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dimanche 22 janvier 2012

Jean-Louis et Lucie mariés depuis 76 ans Journal La République des Pyrénées

 
Mariés en 1936, Jean-Louis et Lucie Lafontaine sont revenus à Pontacq en 1988. © Ascencion Torrent
(...) « Mariage pluvieux, mariage heureux » annonce le dicton. Le 2 janvier 1936, le jour de l'union de Lucie et Jean-Louis Lafontaine, « il tombait des cordes ». Après 76 ans de vie commune, « nous nous entendons très bien... bien que nous devenions un peu sourds. Parfois, il y a eu des épines ! » Très vite oubliées. « Toute notre jeunesse, jusqu'à 80 ans, nous n'avons jamais été malades. Maintenant, nous sommes un peu moins vaillants », témoignent-ils à leur domicile de Pontacq.
Apprenti charcutier, Jean-Louis Lafontaine apporte régulièrement une livraison à Pau. Là, il rencontre Lucie Céré, née à Orthez, le 29 janvier 1917. Nous sommes en 1934. La jeune femme travaille dans la pension Avelana, boulevard Guillemin à Pau. « Elle m'a empoigné ! J'avais 19 ans. Mon père ne voulait pas que l'on se marie. C'est grâce à mon patron. » Le 2 janvier 1936, à tout juste 20 ans et pas encore 19 ans, ils passent devant le maire d'Orthez. « J'ai payé le voyage à mon père pour qu'il vienne. Nous étions quinze-vingt, pas plus... »
Jean, leur premier fils, « fils de l'amour », naît en décembre 1936. Le deuxième décédera à l'âge de quatre ans, puis naîtront Christian et Adrienne, installés tous deux vers Perpignan. Sept petits-enfants et onze arrière-petits-enfants complètent la famille.
A 96 Noëls (il est né le 25 décembre 1917 à Orthez « à 6 heures du matin »), Jean-Louis Lafontaine rédige seul sa correspondance et remplit les papiers (« certains sont compliqués ! »), lit chaque jour notre journal sans lunettes, joue au tiercé au café du Commerce, regarde « Des Chiffres et des Lettres » à la télévision. Il trouve « des comptes mais aussi des mots ». Bon élève, à 12 ans, il passe avec succès son certificat d'études « un samedi. Le lundi à 6 heures, j'étais au travail ».
Au volant de sa voiture, il va « pas loin ! au supermarché de Pontacq, généralement le samedi matin, faire les courses ». Quelques pommes de terre, des carottes, des poireaux, il se met au fourneau et cuisine une bonne soupe. Tous les autres repas également. Sa spécialité : l'omelette aux pommes de terre. Leur péché mignon à tous les deux, les pâtisseries et la Chantilly. « Un temps, on nous portait les repas à domicile. Mais ça n'a pas duré. Tout ça, ce n'était pas assez gras, pas assez sucré ! » avoue-t-il, le regard gourmand. Et Jean, son fils aîné, d'ajouter : « Vous verriez, ils ont en réserve une dizaine de bouteilles d'huile, des kilos de sucre, de farine, des savons en quantité... Des restes de la guerre ! »
Toute sa vie boucher charcutier, ce fils d'un boucher charcutier de Pontacq s'enflamme en mimant et en racontant comment il travaillait dur au moment des fêtes - les journées se terminant à minuit et commençant à 4 ou 6 heures -, comment il désossait cailles ou pigeons pour les farcir, parfois de foie gras, les reconstituer et, touche finale, confectionner les roses. Toujours très coquette, Lucie Lafontaine, yeux azur et cheveux d'argent, acquiesce en admirant tendrement son mari. « Pas d'alcool, pas de cigarette, ce doit être le secret. Dans la famille, nous aimons rire. Nous n'avions que ça, les carnavals, les espérouquères. Pour Noël, on avait une orange. Tout ce superflu maintenant, ça tue tout le monde ».

