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mardi 14 novembre 2017

« La langue basque (...) dit : euskaraz hizt egiten dut – “au moyen du basque je fais la parole” pour “je parle basque”.




 Faire la parole / Hitza egin
un documentaire d'Eugène Green

Une langue, le basque, incarnée, portée, par quatre jeunes gens à peine sortis de l'enfance. Vivante. Une course, une quête dans un pays magnifié. Regard lucide, questionnement, fraîcheur d'esprit. 
Sans concession. 
Beauté. 

Songer aux dernières lignes ou aux derniers plans de Fahrenheit 451, quelques hommes, une poignée, ont appris par cœur quelques-uns de ces textes qui nous font homme, l'Odyssée, la Bible. 
Ils disent, récitent.
Eux vivants, une parole incarnée et cela suffit. 
A portée, la transmission possible. 
Espoir. 

Songer aussi à Bernardo Atxaga entendu en 95 à Biarritz pour Obabakoak, Obaba, nom d'un village imaginaire, "k" de, d'Obabakoa donc, dans les premiers plans la caméra effleure ce livre-là  "pour traduire mon livre et passer du basque à l'espagnol, j'ai dû me retourner le cerveau comme une chaussette".

Songer encore à une leçon du père M. en un lointain après-midi "Euskalduna, être basque, voyez-vous, c'est, si on décompose, Euskal le basque entendu comme lanque, et duna qui a, autrement dit être basque pourrait se traduire par "celui qui possède la langue".
Soudain dessillée saisir qu'être basque signifie l'attachement à la langue.
Ce qui fonde son identité.

Songer enfin au dernier plan du film, port de Pasai/Passage, au-delà de l'étroit goulet qui rend son accès difficile, le grand large. 
Ses immensités.
Espoir encore.

Un film délicat, respectueux, il frôle, s'éloigne, revient, un ballet, une liturgie.  
Glissement du côté du sacré. 

ci-après une critique de ce film sur critikat.com


« Au moyen du cinématographe je fais la parole »,  par Marie Gueden 
Le nouveau film d’Eugène Green, présenté en sélection française lors de l’édition 2016 du Cinéma du Réel, est un objet curieux, surprenant, comme peuvent l’être les films du réalisateur : si le documentaire n’est pas son terrain habituel, celui-ci s’attache ici à un portrait de la langue basque centré sur des habitants choisis.
Un tel projet pouvait néanmoins poindre dans le cinéma d’Eugène Green comme dans ses écrits : la parole tient chez lui une place centrale, ne serait-ce que pour la parlure si particulière de ses personnages, leur diction liée, mais aussi dans les ouvrages qui lui sont consacrés (La Parole baroque, 2001 ; Le Présent de la parole, 2004) ; le pays basque était déjà filmé dans Le Monde vivant (2003), tourné en partie dans la plus petite mais la plus « basque » des provinces basques, la Soule, correspondant à la découverte par Eugène Green de la région, ultérieurement à l’honneur dans son roman La Bataille de Roncevaux (2009).
Faire la parole peut ainsi s’appréhender comme l’aboutissement de préoccupations originelles, profondes, d’Eugène Green, et la documentation de la langue basque, l’une des plus anciennes d’Europe, le creuset idéal, presque d’ordre généalogique, d’une réflexion touchant à la parole chez le réalisateur, permettant en retour d’appréhender son cinéma. Celui-ci formule d’ailleurs ce projet à venir en avance dans sa Poétique du cinématographe (2009) associant parole, basquité, cinéma : « La langue basque, témoignage vivant de la naissance de l’homme, dit : euskaraz hizt egiten dut – “au moyen du basque je fais la parole” pour “je parle basque”. Mais aujourd’hui on pourrait dire : zinematographaz hizt egiten dut – “au moyen du cinématographe je fais la parole”, la rendant visible. »
Si le verbe « faire » est un opérateur linguistique dans « faire la parole » en emploi transitif équivalant à un verbe d’action, nul doute qu’il y ait une analogie avec le cinéma qui opère sur le réel : ce « faire » insiste sur le pouvoir performatif de la parole, ici et maintenant. C’est là le cœur du projet documentaire d’Eugène Green : recueillir les voix du parler basque dans le temps de leur énonciation, s’incarnant dans des personnages qui le font vivre.
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