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mardi 4 décembre 2012

"Quand nous parcourons les lieux de la mémoire..."

 Pour Primo Levi Mario Rigoni Stern 
traduction François Maspero


Bobbio, dans De Senectute, écrit: "Quand nous parcourons les lieux de la mémoire, les morts se pressent autour de nous, et leurs rangs se font chaque année plus nombreux. La plupart de ceux qui nous ont accompagnés nous ont abandonnés. Mais on ne peut les effacer comme s'ils n'avaient jamais existé. Dès lors que nous les convoquons dans nos pensées nous les faisons revivre, ne serait-ce qu'un instant, et ils ne sont pas vraiment morts, ils n'ont pas complètement disparu dans le néant... " Par ces journées lumineuses de fin d'hiver je vais presque chaque matin sur la route qui traverse la forêt, chaussant mes skis légers ; et, en ce moment, c'est mon cher Primo qui m'accompagne. (...)
      Je me rappelle ton récit dans Vice de forme, tu parlais d'arbres qui bougeaient, de fleurs qui communiquaient avec une petite fille, et celle-ci disait que tout ce qui pousse sur la terre et a des feuilles vertes est comme nous. Tu parlais encore du caractère des arbres, de leur voix que tu as, toi aussi, essayé d'écouter, d'arbres qui voulaient redevenir sauvages et hostiles aux hommes parce que ceux-ci les avaient contraints à produire des fleurs et des fruits. Ton imagination ne te trompait pas tellement : les scientifiques, quand ils sont aussi des poètes, voient loin. Dans une récente rencontre entre spécialistes des forêts, un rapport expliquait qu'il se produit des associations d'arbres de la même espèce qui forment comme une famille, liés par le sang, qui s'entraident en échangeant des éléments vitaux à travers leurs racines ; et qui, avec leurs branches, se protègent mutuellement des intempéries.

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