Sur le thème de la (des) transport(s) j'ai le plaisir aujourd'hui d'accueillir Dominique la distance au personnage tandis que je me décale vers Hélène Simultanées
Tel un tapis persan
Comme un conte des
Mille (et surtout Une) Nuits
À la mémoire des dessinateurs de Charlie,
quand ils étaient petits, et aussi plus tard, et toujours…
(ensuite,
une série de petits pas qui montent en courant l'escalier et, j'en aurais mis ma main au feu, en riant sous cape)
J'ai
pris la feuille machinalement, la reposant sur une pile de livres en instance
(et en équilibre) sur un tabouret lui-même estropié. À la radio, la
conversation roulait maintenant sur le terrain de la chasse. Ce tropisme de
prédateur n'était pas spécifiquement pour me déplaire, j'en avais connu
d'autres et des pires, mais la feuille, à la faveur d'un courant d'air (sinon,
quelle invisible main ?) avait repris sa place à côté de mon pied droit. Il
était difficile désormais de n'y pas jeter un coup d'œil. Et ce que j'y vis me
stupéfia.
Ce
n'était pas faute d'avoir jamais regardé attentivement de ces dessins
d'enfants, parfois drôles, souvent étonnants, toujours émouvants. En
l'occurrence et s'agissant de ma petite-fille, raison de plus pour m'y
attarder, mais cette fois-ci force était de constater qu'il s'agissait de bien
autre chose qu'un simple « dessin d'enfant ». D'ailleurs, à y regarder de plus
près ce n'était pas un dessin, plutôt un ensemble de longs coups de crayon
horizontaux, légèrement courbes et de taille similaire, dont les couleurs
mélangées avaient généré une tonalité rose, un peu comme on dit d'un bruit
qu'il est rose quand il rassemble des notes d'intensité constante (en ce sens,
j'aime à penser qu'il ressemble au bruit fossile de l'univers primitif, bruit
aimable et neuf, s'il en fut). Oui, c'était ça, le génie de ce papier coloré
tenait à l’absence totale d'intellectualisme, de préméditation. J'avais sous
les yeux la force brute d'une grappe de photons cueillie en plein vol, avec
toute l'agilité dont est capable une enfant de huit ans. Mais cela encore, ce
n'était rien.
Car
le plus déroutant de l'histoire, le plus fantastique - et il faut bien entendre
ici ce mot dans son sens littéraire, est qu'en regardant de près cette
composition (on sera tenu de me croire sur parole, car la photo prise avec mon
téléphone portable ne permet qu'une vue par trop sommaire, j'en ai bien
conscience) en la regardant de très près donc, à la loupe, apparaissaient à sa
surface de très fines et mystérieuses phrases insérées en filigrane, comme
cousues dans les couches plus grasses de couleur, jouant à saute-mouton sur le
relief granuleux du papier Canson. Si je ne comprenais pas la langue du texte,
elle me paraissait néanmoins latine et comportait de nombreuses occurrences,
des répétitions, probablement des mots-clés. L'ensemble faisait penser (mais
une enfant de huit ans !) à une toile de Simon Hantaï qui se serait trouvée non
pas découpée, mais réduite, pour ainsi dire résumée, à la façon des tsantzas
des Indiens Jivaros. J'eus alors un grand vertige, et ce fut comme un prétexte
pour ne pas demander à la fillette de venir sur-le-champ, illico presto, et ainsi lui poser les quelques questions qui
auraient peut-être pu mettre un terme à mon agitation. On aurait presque dit
que j'en avais peur. Il y avait certainement une explication rationnelle, mais
laquelle, et à qui en parler ? Au bout d'un moment il a bien fallu passer à
table, je me tins coi et prudent, plaisantant à peine de temps à autre, ainsi à
propos de la chaudière qui, le soir, émettait une musique merveilleuse, comme
si un lutin se fût amusé à jouer de ses tubulures intimes à la manière d'un
vibraphoniste amoureux.
Le
lendemain matin, alors que la maman était revenue chercher sa progéniture, ce
fut le dernier acte de cette révélation et, il fallait s'y attendre, son point d'orgue.
J'avais
passé la nuit en longues plages pour la plupart stériles, aboutissant au fait
que cette œuvre géniale n'était peut-être en définitive que le fruit du hasard,
si surprenante soit la forme que celui-ci s'était évertué à prendre. Une
poussée de génie comme il en existe de fièvre, la grande compagne des enfants.
Aussi ma surprise fut-elle à son comble lorsque je vis la feuille nouvellement recouverte
par l'inscription : « Cahier de dessins » (suivi de ce qui ressemblait à la
représentation d'un cœur - noir, au
liseré rouge - le tout souligné d'une belle vague, rouge de même). Alors, quoi,
cette merveille n'était qu'une... couverture, pour... d'autres dessins à venir
? Une jaquette, un raccourci ? Pas possible... Et pourtant, bien sûr que si,
tout concordait, jusque dans l'écriture, la forme des lettres délibérément
enfantine, maladroite, comme faite exprès pour gruger son monde, tromper l'ennemi ! Et aussi, et alors,
bon sang mais j'en perdais mon latin, si ce que j'avais vu n'était qu'une
esquisse, une page de garde au caractère seulement informatif, qu'allait-il en être des œuvres futures ? De quelles spéculations
stylistiques, métaphysiques, mystiques, allaient-elles éclore ? Et, surtout,
comment contenir l'immense flot d'émotion, d'évidence nue et d'espoir infini
qui ne manquerait pas de nous suffoquer ?
Les participants de cette ronde évoluent aujourd'hui dans le sens suivant :
chez Céline (MESESQUISSES) mesesquisses.over-blog.com
Jean-Pierre (Voir et le dire, mais comment ?) voirdit.blog.lemonde.fr
Jacques (un promeneur) 2yeux.blog.lemonde.fr
Gilbert (le blog graphique) gilbertpinnalebloggraphique. over-blog.com
Dominique A (la distance au personnage) dom-a.blogspot.fr
chez Hélène...
Un baiser vaut bien toute cette inutile agitation, en retour de la tendresse du geste.
RépondreSupprimerCoeur noir cerclé de rouge, sur fond rose, pour des dess(e)ins à venir, cet enfant a des choses à dire, pourvu qu'il s'exprime autant qu'il le désire !
RépondreSupprimer(Remplaçons leurs écrans animés par des feuilles libres)
Ces traits - si bien exposés - auront été aussi tracés par d'autres mains hélas disparues, ils restent imprimés dans le papier d'un journal ou dans nos souvenirs, comme les traits aussi de leurs visages.
RépondreSupprimer(... et ce secret graphique : la couverture porte en soi tout le livre)
RépondreSupprimerUn «diagnostic» entre mille...
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ArD
un palimpseste pour de communs transports.
RépondreSupprimerPale in sieste fiévreuse....L'esprit s'échappe, se polarise sur une vie en éclosion, sans ponctuation....Anticipation, à dessein, du dernier baiser imperceptible qui soufflera, inaudible: requiem in Pape...
RépondreSupprimer@tous : merci pour vos passages respectifs, et ce quelle que soit la machine utilisée !
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