lu et copié/collé sur Oeuvres ouvertes
extrait des Conversations avec Kafka de Gustav Janouch
Je tirai de la poche de ma veste le livre anglais, le posai sur le
couvre-lit et racontai ma dernière conversation avecc Bachrach. Quand je
dis que le livre de Garnett copiait la méthode de La Métamorphose,
Kafka eut un sourire las et dit, avec un petit geste de refus : "Mais
non. Cela ne vient pas de moi. Cela vient de l’époque. C’est là que nous
avons copié l’un et l’autre. L’animal nous est plus proche que l’homme.
Ce sont les barreaux. La parenté avec l’animal est plus facile qu’avec
les hommes."
(...)
"Chacun vit derrière des barreaux qu’il transporte avec lui. Voilà pourquoi tant de livres parlent aujourd’hui d’animaux. Cela exprime la nostalgie d’une vie libre, naturelle. Mais la vie naturelle, pour les hommes, c’est la vie d’homme. Seulement on ne le voit pas. On ne veut pas le voir. L’existence humaine est trop pénible, c’est pourquoi on veut s’en débarrasser, au moins, par l’imagination."
Je poursuivis la cheminement de sa pensée en disant :
"C’est un mouvement analogue à celui qui précéda la Révolution française. On parlait alors de retour à la nature.
— Oui, répondit Kafka. Mais aujourd’hui on va plus loin. On ne se contente pas d’en parler, on le fait. On retourne à l’animal. C’est beaucoup plus simple que l’existence humaine. Bien à l’abri au sein du troupeau, on marche dans les rues des villes, pour aller ensemble au travail, aux mangeoires, aux plaisirs. C’est une vie précisément délimitée, comme au bureau. Il n’y a plus de miracles, il n’y a plus que des modes d’emploi, des formulaires et des règlements. On a peur de la liberté et de la responsabilité. C’est pourquoi l’on préfère étouffer derrière les barreaux qu’on a soi-même bricolés."
(...)
"Chacun vit derrière des barreaux qu’il transporte avec lui. Voilà pourquoi tant de livres parlent aujourd’hui d’animaux. Cela exprime la nostalgie d’une vie libre, naturelle. Mais la vie naturelle, pour les hommes, c’est la vie d’homme. Seulement on ne le voit pas. On ne veut pas le voir. L’existence humaine est trop pénible, c’est pourquoi on veut s’en débarrasser, au moins, par l’imagination."
Je poursuivis la cheminement de sa pensée en disant :
"C’est un mouvement analogue à celui qui précéda la Révolution française. On parlait alors de retour à la nature.
— Oui, répondit Kafka. Mais aujourd’hui on va plus loin. On ne se contente pas d’en parler, on le fait. On retourne à l’animal. C’est beaucoup plus simple que l’existence humaine. Bien à l’abri au sein du troupeau, on marche dans les rues des villes, pour aller ensemble au travail, aux mangeoires, aux plaisirs. C’est une vie précisément délimitée, comme au bureau. Il n’y a plus de miracles, il n’y a plus que des modes d’emploi, des formulaires et des règlements. On a peur de la liberté et de la responsabilité. C’est pourquoi l’on préfère étouffer derrière les barreaux qu’on a soi-même bricolés."
retourner à l'animal qu'on n'a jamais quitté
RépondreSupprimerUn grand plaisir pour moi de lire ces lignes de bon matin. Merci.
RépondreSupprimer" Etouffer derrière des barreaux qu'on a soi-même bricolés ... "
RépondreSupprimerDites, si c'était vrai ?
et nous serions notre pire ennemi, oui, ça se pourrait
RépondreSupprimeret bienvenue Lise :)
RépondreSupprimerVoilà qui nous ramènerait à une plus grande humilité, et une plus grande ouverture aux autres. Tant d'aigreurs contre "ceux qui nous font du mal" seront alors obsolètes, tant de rancunes contre "l'autre" qui a toujours tort ... Tourner nos reproches contre soi ? Le psy de service ne sera pas d'accord - et pourtant ...
RépondreSupprimeret merci, Elise :) J'aime ce qui est écrit ici, sur votre blog, ma seconde découvertes 2014.
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