===> Passionnés de danse
Leur passion? Les chansons, les danses, les spectacles, le cinéma (au Petit Béarn à Pau). Jean-Louis Lafontaine chante souvent dans sa cuisine. Les yeux dans les yeux, tous deux entonnent « Frou-Frou », écrite en 1898. Les bals, c'était leur plaisir. C'est Lucie qui a appris à son mari valse, tango et paso-doble. « La valse, c'est la plus belle. Oui, dans les deux sens, nous la dansions. Le jour de notre mariage, Lucie a dansé sur un guéridon ! ».
Un jour, ils oublièrent « le petit dans son landau. Il était sous l'orchestre. Nous sommes partis en le laissant au petit matin, à la fin du bal ! ». Il n'y a pas si longtemps, ils réveillonnaient encore à Soumoulou en dansant jusqu'au bout de la nuit de la Saint Sylvestre ! D'ailleurs, ils ont entraîné dans ce tourbillon du bonheur « le petit », leur fils aîné Jean et sa femme Bernadette.

===> Ex-prisonnier de guerre en Allemagne

La première lettre que Jean-Louis Lafontaine a écrite en novembre 1941 à sa femme alors qu'il est en Allemagne. © A.T.
 Des victoires, Jean-Louis Lafontaine en a connu durant sa vie. Et celle dont il n'est pas peu fier, c'est son évasion, réussie, des camps allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors qu'il effectue son service militaire au Pont Long à Pau dans l'aviation, il est envoyé dans le Nord, vers Calais. Là, il est fait prisonnier à la frontière belge le 25 mai 1940.
Pendant ces longs mois, sans nouvelle, Lucie, sa jeune femme, travaille à Orthez dans une usine de chimie. Envoyé en Allemagne près de la frontière polonaise, Jean-Louis Lafontaine ne tardera pas, avec un Oloronais, à avoir des envies d'évasion... Un mois s'écoule, ils ont marché à pied plus de 1 000 kilomètres dans des conditions effroyables... Repris à Leipzig, Jean-Louis Lafontaine est renvoyé au Stalag où il est très surveillé. « Ah, ils m'en ont fait voir ! »
L'appel de la liberté étant le plus fort, il s'évade une deuxième fois. Les Allemands le reprennent près de la frontière française cette fois. « Dans le train qui m'emmène, je suis mis en joue par des jeunes SS... J'ai eu la peur de ma vie ». Renvoyé une nouvelle fois au Stalag, la troisième tentative sera la bonne en partant dans un train de permissionnaires STO. « Je suis passé sur la rame du train pour échapper aux contrôles, j'ai couru, couru, vous pouvez pas imaginer. Un des quatre cheminots qui étaient là m'a tendu une permission ».
Fin 1942, il revoit son fils (quitté à deux ans et demi) qu'il ne reconnaît pas. Le petit en a six. En passant la ligne de démarcation à Orthez, sa femme s'évanouit. Après moult péripéties, ils arrivent à Argagnon et à Pontacq. Jean-Louis Lafontaine intègre le maquis puis le Corps Franc Pommiès. « Matricule 24 737. J'ai mon nom marqué au Stalag IIIB à Fürstenberg-sur-Oder » termine-t-il, les larmes dans les yeux et la voix tremblotante.

2 commentaires:

  1. histoire extraordinaire de gens ordinaires

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  2. comme vous ! tout me touche dans cette histoire, pêle-mêle les repas livrés "pas assez gras, pas assez sucrés", à méditer ! dire que nous avons aussi peur de notre assiette... les lettres d'amour jaunies, Frou-Frou fredonné dans la cuisine, conduire encore jusqu'à Pontacq, pour un peu je l'entendrais assurer "La voiture connaît le chemin", la lecture du Journal, la fierté que l'on devine du "et sans lunettes", le goût pour Les chiffres et les Lettres, le succès au certificat d'études, les joies mais aussi les peines et les épreuves...

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