent dure, exigeante, nous n'oserions pas, ils ne mouftent pas, s'appliquent, se concentrent, s'éloigner, une expérience, une autre vie commence, leur faire confiance

vendredi 27 mars 2020

Petites choses qui (11) réjouissent le coeur



Pas encore trente ans, ils s'aiment, la vie leur sourit, . Vous les avez croisés parfois chez leurs grands-parents. N'oublier personne ! et vous recevez une invitation à leur mariage. Décliner gentiment. Une belle enveloppe, à l'intérieur une carte postale du lac du Montagnon d'Iseye, il a une étonnante forme de cœur, quelques mots pour les engager à venir là à l'automne, mais, au moment de l'adresse, du flou, la maison de Molière, le 1, vous croyez vous souvenir, mais tant pis  vous risquez un 1 rue de l'Ancienne Comédie et ça part. Ce jour, par acquis de conscience, coup d’œil à votre boîte aux lettres, elle est plus vide que jamais, incroyable ! elle est là qui vous attend. Combien de mains attentives pour qu'elle vous revienne ? Deux, trois mois à tourner, apposée une belle parenthèse manuscrite, l'écriture est élégante, presque surannée Ne concerne pas à la Comédie Française SVP, la Poste, que sont nos armées de facteurs devenues, fonctionne encore

jeudi 26 mars 2020

à la dérobée,




comme par effraction, 
un printemps tellement désirable,



une ombre dans l'entrée,
comme un air de petite galette bretonne pour le thé, 
la prendre en photo ? la voix intérieure, ça fait peut-être "zozo"(prononcer sosso -bête)  ?
 le faire quand même, plaisirs minuscules, dont on se dit que peut-être des "quelqu'un" inconnus les partageront,



 

les frêles... tilleuls ? on vérifiera en juin à l'heure où ils embaument, à l'heure aussi où on reprendra en chœur Le temps des cerises,  juin, "la folie en tête" et des ventrées à s'en faire éclater la panse,  c'est le lycée Barthou, ses grilles, le chemin familier vers le travail au bout



du boulevard Barbanègre, le vieux marronnier campé sur le pavé, on n'a pas eu sa peau, défroisse lui aussi ses petites feuilles,





et là un soir, le parc Beaumont, pas de courses, les magasins ferment à 18 heures, chou blanc donc, joie de simplement marcher dans la ville déserte, Toutes directions dit le panneau, rentrer chez soi, un toit,  une bise vivifiante, songer, des images affluent, il y a quatre semaines, trois jours à Paris, traverser l'expo Boltanski, vous aviez hésité, cette épidémie tout ça, au fond vous saviez déjà, au rez-de-chaussée, le festival Effractions au centre Georges Pompidou, Antoinette Rychner "Nous ne croyons pas ce que nous savons", des mots qui résonnent étrangement, elle cite Davide Longo, pour L'homme Vertical, Virginie Despentes, vous passerez chez Tonnet, on dit comme ça à Pau, le nom de la vieille librairie de la ville, écouter aussi Marie Cosnay, Laurent Binet, leurs mots, leur présence... une semaine plus tard, vous récidivez, Bilbao,  au Beaux-Arts pas  [De] satire jouant de la flûte, tant pis, au Gugghenheim se perdre dans l'immense Bakarrik haizearekin, denborarekin eta soinuarekin/Seulement avec le temps, le vent et le son  d'Anselm Kiefer, une nuit en auberge de jeunesse, seule dans un dortoir de six, du jamais vu, sentiment qu'un étau se resserre, mais il faut croire que décidément, non "Nous ne croyons pas ce que nous savons" à la table du petit déjeuner, une femme, la petite soixantaine, tout son visage chantait victoire, car oui, elle l'avait fait ! "Un A/R La Coruna pour 28 euro, incroyable, pas vrai ? j'ai posé un jour, il faut passer trois jours pour bénéficier du tarif, et hop ! je l'ai dit à personne, enfin si à mes enfants mais j' ai dit que j'étais avec une amie, je ne veux pas qu'ils s'inquiètent", retenir ce visage ébloui, il pleuvait des cordes dehors, l'avoir suivie en pensée, au fond, ici ou là, ce qui marque et reste, y a que ça mais tout ça, rarement ce qu'on croyait chercher mais des mots, des visages, des voix, du fugace, du volatile, la fragrance qui imprègnerait notre mémoire

lundi 23 mars 2020

marché (11), premier confinement (17 mars 2020- ...)




