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lundi 19 septembre 2011

Revenant

Son frère était mort. Sa sœur. Il s'était retrouvé seul. L'hiver, la ferme glaciale, une bronchite, une autre bronchite. Le médecin avait tranché. Maison de retraite. Des jours et des nuits à arpenter les couloirs inconnus, à insulter les uns et les autres. Dans le pays, on disait qu'il s'y faisait pas, qu'il avait plus sa tête. Et le diagnostic Alzheimer. Les années avaient filé, on avait oublié. Un après-midi, voiture au bout du chemin. Côté passager, un très vieil homme, visage un peu bouffi, teint cireux. Pas facile de le remettre mais oui, lui. Sa première sortie depuis. On avait parlé parties de chasse, repas de lièvre, ventes de terre. Le temps d'avant, la vie dans son regard. Arraché au Vous vous plaisez là-bas ? ... lâché du bout des lèvres, un, Oui c'est bien puis il s'était redressé, et comme recueilli, l'effort du mot juste, un souffle... à condition de ne parler à personne."

4 commentaires:

  1. Je rêve d'un recueil de portraits comme celui-ci Elise, où l'ellipse permet de tout dire, de décrire, avec intelligence et sensibilité, la solitude, la maladie, le temps qui passe, et ce rythme si particulier de la phrase, envoûtant. "Son frère était mort. Sa sœur. Il s'était retrouvé seul." Les sautes dans le temps vertigineuses : "Les années avaient filé, on avait oublié." Et les mots de cet homme qui vibrent en nous, "Oui c'est bien" on a du mal à le croire et l'on découvre in fine qu'il n'est pas totalement fini comme on le redoutait, une lueur d'ironie brille encore dans son œil, dans sa voix, son souffle. On le retrouve. Merci Elise pour ce très beau texte.

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  2. La survie à l'économie des mots. La vie peut-être aussi.

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  3. mon pauvre gars... et comment la finir sa vie, sinon ? et se taire, mais toute sa vie...parfois, le monde a de ces langueurs, cruelles, et on voudrait bien respirer un peu, ailleurs, pour oublier que là-bas, au loin, peut-être... hein... j'aurais aimé connaître son prénom voyez

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