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dimanche 12 janvier 2025

Lu et vu (131)

 Lu 

Mère et le crayon de Josef Winkler

Gioconda de Nikos Kokàntzis

L’autre nom de Jon Fosse

(…) et je pense que j'ai rangé dans l'une des deux chambres mansardées du grenier les tableaux que je n'ai jamais voulu vendre, dont deux parmi les premières images que j'ai composées quand j'ai commencé à peindre de la façon dont je voulais peindre, qui ne sont pas des peintures de maisons et de bâtiments effectuées à partir de photographies, et ces deux images sont toujours parmi les meilleures que j'ai composées, des images où à mes yeux j'ai vraiment réalisé quelque chose, oui, quelque chose de plus que ce que je peux en fait réaliser, quelque chose de plus grand que la vie, si tant est qu'on puisse le dire de cette façon ? oui, et tant pis si c'est une façon un peu grandiloquente de le dire, tant pis si ça paraît trop grandiose et trop grandiloquent, car oui, quand même, dans certaines images, j'arrive à accomplir ce que je voulais réaliser, je le vois, je le sais, et bien sûr que ce que dit l'image ne peut être dit autrement que de la manière dont cette image le dit, et ces images, mes meilleures images, je ne veux pas les vendre car je sais que vraisemblablement personne d'autre ne verra la nature de ce que renferment ces images, ni la valeur de ces images d'ailleurs, oui, la valeur, et quoi qu'il en soit je n'en obtiendrais qu'une somme beaucoup trop basse si je les vendais, et la valeur et le prix ne correspondraient en rien, voilà pourquoi je ne les vends pas, mais dans la chambre mansardée du grenier que je n’utilise pas en guise d’entrepôt j’en ai presque toujours une en exposition, une et une seule, depuis longtemps maintenant, et c’est un portrait que j’ai peint d’Ales, je pense, parce qu’il y a deux chambres mansardées dans le grenier, et j’utilise une pièce pour le stockage de matériel beaucoup des montants que j'utilise pour faire des châssis, beaucoup j'utilise pour faire des châssis, beaucoup de toiles, énormément de tubes de peinture à l'huile et encore plus de térébenthine, alors que l'autre chambre mansardée du grenier, celle de gauche, elle ne contient qu'une chaise, placée dans le milieu de la pièce entre les deux petites fenêtres du mur pignon, et sur cette chaise j'ai toujours posé contre le dossier un des tableaux que je ne veux pas vendre, et je ne veux pas les vendre car alors ils partent chez quelqu'un d'autre et ils disparaissent dans la nature, comme vont d'ailleurs le faire les deux piles de tableaux inclinés contre le mur tout près de la porte de la cuisine, car même si Beyer a soigneusement noté le nom et l'adresse de l'acheteur, oui, puisqu'il a photographié tous les tableaux depuis ma toute première exposition, il les a numérotés et il a noté le nom de l'acheteur, oui, même là, personne ne sait ce qu'il advient du tableau par la suite, si l'acheteur l'a donné ou revendu à quelqu'un d'autre, oui, le tableau disparaît alors dans la nature, à proprement parler, et il n'y a plus aucun moyen de le retrouver, oui, il y a des tableaux que j'ai vendus et que j'ai regretté d'avoir vendu, surtout les images que j'ai peintes quand j'allais à l'École des Beaux-Arts, jusqu'à ce que je prenne conscience qu'il y a des images que je refuse tout bonnement de vendre, et ce sont celles qui sont rangées dans le grenier, je garde donc les images que je ne veux pas vendre que j'ai peintes quand j'allais à l'École des Beaux-Arts, jusqu'à ce que je prenne conscience qu'il y a des images que je refuse tout bonnement de vendre, et ce sont celles qui sont rangées dans le grenier, je garde donc les images que je ne veux pas vendre dans la chambre mansardée de gauche, et j'en change régulièrement, je remplace par une autre celle que j'ai posée contre le dossier de la chaise, et parfois, surtout quand je n'arrive plus à peindre, quand je n'arrive plus à avancer dans ma peinture, je monte au grenier pour regarder l'image exposée contre le dossier de la chaise, ou bien je prends une autre image et je la pose contre le dossier de la chaise, et j'ai une autre chaise placée à quelques mètres de la chaise avec l'image, et je m'assieds sur cette chaise, et je regarde l'image, je la regarde encore et encore, oui, je peux rester assis comme ça depuis un certain temps, sans que je sache depuis combien de temps, et j'essaie de voir pourquoi dans le fond je continue à peindre des images, je reste assis et en silence je m'enfonce de plus en plus dans ce que je vois, dans ce qui est plus grand que la vie, peut-être, et tant pis si ce n'est pas la bonne façon de le dire, parce que, oui, ces images qui parlent en silence hors d'elles, qui disent la vérité, renferment une sorte de lumière, une sorte d'obscurité lumineuse, une lumière invisible, et là, quand je suis entré dans cette vision, ou dans cette manière de voir, ce n'est pas moi qui vois mais quelque chose qui voit à travers moi, en quelque sorte, et là je trouve toujours un moyen pour reprendre la composition de l'image que j'ai du mal à peindre dans l'instant, et c'est pareil avec tous les tableaux composés par les peintres que j'aime, j'ai l’impression que ce n'est pas le peintre qui voit mais quelque chose d'autre qui voit à travers le peintre, comme si ce quelque chose était capturé dans le tableau et parlait en silence hors de lui, et ça peut venir d’un simple coup de pinceau, un coup de pinceau qui permet à l’image de parler comme ça, et c’est incompréhensible, je pense, et je pense que c'est pareil avec l'écriture que j'aime lire, ce qui importe n'est pas ce qu'elle dit littéralement au sujet de ceci ou de cela mais quelque chose d'autre, quelque chose qui parle silencieusement dans et derrière les lignes et les phrases, et sinon, oui, voilà comment ça s'est fait, les tableaux que je garde dans le grenier ne sont que des grandes images parce que toutes les petites images vraiment bonnes Asleik les a choisies pour les offrir à la Sœur, oui, c'en est presque risible, il doit vraiment voir la même chose que moi, ou quelque chose d'approchant, (…) p 391 à 394


Vu

Cinéma 

La chambre d’à côté de Pedro Almodóvar 


Spectacle 

Première mondiale du Collectif És


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