samedi, plus d'une semaine déjà, c'était dans le temps d'avant, des renoncules éclatantes au marché, les emporter sous le bras presque comme une voleuse, les déposer sur le rebord de la fenêtre, on croyait savoir, on le pressentait, des jours difficiles se profilaient, elles seraient là, premier regard du matin au moment du thé tartines, des signaux au rouge mais la peur diffuse, c'était maintenant,




puis hier, ou était-ce avant-hier, ou encore avant, les jours se fondent déjà, une renoncule a ployé son cou, penser merci, un présent, la cueillir et la joindre au mimosa et jonquilles glanés dans le temps d'avant, celui des balades au parc Beaumont, le long du gave, au parc du château, juste un micro îlot de beauté, cadré serré serré, autour faudra voir à faire le ménage, ranger, faire disparaître, étendre le champ du serein, respirer, durer

dimanche 22 mars 2020

conversation (10)

février 20020

voix joyeuse, l'adversité elle sait l'affronter et en avant pour son côté vaillant petit capitaine. Debout sur le pont, la voilà qui se démultiplie, à l'instant au téléphone :

- Tiens, y a le dernier agneau qui est né tout à l'heure !
- T'es sûre ? si ça se trouve t'as un bélier qu'a fraudé et t'auras un kuku bildotxa*
- Bah, mais non ! elle rit, reprend sa respiration et sa réponse fuse, qu'est-ce tu crois, qu'on est au pays de la Vierge Marie ou quoi !


mercredi 18 mars 2020

hâtons-nous lentement,



la ville est déserte
le vieux marronnier promet
ce n’est pas l’été 

                                                                                     pas déjà
                                                                                mais ça viendra

jeudi 12 mars 2020

petites choses qui réjouissent le coeur (10) : un samedi à Bilbao

il pleut, un de ces crachins, un rien poisseux, qui s'accrochent et vous pénètrent jusqu'à l'âme, les pavés sont  luisants, la ville grise, vous resserrez le col de votre manteau,  léger et aérien, il marche devant vous, non, il ne marche pas, il danse plutôt, son parapluie de berger, tour à tour, moulinet, cane, un accessoire, à droite, à gauche, et c'est un écart, de petits pas chassés,  puis sans préavis, il se plie à angle droit et balaie le sol de ce front, ceux qui le croise l'effleurent d'un regard distrait puis passent leur chemin,  arriver à sa hauteur au clouté, contre sa poitrine, lovée dans un grand foulard, un bébé, une adorable frimousse brune bouclée, elle rit aux éclats, tout ça, ce spectacle, c'est pour elle

lundi 2 mars 2020

shopping

 reprise de septembre 2011

des années au linge, à s'occuper des enfants, des bêtes, à se courber sur le jardin, pourtant une élégance altière et à 60 ans avec l'avènement de la retraite, les premiers sous à soi, goûter à une indépendance neuve, plaisir du coiffeur, adieu aux coupes hasardeuses du mari, plaisir de s'habiller un peu, sorties à Bayonne avec les filles, elle se redressait, poussait la porte de la boutique et avançait d'un pas sûr, regarder sa main usée parmi les portants, main amoureuse qui se glissait, caressait, palpait les étoffes, la convoitise dans son regard, puis avec l'étiquette, une sorte de glas, cher, trop cher, toujours trop cher et même invariablement le plus cher du lieu, soupir, petit sourire en coin, elle concluait  "On aurait pourtant eu du goût nous aussi..." et ressortait tête haute, les mains vides

lundi 24 février 2020

ce qu'on croyait gravé dans le marbre (1)

