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dimanche 5 janvier 2025

Lu et vu (130)

 Lu

Ann d’Angleterre de Julia Deck

« Puisque la patiente, depuis deux semaines, s'obstine à ne pas mourir, on l'estime sortie de la zone de danger imminente. Sur le scanner de contrôle, le saignement paraît arrêté, mais l'hématome reste énorme. On distingue mal l'étendue des lésions. Je sais que ma mère ne remarchera pas. Après un tel accident, elle n'aura pas la force de se remettre debout. Il risque de lui arriver le pire cauchemar de l'imagination populaire, devenir un végétal, et un végétal conscient de son état, un végétal pensant. Je continue d'espérer qu'elle va mourir tout en me félicitant qu'elle vive, heureuse qu'elle me reconnaisse, d'avoir encore une mère, qu'à travers l'épuisement et la parole entravée, elle me témoigne une sollicitude, l'éternelle appréhension que j'épuise ma machine. Malgré tout ce qui a disparu avec l'accident, quelque chose de notre relation demeure intact. C'est une situation très particulière d'espérer les progrès d'une personne dont on espère aussi la mort. C'est une situation intenable, à laquelle il vaut mieux ne pas penser. » (p 37)


(…)  « Sur le quai, de jeunes actifs parlent dans des téléphones à cing cents euros en buvant des boissons dans des gobelets jetables. Ils flottent sur le toit du monde dans des baskets à deux cents euros livrées à leur porte en vingt-quatre heures, dépensent quinze euros pour un déjeuner à emporter dont la moitié atterrit à la poubelle. Ici, tout le monde a un travail, de beaux vêtements, des cappuccinos à volonté et des vieux dans des hôpitaux qui s'effondrent. » (p 88)


L’autre nom de Jon Fosse


(…) comme si sa douleur, ou sa souffrance, peut-être que le mot est meilleur, me poussaient à vouloir partir loin de lui, non pas parce que je ne voulais pas être avec lui mais parce que, non, je ne sais pas pourquoi, et peut-être que j'ai pensé que je risquais d'une certaine manière d'emporter sa douleur avec moi, de la traîner derrière moi, que je risquais de l'emporter loin de lui avec moi, si je continuais de rouler ? voilà en tout cas ce que je pense maintenant, comme une excuse pour être passé sans m'arrêter et ne pas être allé le voir mais au contraire avoir continué de rouler, car pourquoi (…) je ne suis pas passé le voir ? parce que je suis lâche ? parce que je n'arrivais pas à partager sa douleur ? partager sa douleur, mais qu'est-ce que je veux dire en pensant ça? car ce n'est qu'une façon de paler, partager la douleur, partager la souffrance, c'est une façon de parler, comme s'il était possible de partager la douleur, de partager la souffrance, je pense, et je me vois assis dans la voiture, et je regarde dehors, je regarde en direction du terrain de jeux au bas de l'allée, (…) p 34


Vu


En fanfare d’Emmanuel Courcol


Vingt Dieux de Louise Courvoisier 


Spectateurs d’Arnaud Desplechin

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