année 60, c'était une langue, euskara, elle disparaissait, langue de bouseux, de paysans, orgueil d'une singularité et honte obscure, rire et railler avec les autres, ses traces dans le français, un accent imité et ridiculisé, une incertitude sur le genre, une manière d'agencer la phrase, combien de "la cheminée elle a fait tomber le vent" ou "il a mis la charrette avant les bœufs" pour se moquer, supporter aussi les fréquents "tu es basque ou tu es con" au point des années plus tard d'entendre lors de la campagne publicitaire du fromage Etorki, comme en sourdine "Fier d'être con", au lieu du conquérant "Fier d'être Basque", avancer dans la vie pour la découvrir désirable, tant de jeunes couples venus d'ailleurs inscrivent massivement leurs enfants en ikastola, mais instrumentalisée aussi, guère mieux qu'une marque, un argument de vente brandi et ne plus s'étonner de ces villes de la Côte,  un "o" avec x accents circonflexes comme on prononce au-dessus de Tours, on saurait mais ce serait tricher, singer et plus que tout se trahir, villes de la Côte donc mais pareil pour d'autres de l'intérieur qui se revendiquent basques, prendre le vent du moment, le Béarn rétrécit, les temps changent

dimanche 16 février 2020

vieillir (28)



près du Tribunal, il fait presque nuit déjà,  elle vous aborde, et aussitôt le recul, que vous veut-elle donc ? son large sourire, vous vous reprenez, une enfant encore, visage rond, yeux qui s'écarquillent "Excusez-moi, je ne connais pas la ville, je ne me rappelle plus où j'ai garé ma voiture" une distraction qui l'amuse "C'est près de chez un opticien, oui, une vitrine, des lunettes... ah ! et puis aussi, je sais que ça paraît incroyable mais je crois bien que des moutons ont traversé mon champ de vision" vous levez des sourcils sceptiques, sûrement réprobateurs, se moquerait-elle ? plus nerveusement, elle reprend, quelque chose vacille dans son regard "Bon, on oublie les moutons, une grande place, une rue en pente"  vous la dirigez vers le château, rue de Liège, rue Marca, pentu par là, elle disparaît dans la rue Tran, vingt ans, une étourderie, en rire, trois fois vingt ans, le spectre d'Alzheimer s'éveille, un effroi qui rôde

samedi 8 février 2020

quand la ville se fait grimoire, à tout ce qui passe et s'efface


ravaler, partout ou presque, à quelques pas du centre-ville, mystère d'une façade oubliée EPICERIE et dessous, se chevauchant, mots mêlés, MERCERIE VIN DU PAYS, il avait suffi d'un coup de pinceau, une autre enseigne, qui avait eu pignon sur rue en premier ?  on se prend à rêver, sûrement la mercerie, puis, à pas menus, elle passe appuyée à sa canne, elle saurait sans doute, elle s'éloigne, se diversifier, le maître mot  d'alors, ils avaient lutté, durer, une rémission

samedi 25 janvier 2020

vieillir (27)

avec une amie, au Berry, la brasserie institution paloise, se faufiler pour se glisser sur la banquette, son manteau effleure la corbeille à pain du voisin, une tranche dégringole, lui, à son téléphone, il le quittera juste le temps d'engouffrer sa nourriture, rapide coup d’œil déjà peu amène vers sa veste, son visage se détend légèrement, elle n'a rien puis regard vers sa voisine de banquette, et dans l'instant le voir ajuster le masque du glacial excédé, et à nouveau le téléphone, fort, imposant, un ogre, face à lui, un frêle jeune homme, au téléphone lui aussi, l'air transi, un rien gêné, peut-être sur la sellette, brefs échanges, le brouhaha de la salle, surnagent des bribes d'anglais, de français, puis l'addition et ils s'en vont, soupir d'aise, Elle, acide Fut un temps où ça l'aurait pas gêné tant que ça que j'effleure sa manche mais le voilà qui revient, il fouille la banquette du regard, se penche, ah ! son couvre-chef et  s'éloigne Fut un temps où il n'oubliait pas ses petites affaires, se regarder et rire ensemble, une légèreté

samedi 11 janvier 2020

à l'étable


un compagnonnage
que ruminent-elles donc 
calmes et pensives



dimanche 5 janvier 2020

l'année commence à peine,



 des menottes agiles,
ils s'activent joyeux,
sur le sable, un sourire,


une caravelle cingle vers l'ailleurs,
embarquer avec eux